Bernard Farges, le président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux, s’exprime sur l’émission Cash Investigation et la prise de conscience collective face aux dangers des pesticides dans la viticulture et pour les populations habitant à proximité des vignes traitées. Il est l’invité de Parole d’expert ce mois-ci dans Côté Châteaux.
Bernard Farges au bar à vins du CIVB à Bordeaux © JPS
Jean-Pierre Stahl : « Bernard Farges, vous avez regardé l’émission Cash Investigation ce jeudi, qui met en avant les dangers des pesticides, quelle a été votre première réaction en voyant la Gironde en noir sur la carte établie par l’émission, concernant la vente de pesticides notamment? »
Bernard Farges : « D’abord ça a été une réaction attentive, tout au long du reportage. Après il n’ y pas que la Gironde qui est dans cette situation là. On a pu voir aussi dans le reportage une carte qui a été moins diffusée : la carte de la qualité des eaux et là vous avez pu voir que la Gironde était plutôt bien placée, donc il aurait été utile de comparer les deux.
Après, le sujet évoqué est un sujet important et pour nous la diminution des intrants, la diminution des pesticides est une nécessité.
Nous la pratiquons et mettons tout en oeuvre depuis quelques années maintenant pour informer les viticulteurs, pour former les viticulteurs et faire en sorte qu’ils utilisent moins d’intrants. C’est un travail important de pédagogie. Ce n’est pas le Civb, ce n’est pas dans un bureau, qu’on va décider que tous les viticulteurs vont agir de manière différente ou qu’ils vont changer leurs pratiques.Pour cela, il faut les encourager, les former et les informer. Ce travail est mené, nous avons d’ailleurs eu il y a quelques jours le 8e forum environnemental qui a rassemblé plus de 400 personnes avec de nombreux journalistes aussi sur ce thème-là.
C’était l’occasion pour nous de faire le point de ce qui est fait, de manière individuelle -des actions faites par les viticulteurs – et de manière collective -des encadrements le système de management environnemental- ; aujourd’hui 45% des entreprises sont certifiées sur des pratiques environnementales qui permettent d’avoir une évolution positive des intrants et puis il y a des sujets importants d’avenir sur lesquels nous investissons, notamment la recherche.
La recherche nous dit qu’il y a des pistes très intéressantes sur l’utilisation et l’obtention de cépages, comme le merlot et le cabernet que l’on connaît ici ou le sauvignon, qui pourraient être davantage résistants aux maladies que ce que nous connaissons aujourd’hui. C’est une piste très intéressante sur laquelle nous travaillons très fort. Mais nous avons quelques soucis réglementaires qui nous permettraient d’avancer encore plus vite. Là nous interpelons notre ministre de l’agriculture et ses services pour avancer plus vite sur ce sujet là.
Lorsque nous aurons des cépages plus résitants, tout en gardant la typicité parce que ce sont des merlots et de cabernets, ce sera la consommation des intrants qui aura largement diminué, et qu’ils soient bio ou pas, car le sujet est bien de diminuer tous les intrants. »
JPS : « Est-ce qu’il n’y a pas des mesures rapides à prendre, quand on voit les prélèvements faits sur les mèches de cheveux des enfants, notamment de ceux qui sont dans des écoles à proximité des vignobles ? »
Bernard Farges : « Des mesures rapides ont déjà été prises. Notamment, après l’événement de Villeneuve de Blaye il y a deux ans, qui était je le rappelle une mauvaise pratique de la part de la part de deux de nos collègues, que l’on ne peut pas approuver et même que l’on condamne : lorsqu’un viticulteur traite alors que les enfants sont dans la cour de l’école, nous savons que l’on peut faire différemment.
Il faut traiter lorsque les enfants ne sont pas à l’école, tout simplement. les enfants ne sont pas à l’école tout au long de la semaine, donc on a la capacité de s’organiser et il faut s’organiser.
Il faut changer nos pratiques dans des lieux sensibles, lorsqu’on a des voisins, lorsqu’il y a une école, on doit s’organiser et travailler différemment. D’abord respecter la loi, traiter en dehors des périodes de vent, être plus précautionneux, et encore une fois c’est le sujet du bien vivre ensemble. Si on a une pratique normale et une pratique réfléchie, il n’y a pas de raison que les choses se passent mal.
Après l’objectif de diminuer les intrants est un objectif important, je l’ai rappelé avec les cépages résistants. Nous avons un travail à mener et nous engageons la région à nous rejoindre sur la recherche concernant le matériel de pulvérisation, et là nous savons que nous avons de gros progrès à faire, et cela ça peut aller assez vite. »
Interview réalisée par Jean-Pierre Stahl et Guillaume Decaix: