La Ville de Limoges a décidé de dynamiser le centre de la Cité par diverses manifestations au fil des saisons et on ne peut que s’en féliciter. Ce week-end, malgré la pluie, elle a aménagé de façon beaucoup plus plaisante et moins froide les places de la République et de la Motte, et créé la manifestation Limoges fête le Limousin.
Mais tous les chalands et tous les touristes qui arpentent cette place de la Motte savent-ils pourquoi elle porte ce nom? Un premier indice leur est fourni, pour peu qu’ils lèvent le nez, par la fresque murale au centre de laquelle est notamment représenté un château de bois…
En voici l’explication: à partir de la fin du IXème siècle, il est attesté qu’un vicomte représente le comte de Poitiers à Limoges ; il s’est installé à l’écart de la Cité épiscopale, sur un site de carrefour où il a établi une motte castrale faisant suite à une construction d’un bâtiment antérieur (mais postérieur à l’Antiquité). Le site a été fouillé en 1995. L’insula est alimentée en eau potable par un aqueduc antique (d’Aigoulêne), la motte est protégée par des fossés mis en eau de manière continue, où l’on a notamment retrouvé de la céramique, et par des palissades doubles. Une chapelle placée sous le vocable de saint Michel (dite des Lions) est construite dans la basse-cour du château. Après diverses vicissitudes, le vicomte doit faire allégeance à l’abbé.
Il y avait plusieurs vicomtes en Limousin ; c’est la même famille qui se maintint dans cette fonction vicomtale de Limoges, du IXème au XIVème siècle.
Bernadette Barrière – professeur d’histoire médiévale à l’Université de Limoges qui forma des générations d’historiens et repose désormais dans le beau cimetière d’Aubazine en Corrèze – parlait de « la ville des trois pouvoirs » au Xème siècle : celui de l’évêque, sur la Cité ; celui du vicomte ; celui de l’abbaye Saint-Martial, protégée par sa propre enceinte – on parle alors de Castellum Sancti Martialis. C’est donc l’apparition d’une ville polycentrique (l’intégration dans une même enceinte de la tour du vicomte et du Château Saint-Martial étant envisagée dès les temps carolingiens).
Dans les parages de ces noyaux, l’église Saint-Augustin puis l’église Saint-Martin se transforment en abbayes (la première est le lieu de sépulture traditionnel des évêques, la deuxième – bénédictine – s’entoure d’un petit bourg) ; des lieux de cultes apparaissent ou se développent, notamment autour de la Cité ; des faubourgs s’étendent plus ou moins, aux alentours du pont Saint-Martial (sous la domination de l’évêque), du port des bois du Naveix, de Saint-Pierre-du-Queyroix, des Arènes (on imagine sans pouvoir le prouver que l’ancien grand amphithéâtre a sans doute connu l’installation d’habitations ; plus tard au Moyen Age, on s’y entraînait au maniement des armes).
Progressivement, la bipolarisation urbaine se renforce, suscitant des rivalités entre la Cité et le Château Saint-Martial.