28 Déc

Notices pour servir à l’histoire du théâtre en Limousin (35): scènes nationales en Creuse et Corrèze.

Scènes conventionnées de Creuse

A partir de 2006, La Fabrique est animée par Filip Forgeau et Hervé Herpe, artistes associés à la direction artistique ; elle présente des spectacles de danse, théâtre, musique, lecture et culture urbaine. Onze après, la fréquentation annuelle s’établit entre 20.000 et 22.000 spectateurs. « À l’affiche – précise Le Populaire du Centre en 2017 –, côté théâtre, on retrouve plusieurs créations de Filip Forgeau et de sa compagnie du Désordre, mais aussi des « compagnons de route » comme les Mesguich, père et fils ou Philippe Flahaut. » Une programmation de quatre-vingt représentations par saison. Selon Forgeau, « On a un public qui s’est forgé au fil des années, qui a confiance dans la programmation et qui est prêt à découvrir des propositions radicales. » Lors de la dernière saison qu’il programme, la pièce La Petite fille hamster qui rêvait d’être une girafe qu’il écrit et met en scène pour les scolaires à l’occasion de Noël, est jugée inadaptée par les enseignants pour sa « vulgarité », avec, selon La Montagne[1], un message chargé pour des enfants (« La petite fille hamster traite de la différence, de l’identité sexuelle, de l’exclusion, du chômage, de la concupiscence, de la schizophrénie … »).

Après La Fabrique, La Guérétoise de spectacle est aujourd’hui la scène conventionnée, dont le directeur est Hervé Herpe. Un nouveau nom qui n’est pas sans rappeler – la référence est voulue – celui de la première coopérative de Guéret, créée en 1907 dans le sillage des idées alors jugées utopistes du philosophe Pierre Leroux. « Elle prônait les valeurs de partage et de solidarité qui sont toujours les nôtres aujourd’hui », souligne le maire de Guéret, Michel Vergnier. Parmi ses activités, son association avec les formidables Rencontres de Chaminadour – dont le Comité littéraire est composé d’Hugues Bachelot, Edouard Launet, Pierre Michon et Olivier Rolin – consacrées chaque année à un écrivain. En 2019, l’immense Victor Hugo.

Le Centre culturel d’Aubusson fut créé en 1981 grâce à l’entremise d’André Chandernagor, ancien ministre creusois d’André Maurois, avec le soutien actif de Jack Lang, ministre de la culture. Il regroupait un théâtre, une médiathèque et un musée de la tapisserie qui évolua plus tard en Cité de la tapisserie. Le lieu, dirigé par  Gérard Bono, devint scène nationale dix ans plus tard, prenant en 1995 le nom de Jean Lurçat, le célèbre tapissier. En plus de sa programmation, celle-ci assure un travail d’accompagnement et de coordination vis-à-vis des petites compagnies locales et régionales. Dans le journal IPNS, le directeur déclarait : « Nous sommes une agora, un espace de création artistique mais aussi un lieu de rencontre où se joue et se noue le lien social. A ce titre, notre présence est vitale, et contribue d’ailleurs à l’attractivité d’Aubusson. » Depuis plusieurs années à La Pépinière, salle de résidence mise à disposition par la ville d’Aubusson, la Scène Nationale met aussi en pratique un soutien actif à la jeune création avec 180 à 200 jours de résidence d’artistes par saison. La scène nationale est également partenaire du Festival des Nuits Noires, « atypique », dans la mesure où il a été pensé autour d’une rencontre entre 500 à 700 adolescents âgés de 14 à 18 ans, d’un public adulte et de plus d’une vingtaine d’auteurs de roman noir. Le Président d’Honneur en est Jean-Bernard Pouy, la directrice Cécile Maugis.

 

La scène nationale de Brive-Tulle

L’Empreinte est la scène nationale de Brive-Tulle, dirigée, en 2019, par Nicolas Blanc (après des passages par Perpignan, les Côtes d’Armor, le Gers, la Lozère) et Nathalie Besançon, ex chargée de communication et des relations publiques du théâtre municipal, puis directrice du théâtre des 7 collines. C’est le 15 juin 2018 qu’est apparue cette scène nationale, fruit de l’union des deux précédentes scènes conventionnées distantes l’une de l’autre d’une trentaine de kilomètres. « J’ai l’impression que l’on vient de percer une seconde fois le tunnel de Bonnel  », s’était amusé le maire Frédéric Soulier au moment de cette naissance, alors que son homologue tulliste savourait également « ce joli moment de vie, sur le plan politique et territorial, né d’une grande ambition ». Elle trouve l’origine de son nom dans le très beau texte de l’écrivain briviste Pierre Bergounioux, du même nom, où il écrit, évoquant le pays de son enfance : « une officieuse main y avait travaillé dès l’âge permo-carbonifère […]. Elle avait disposé, en rond des collines égales ou alors taluté le pied de la montagne limousine, au bord de l’Aquitaine, puis enfoncé le pouce à leur jointure. » L’Empreinte propose « un théâtre sensible et engagé, témoin de notre époque, dont les récits se déclinent dans le temps et les espaces investis par la Scène nationale. La déclinaison du répertoire d’un même artiste entre les deux scènes, l’accueil de résidences de création croisées et de projets conçus en plusieurs volets permettent de suivre des trajectoires de compagnies et de pensées, les projets se répondant comme un écho (…) Repenser plus particulièrement l’adresse et la programmation en direction des jeunes et des adolescents en temps scolaire et dans leur temps libre en s’appuyant sur les écritures dramatiques d’aujourd’hui (…) Du Bleu en hiver, le festival des jazz(s) et musiques improvisées (…) Danse en mai » et différents accueils. Faisant fi de la vieille rivalité entre Brive et Tulle, Nicolas Blanc a affirmé ne pas l’avoir sentie depuis son arrivée. « Je trouve ça vraiment symbolique que la première coopération entre Brive et Tulle se fasse sur un plan culturel », a-t-il même observé. Et à la veille de la saison 2019-2020, il écrit, avec la directrice adjointe, que cette scène doit être « vivante, en prise avec l’actualité de la création, perméable aux questions de société qui nous agitent et nous bousculent ».

[1] Le 25/11/2017.