Plusieurs centaines de personnes ont bravé la pluie pour manifester cet après-midi à Bordeaux suite aux révélations de Cash Investigation sur les dangers des pesticides sur la santé de nos enfants. Des manifestants venus de toute la Gironde et même d’autres départements en France.
Sortant ses pancartes, Valérie Murat a décidé de braver les éléments. C’est l’une des deux organisatrices avec Marie-Lys Bibeyran de cette Marche Blanche lancée le week-end dernier, après la diffusion de Cash Investigation, le 2 février dernier en prime-time sur France 2.
Toutes deux sont les figures de proue de ce combat, car elles ont payé un lourd tribu, la première a perdu son père, la seconde, son frère, des vignerons-ouvriers viticoles décédés des suite de cancers.
Sous une pluie battante, ils ne sont pas nombreux à 14h, une centaine de personnes rassemblés devant la cathédrale de Bordeaux. Mais comme le veut la tradition du « quart d’heure bordelais », il y a toujours des retardataires : en effet, les participants vont être un peu plus de 400 selon la police, 1500 selon Valérie Murat, pour le début de la manifestation passant rue des frères Bonie, devant le Palais de Justice.
Ce qu’ils réclament c’est une prise de conscience comme le souligne Dominique Techer, de la Confédération Paysane et propriétaire de château Gombaude-Guillot à Pomerol :
Suite aux révélations de Cash, on aurait espéré qu’il se passerait quelque chose…Il y a eu une émotion considérable. On aurait espéré que les autorités ait conscience de cela, mais ça n’a pas été le cas. Ca a été l’omerta ! » Dominique Techer Confédération Paysane.
Et de poursuivre : « On nous a ressorti les mêmes arguments. Alors qu’il y avait une sidération de l’opinion, nous avons cristallisé ce mouvement. »
Dans le public de nombreux anonymes, en dehors de toute association et toute récupération, comme ce père de famille venu du Médoc près de Lesparre avec sa femme et ses 5 enfants en bas-âge: « c’est la première fois que je manifeste ! » En guise de prénom et nom, voilà ce qu’il me répond : « Alto Vin » :
On habite au beau milieu des vignes dans le Haut-Médoc.Quand il y a des traitements, on est obligé de fermer les volets, d’arrêter la VMC, il faut habiter au milieu des vignes pour s’en rendre compte ; je les aime mes enfants, ils valent beaucoup plus que quelques hectolitres. » Un père de 5 enfants du Médoc
Le magazine Cash Investigation avait établi une carte de France des Départements qui achetaient et utilisaient le plus de pesticides et la Gironde figurait en noir sur la carte présentée au Ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll. DSelon un tract distribué : ce département est « ainsi montré du doigt, comme département le plus consommateur de pesticides CMR (cancérigènes, mutagènes reprotoxiques), mais ce n’est plus seulement l’affaire des viticulteurs, toute la société civile est concernée… ».
Justement nombre de personnes concernées étaient là comme Dominique Dupuy, viticulteur bio à Saint-Emilion : « il y a un gros souci avec les pesticides. Il y a de grosses propriétés qui m’entourent et n’hésitent pas à traiter. Ca peut être tous les 8 jours, mais c’est variable; j’ai fait analyser mes vins sur 2015 et j’ai pu vérifier sur les bords de mes voisins que j’avais sur des lots 4 ou 5 molécules de pesticides… Moi, je suis en bio, c’est encore beaucoup de cuivre mais on peut progresser. C’est moins pire mais on peut mieux faire. »
A ses côtés, deux responsables d’associations d’apiculteurs : Bernard Simian, Président du Syndicat Apicole de la Gironde (UNAF) qui a constaté « qu’il y a 30 ans, on avait 5% de mortalité des abeilles, aujourd’hui c’est 30% » et d’en vouloir aux sénateurs de Gironde qui ont rejeté l’amendement sur les « néonicotinoïde » (interdiction de ces pesticides violents) : « on avait adressé deux courriers aux sénateurs, vu le résultat de leur vote, on ne peut plus leur faire confiance. » L’autre président du Syndicat National des Apiculteurs Frédéric Wielezynski confirme que « les populations d’abeilles ont du mal à passer l’hiver… »
Quant à Valérie Murat, qui interpelle la foule venue malgré les intempéries, elle confie à Côté Châteaux : « La mobilisation ? C’est pas mal du tout, avec le temps qu’il fait, on est plusieurs centaines : ils se sont bougés malgré la pluie, malgré la Saint-Valentin. Il y en a qui viennent du Nord-Pas-de-Calais, de Montpellier, et de toute la Gironde. Preuve que la société civile a pris conscience. Il y a eu un gros électrochoc avec Cash Investigation ».
Et de conclure : » C’est la preuve que notre combat individuel, à Marie-Lys Bibeyran et moi-même, devient un combat collectif. Il y a un débat sur la santé des agriculteurs, des habitants et de leurs enfants. Ils ont envie de reprendre leur santé en main. »
Les manifestants n’ont pas dit leur dernier mot, ils annoncent déjà leur participation à la Marche contre Monsanto & Co, le samedi 21 mai prochain, à Bordeaux. Cette fois, il fera beau ?