Quelque 120 millions de bouteilles de prosecco prennent chaque année la direction du Royaume-Uni, un chiffre colossal. Mais à l’approche du Brexit, les producteurs italiens se refusent à envisager le pire.
« Cette situation d’incertitude nous inquiète », mais « nous sommes confiants dans le fait que les citoyens anglais ne renonceront pas à ce plaisir », confie Innocente Nardi, président du consortium du prosecco supérieur Conegliano Valdobbiadene (DOCG), la zone historique de production.
Pour le DOCG, au prix globalement plus élevé, le Royaume-Uni représente 18% des exportations. Mais pour la dénomination la plus importante, le prosecco DOC, l’Union Jack pèse pour… 35% de l’export. Alors bien sûr, il y a une certaine « inquiétude » parmi les producteurs, note Stefano Zanette, président du consortium du prosecco DOC.
Un Brexit sans accord avec l’Union européenne représenterait « un saut dans le vide » aux conséquences difficilement inimaginables, depuis les kilomètres d’embouteillages en raison des contrôles à la frontière jusqu’à la hausse des prix du fait des taxes douanières. Avec à la clé un risque de ralentissement sérieux des exportations.
Pourtant, si les consortium agissent en coulisses pour voir « comment protéger au mieux la dénomination prosecco », note Mattia Mattiuzzo, vice-président de l’organisation d’agriculteurs Coldiretti dans la région de Trévise, aucune trace d’agitation en vue.
La raison? Les producteurs ne croient pas au scénario du pire. « Nous ne prenons pas en considération cette éventualité parce que nous sommes convaincus du lien fort qui nous unit aux consommateurs britanniques », souligne M. Nardi.
Même discours chez le producteur Angelo Facchin: « Je suis très optimiste, je pense que peu de choses changeront, car désormais le monde est globalisé ». Le prosecco « fait maintenant un peu partie de la culture anglaise », se rassure-t-il. Ce qui séduit les Britanniques? Le prosecco n’est « pas très alcoolisé, pas très coûteux, peut se boire à n’importe quelle occasion et remplacer la bière », assure M. Facchin, installé à San Polo di Piave. M. Mattiuzzo souligne pour sa part que le prosecco s’est imposé en Angleterre grâce aux nombreuses actions de promotion menées par le consortium, dont le sponsoring du championnat Superbike.
Le Royaume-Uni représente désormais 40% du chiffre d’affaires de la maison Facchin, après une croissance de 15 à 20% par an ces 4-5 dernières années. L’une des bouteilles est le prosecco officiel de l’université de Cambrige, le St John’s College. Malgré l’importance du Royaume-Uni, M. Facchin n’a « rien préparé », attendant de voir ce qui sera décidé. Sur place en revanche, « beaucoup d’importateurs font un peu de stocks ».
Pour pouvoir continuer à exporter même en l’absence d’accord, « les producteurs les plus importants dialoguent avec les sociétés importatrices anglaises pour créer des lieux d’importation en Irlande par exemple, ou des sociétés de droit anglais ayant les critères exigés pour pouvoir importer du vin »,
explique de son côté M. Nardi. Les producteurs estiment également que si les clients britanniques venaient à faire partiellement défaut –car aucun ne croit à une « secousse » importante– le prosecco pourrait trouver d’autres marchés. M. Nardi souligne ainsi la croissance actuelle du prosecco DOCG aux Etats-Unis, au Canada et en Russie.
Selon M. Facchin, le plus grand désavantage sera en fait subi par les Britanniques eux-mêmes, qui ont toutes les raisons « d’être les plus inquiets ».
Même conviction chez M. Zanette, qui soutient « l’idée de refaire un référendum au Royaume-Uni pour revenir en arrière, parce que la majeure partie des gens ne se rendaient pas compte des conséquences d’un tel choix ». « Nous avons besoin d’une Europe encore plus forte », plaide-t-il. L’Europe a permis
de protéger les dénominations comme le prosecco DOC et « si n’avions pas une Europe forte, nous ne serions pas aussi forts dans le monde ».
AFP