28 Juin

Limoges en révolution, suite

La période 1788-1789 est celle d’une crise céréalière : l’été, les récoltes sont mauvaises et la hausse des prix importante, les « accapareurs » profitent de la situation. Des émeutes éclatent de ci, de là, en Limousin. L’hiver qui suit est très froid, il neige et gèle. Même les châtaigniers meurent. La misère augmente. C’est à ce moment que sont préparés à Limoges les Etats Généraux convoqués à Versailles (pour la première fois depuis le XVIIème siècle) par Louis XVI pour tenter de résoudre les problèmes de l’Etat et surtout sa crise financière. Suite à des assemblées primaires réunies dans la ville par corporation pour élire leurs délégués, les assemblées des trois ordres se tiennent du 16 au 23 mars 1789 – la sénéchaussée de Saint-Yriex-La-Perche est rattachée à Limoges. Les cahiers de doléances rédigés font apparaître le souhait d’une meilleure répartition de l’impôt entre les trois ordres, celui d’un allègement de la charge fiscale, la nécessité d’une convocation régulière des Etats Généraux, le vote par tête lors de ceux-ci, la volonté de faire progresser les libertés individuelles. Sur les vingt-quatre rédacteurs du cahier final du Tiers-Etat de Limoges, on compte douze avocats et deux notaires. Les cahiers du Tiers-Etat et du clergé apparaissent comme proches sur l’essentiel. L’assemblée générale des trois ordres se déroule le 16 mars dans la chapelle du Collège, où l’on a dressé une estrade supportant un vaste bureau derrière lequel prennent place, sur des fauteuils, le sénéchal – en grand costume – et son secrétaire particulier, le lieutenant général, le procureur du roi, le greffier en chef du Présidial et ses commis ; des huissiers sont aux pieds de l’estrade. Le clergé en soutane est rangé sur des chaises à gauche, derrière l’évêque assis dans un fauteuil sur une petite estrade ; les nobles sont à droite, en habits bourgeois, l’épée au côté ; les députés du Tiers sont assis dans la nef en face de l’estrade. Des hommes du guet gardent les entrées et les galeries de la chapelle sont remplies d’hommes et de femmes. Les députés de Limoges sont : l’évêque Duplessis d’Argentré – malgré l’opposition du bas-clergé – et Joseph Guingand de Saint-Mathieu, curé de Saint-Pierre-du-Queyroix ; le comte des Cars et le vicomte André de Mirabeau (« Mirabeau-Tonneau », frère cadet de Gabriel-Honoré), héritier de la seigneurie de Pierre-Buffière ; le riche bourgeois Louis Naurissart, directeur de la Monnaie, Grégoire de Roulhac, lieutenant général de la sénéchaussée et maire de Limoges, Nicolas Montaudon et Jean-Baptiste Chavoix, avocats.

Mais ce qui préoccupe le peuple, au moment où s’ouvrent les Etats Généraux à Versailles, le 5 mai, c’est la difficulté à se nourrir. Le 12 mai, les buandières du Naveix et du pont Saint-Etienne ameutent le peuple autour d’une charrette de blé dissimulé qui est pillée. On s’arme de bâtons pris au port et de haches pour obliger la municipalité à effectuer des visites domiciliaires pour chercher du grain caché. La rumeur d’une attaque des paysans de la campagne alentour se répand et les habitants et les commerçants se barricadent. Le lendemain matin, des femmes encouragent le peuple à fouiller les boulangeries où l’on découvre des pains cachés qui sont distribués. Les autres commerçants sont menacés. Le guet, la gendarmerie et la milice bourgeoise rétablissent l’ordre, non sans mal. La municipalité ordonne aux boulangers de fabriquer tout le pain nécessaire dont elle abaisse le prix de vente (en compensant la perte des artisans) et utilise ses fonds à l’achat de grain. L’intendant fait venir le régiment Royal Lorraine pour garantir la libre circulation ; une centaine de cavaliers s’installe près du pont Saint-Martial. Les meneurs des émeutes sont arrêtés dans la nuit du 13 au 14 mai et incarcérés.

16 Juin

La période pré-révolutionnaire à Limoges (I)

A la fin  du XVIIIème siècle, le pourcentage d’hommes sachant signer se situe plutôt, à Limoges, dans une fourchette de 30 à 57% selon les paroisses. Les campagnes alentour sont souvent peuplées d’ignorants et d’analphabètes. La langue française est essentiellement parlée dans les villes ou les châteaux. L’enseignement primaire est peu développé.

