Marie-Lys Bibeyran, dont le frère salarié viticole est décédé des suites d’un cancer, a participé au printemps 2015 à l’enquête menée par Martin Boudot pour Cash Investigation. Comme elle nous l’écrit : « il en reste quelques pages au début du livre retraçant cette année d’investigation ». Dans ce débat sur les pesticides mis sur la place publique, Côté Châteaux a souhaité connaître le point de vue de cette femme, militante anti-pesticides, qui mène un combat quotidien avec Générations Futures pour une prise de conscience collective.
« J’ai regardé très attentivement le résultat de ce travail de fourmi, il en ressort un documentaire à mon sens très important pour deux raisons. D’abord parce qu’il met des personnes et des images sur les désastres sanitaires causés par les pesticides, lire des articles disant même sur appui scientifique que c’est très nocif est une chose, pourvoir en identifier des victimes qui plus est des enfants en est une autre ! Ensuite, parce qu’il révèle au grand jour la collusion entre les pouvoirs publics et les industriels de la chimie agricole, la détermination et ma capacité financière de ces derniers à tout faire pour que leur businnes ne soit pas ébranlé ».
« Je pense que pour des téléspectateurs qui en sont au stade de l’interrogation sur la dangerosité des pesticides, ce documentaire est un véritable électrochoc ».
« Pour ma part ce qui m’a le plus interpellée ce sont les chiffres. Un enfant vivant en Gironde a 20% de risque supplémentaire de développer une leucémie par rapport à un autre département en France ! C’est ahurissant ! Une femme enceinte vivant à proximité d’une zone agricole sur laquelle des pesticides sont appliqués à 3 fois plus de risque d’avoir un enfant autiste. Qu’est-ce qui est fait pour remédier à cet état de fait ?!
« Là, nous prenons la mesure de l’urgence qu’il y a réagir ».
« Je pense que chaque maillon de la chaîne doit prendre sa part de responsabilité. Du consommateur, qui doit prendre conscience que son pouvoir d’achat est avant tout un pouvoir de refuser d’acheter les produits issus de ces pratiques mortifères, en passant par les professionnels de la viticulture qui doivent accepter un changement de leurs pratiques. Apporter une réponse à la problématique des pesticides, ce n’est pas uniquement opérer à long terme un changement des pratiques , c’est aussi apporter une réponse immédiate sur le terrain par un changement de comportement ! Pour la proximité des vignes avec les établissements scolaires par exemple, appliquer sur ces parcelles là uniquement des produits homologués pour la viticulture biologique, solutionnerait le problème dans l’urgence et constituerait en même temps un premier pas vers une transition ultérieure et générale vers le Bio, sans pour autant menacer l’équilibre économique de l’entreprise puisque tout le vignoble ne serait pas concerné au début ».
« Les instances viticoles ont un rôle considérable d’impulsion à jouer au niveau local. Il n’est plus admissible aujourd’hui en l’état des connaissances scientifiques et au vu des affaires qui sont sur la place juridico bordelaise, d’entendre un représentant du Comité Interprofessionnel des Vins de Bordeaux prétendre qu’il n’a jamais lu d’études scientifiques faisant état d’effets des pesticides sur la santé humaine. Ces propos sont gravissimes et contre productifs pour l’image des vins de Bordeaux ».
« Les pouvoirs publics doivent bien entendu légiférer sur l’interdiction pure et simple des pesticides les plus dangereux, sur la mise en place de zones tampons autour des habitations et de tous les lieux de vie, sans oublier sur les conditions de travail des personnels exposés. Mais nous savons tous que le temps législatif n’est pas conciliable avec l’urgence du terrain, c’est pourquoi je pense que la volonté des instances locales et des professionnels doit venir en amont de cette, espérons-le, future législation. L’image de la viticulture, a tout à y gagner ».
Propos de Marie-Lys Bibeyran recueillis par Côté Châteaux.
Et pour revoir l’émission de France 2 :Cash Investigation. Produits chimiques : nos enfants en danger