(c) Serge Berton/Imapress
Au moment où Thomas Dutronc enregistre des chansons de Serge Gainsbourg, souvenons-nous qu’en 1943, en pleine Occupation et sous le régime de collaboration infâme de Vichy, une famille, les Ginsburg, Joseph, Olia et leurs enfants, Jacqueline, Liliane et Lucien (le futur Serge), pourtant nés en France, se virent retirer la nationalité française parce qu’ils étaient juifs.
« Exerçant la profession de pianiste, le nommé Ginsburg qui se déplace fréquemment réside actuellement à Lyon. […] Sa fille Jacqueline, titulaire d’une CI au titre de lycéenne avec la mention “juive”, fréquente le lycée Jules-Ferry avec sa soeur Liliane. Son fils Lucien est inscrit au collège Du Guesclin. […] Il ressort néanmoins que l’intéressé a quitté la capitale en 1941 pour la zone libre pour s’éviter des ennuis en raison de sa confession », notait l’enquête de police. La commission adéquate décide donc le « retrait général » de la nationalité française à la famille.
Les Ginsburg fuient, sous le faux nom de Guimbard. Après Dinard, Nice, Lyon, ils arrivent à Limoges, où de nombreux juifs sont réfugiés (cf: mon Histoire de Limoges). « On ne se rendait compte de rien, mais on l’a échappé belle. Dans notre immeuble à Limoges, où nous nous étions réfugiés, la police est venue chercher toute une famille », se souvient Jacqueline, la soeur du chanteur (Nouvel Observateur, 28.10.2004).
Gilles Verlant a raconté tout cela en 2000 dans la biographie qu’il a consacré au chanteur chez Albin Michel. Il a notamment collecté les témoignages de ceux qui ont connu la famille. A l’époque, elle loge au n° 13 (actuel 11) rue des Combes, dans un petit deux pièces qui appartient à Philippe Nadaud, propriétaire du « café de la mère Nadaud », bistrot au rez-de-chaussée. Joseph Gainsbourg, sous le pseudonyme de Jo d’Onde, joue du piano à La Coupole, place de la République, au Cyrano et au Café Riche, en fin d’après-midi et le soir. Au répertoire: du classique, du jazz, de l’opérette, de la musique tzigane. Ceux qui l’ont fréquenté souligne l’élégance, le raffinement, la grande culture de Joseph.
Lucien, lui, est rapidement envoyé au vert au collège de Saint-Léonard-de-Noblat, où il commence à écrire un journal intime. Il détone par son élégance et son goût pour le dessin au milieu des gars de la campagne. A Limoges, la milice menace… Les parents sont arrêtés puis relâchés; ils partent se réfugier à Saint-Cyr. En juin 1944, la police de Limoges lance un avis de recherche à leur encontre. Mais durant leur séjour, les uns et les autres bénéficient de la complicité et de la sympathie de musiciens, de Limougeauds et Limousins, de professeurs, de camarades… Voici l’un des témoignages de Serge: « Un jour le directeur de l’établissement me convoque et il me dit : « Mon p’tit gars, il va y avoir une descente de la Milice pour vérifier s’il n’y a pas de Juifs à l’école, alors voilà ce que tu vas faire : tu vas prendre cette hache et te cacher dans les bois. Si on te demande quelque chose tu diras que tu es fils de bûcheron. » Je m’en vais donc comme le Petit Poucet et je me construis une petite hutte, c’était l’aventure. Pas de chance, au moment où la nuit tombe, un orage éclate : en moins d’une heure, je suis trempé jusqu’aux os. Le lendemain, des petits garçons sont venus m’apporter à manger. Quand le terrain a été libre, je suis retourné au collège. »
A la Libération, la famille repart à Paris, mais Joseph joue encore quelques mois à Limoges. Pour sa part, Lucien réintègre Condorcet.
On comprend tout le sens de la chanson figurant dans l’album Rock around the bunker en 1975:
Inscrit sur fond jaune vif,
Y’a un curieux hieroglyphe
Sur cette yellow star, yellow star,
J’ai gagné la yellow star,
Et sur cette yellow star,
Y’a peut etre marqué sheriff ou marshall ou big chief
Sur cette yellow star, yellow star,
J’ai gagné la yellow star,
Je porte la yellow star,
Difficile pour un juif,
La loi du struggle for life,
Quand il y a la yellow star, yellow star « .