Paul d’Hollander a parlé d’un « frôlement des Lumières » à Limoges : certes, création en 1759 de la seconde Société d’agriculture de France, existence d’un journal, la Feuille hebdomadaire de la Généralité, mais ces deux initiatives doivent d’abord aux intendants. Il n’y a pas d’académie littéraire ou de peinture. On souscrit peu pour L’Encyclopédie. Au début de 1782, un maître de musique allemand, Wendensen, ouvre une école de chant et de cours de musique (violon, alto, guitare) pour les enfants. Mais il lui faut bientôt quitter la ville, criblé de dettes, faute de succès. Il existe toutefois une société théâtrale d’amateurs issus de la bonne société limougeaude, dont l’une des représentations suscite la polémique en 1784 : en effet, « les belles dames ne rougirent pas de se donner en spectacle au public », ce qui déplaît au clergé – des bourgeois accusent alors celui-ci de fanatisme. La société souhaiterait d’ailleurs créer une salle de spectacles théâtraux et de concerts, un restaurant-brasserie, une bibliothèque laïque ouverte même aux femmes ; mais le projet échoue, faute de souscripteurs. En mai 1784, la foule se presse sur la place d’Orsay, sans doute plus par goût du sensationnel que par curiosité scientifique, pour voir le géomètre Dupont, de passage dans la ville, faire s’envoler un ballon de papier que l’on retrouve du côté de Saint-Priest-Taurion. Un autre savant de passage tente une nouvelle expérience en réussissant le lancement de deux ballons le 18 juillet 1785 depuis la place Tourny. En 1788, un nommé Desraine ouvre un café rue de la Promenade et installe dans l’une des salles un cabinet littéraire où sont consultés journaux et gazettes. La même année, les bourgeois se pressent à deux conférences de Dupont, secrétaire du duc d’Orléans, venu exposer sa technique pour écrire aussi rapidement que l’on parle. La société des gens de lettres ouvre un cabinet de lecture rue Manigne, dans une salle de la maison des Oratoriens. A l’Académie des nouvelles, fondée en 1772, on pense que la noblesse et le clergé devraient payer l’impôt. Au moment de la préparation des Etats Généraux, diverses brochures circulent à travers la ville, dont une Requête des femmes pour leur admission aux Etats Généraux qui révèle l’existence de quelques féministes préfigurant Olympe de Gouges à Limoges.

La nouveauté vient sans doute de l’installation de la franc-maçonnerie à Limoges – une histoire bien étudiée par Michel Laguionie. L’implantation daterait du milieu du XVIIIème siècle, les séances se tenant dans la tour Pissevache. En 1767 est fondée par Jean-Baptiste Pétiniaud de Beaupeyrat la loge des Frères Unis. Progressivement, la maçonnerie se développe dans la ville, à travers plusieurs loges affiliées au Grand Orient. Y adhèrent des négociants, des hommes de loi. Parmi eux, ceux que nous avons vus à l’origine de l’industrie porcelainière à Limoges. Les idées d’égalité, de liberté, de tolérance, de progrès, la philanthropie, y sont exprimées, mais les maçons de la ville restent modérés. Selon Michel Laguionie, « la Franc-Maçonnerie a bien joué un rôle dans la préparation des événements, dans le renversement des valeurs ; elle a été, plus ou moins consciemment, un des leviers de cette Révolution… »

06 Juin

L’éphémère école vétérinaire de l’intendant Turgot

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C’est le vétérinaire Pierre Desnoyers – ancien élève du Lycée Gay-Lussac – qui, dans
sa thèse de 1967, révéla que l’intendant Anne-Jacques-Robert Turgot était à l’origine de la
seconde Ecole vétérinaire de Limoges, dont l’existence fut malheureusement fort brève.

Dès son arrivée en Limousin, Turgot fut sensible au développement de l’art vétérinaire, nécessaire
dans cette région d’élevage. Dès 1763, il ne ménage pas ses efforts en faveur de l’ouverture
d’une Ecole vétérinaire à Limoges et surtout d’un financement royal qu’il espérait mais qu’il
n’obtint pas. L’établissement ouvrit pourtant en février 1766. Turgot avait informé la
population de cette création et proposé aux paroisses les plus riches de prendre sous tutelle
certains élèves afin de s’assurer le concours des futurs diplômés. Pour être admis, ceux-ci
devaient savoir lire et écrire et avoir entre quinze et vingt-cinq ans. Le professeur responsable
était Le Blois, assisté par Barjolin. L’effectif constant ne fut que de trois élèves. L’Ecole avait
pour but d’enseigner mais aussi de traiter les animaux malades. « Toutes les parties de la
médecine des animaux » étaient étudiées.
Le 5 novembre 1768, toutefois, l’Ecole ferma, faute de reconnaissance officielle, de
moyens et faute de candidats – peu de jeunes gens étant attirés par la médecine vétérinaire, la
majorité préférant étudier la chirurgie, plus lucrative. Cependant, écrit Pierre Desnoyers,
l’existence de l’Ecole fit connaître cette nouvelle profession. En 1786, il y avait trois
vétérinaires à Limoges : Persche, Sazerat et Mirat. En 1836, l’Administration préfectorale de
la Haute-Vienne émit des souhaits en faveur de la création d’une nouvelle Ecole vétérinaire à
Limoges mais, après étude, le projet fut abandonné.