28 Mai

Limoges et le socialisme municipal, 2

Hôtel de ville 005-3 - place (circa 1965) - Photothèque Paul Colmar

Progressivement, Limoges se désindustrialise : la porcelaine (frappée par la crise de 1929), malgré des efforts incontestables de modernisation, décline, tout comme la chaussure. Le nombre d’ouvriers diminue. Parce qu’elle perd de son attractivité, parce que ses enfants sont frappés par les guerres, Limoges voit sa population stagner : passant de 93 000 habitants en 1911 à 107 000 en 1954. En 1938 cependant, à l’initiative de l’Etat, un Arsenal fut implanté sur les bords de Vienne – il fut reconstruit entre 1950 et 1955. Limoges voit aussi prospérer l’entreprise Legrand. En 1919, un des associés de la fabrique de porcelaine Betoulle et Legrand, Jean Mondot, artisan de Limoges qui avait monté à Exideuil une petite usine d’interrupteurs utilisant du buis et de la porcelaine, élargit l’activité de la société en créant une branche « Appareillage électrique ». A partir de cette date, elle devient progressivement la principale activité de la maison. L’entreprise devient la société Legrand et Cie (Manufacture de Porcelaines et d’appareillage électrique) en 1924. Vingt ans plus tard, la société Legrand passe sous la direction de deux beaux-frères : Jean Verspieren et Edouard Decoster, industriels du Nord. En 1949, suite à un sinistre, ils font le choix de se spécialiser sur la seule production d’appareillage électrique d’installation. Peu à peu, l’usage du plastique se développe avec les thermodurcissables puis dès 1959, les thermoplastiques issus du pétrole. En 1966, Legrand acquiert sa première filiale hors de France en Belgique. C’est le début d’une politique d’acquisitions autofinancées et ciblées (aujourd’hui, Legrand est présent dans 80 pays et ses produits commercialisés dans 180). Quatre ans plus tard, le groupe est introduit en bourse ; en 2011, il fait son entrée au CAC 40.

Léon Betoulle fut aussi à l’initiative de la création du quotidien socialiste Le Populaire du Centre, dont il présida le conseil d’administration durant trente années. Il devint après-guerre un véritable journal régional d’information, son engagement politique se diluant au fil du temps (même si la droite locale aima beaucoup le qualifier de Pravda).

 

De nouvelles paroisses et leurs églises

 

L’inadaptation des paroisses limougeaudes à la croissance de la ville avait conduit l’évêque, Mgr Alfred Duquesnay, au début des années 1870, à compléter les quatre existantes (Cathédrale, Saint Pierre, Sainte Marie et Saint Michel) par quatre autres : Saint Joseph et le Sacré Cœur, Saint Paul-Saint Louis et Sainte Valérie.

L’église du  « Nouveau Sacré-Cœur » (dont le nom témoigne d’une volonté de relance de la vénération du Sacré-Cœur de Jésus) est financée – grâce à l’obstination du chanoine Réméniéras – notamment par souscription (Mme Lagrange-Puymori, veuve d’un agent de change parisien, donnant par exemple un million de francs en 1935). Le bâtiment réalisé par les architectes Georges et Xavier Gay-Bellile, Georges Ménissier et M. Girouard, est consacré le 23 juin 1937 par Mgr Flocard – la cérémonie est décrite peu après par La croix de Limoges. L’originalité de l’église, de style « romano-byzantin », provient de sa nef spacieuse, de sa coupole lumineuse, et de l’utilisation du béton armé. En guise de décor : des chapiteaux, des panneaux de cuivre, des émaux de Robert Blancher, mais surtout des vitraux dessinés par Pierre Parot, peintre-verrier, réalisés par Francis Chigot, ancien élève des Arts Décoratifs de Limoges puis des Beaux-Arts de Paris, reconnu nationalement et même internationalement (Canada, Etats-Unis). Les magnifiques grandes verrières (30 m2 de superficie), furent réalisées en 1955 : l’une est consacrée à la Cène, l’autre à la multiplication des pains et des poissons. A l’instigation de l’abbé Guy Daudet (qui fut auparavant curé de Saint-Paul Saint-Louis), l’Atelier du Vitrail, qui succéda à l’entreprise Francis & Pierre Chigot, des vitraux vinrent compléter l’ensemble au début des années 2 000 : ils sont situés au fond de la nef.

L’église Saint-Paul Saint-Louis, décorée elle aussi par des vitraux de Chigot, fut achevée en 1907, mais sans clocher, faute de moyens (la façade a été décorée par la suite de plaques de couleur). Située route d’Ambazac (rue Aristide Briand), non loin de l’école de La Monnaie, mentionnée dans ses souvenirs de jeunesse par Georges-Emmanuel Clancier, elle était destinée à évangéliser les cheminots et leurs familles.

La Jeunesse Ouvrière Chrétienne de Limoges est fondée en 1920 par l’abbé Martial Poumeau et des prêtres ouvriers s’implantent en 1947. Le grand séminaire a ouvert ses portes rue Eugène Varlin en 1919.

 

21 Mai

De Léon Betoulle à Louis Longequeue

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Pavillon du Verdurier, détail.

Pour évoquer « l’ère de Léon Betoulle » (1912-1956), Louis Pérouas parlait d’une « longue somnolence » ; Jean-Marc Ferrer et Philippe Grandcoing évoquent des « décennies grises » mais aussi un « désir de modernité », en fait principalement urbanistique. En 1912, le socialiste a battu le Dr Adrien Desbrières et s’est installé très durablement au pouvoir, régnant à l’Hôtel de Ville, mais étant aussi élu député – votant, on l’a dit, les pleins pouvoirs à Philippe Pétain – puis sénateur, tout juste absent sous l’Occupation et l’immédiat après-guerre, aux affaires jusqu’à sa mort le 30 novembre 1956. Sans doute s’est-il révélé au moment de la Première Guerre mondiale, sachant mettre l’administration municipale au service des  soldats blessés de guerre et des réfugiés belges, et du nord de la France. De même, comme l’a noté Vincent Brousse, a-t-il fait « entendre une voix, un peu distincte de l’unanimisme patriotique et ce, dès 1915. En effet, sous la houlette d’Adrien Pressemane, la fédération socialiste de la Haute-Vienne demande à ce que l’on prête une oreille attentive au moindre signe de paix. » Durant son mandat, la ville change : des immeubles bourgeois modernes sont construits dans le centre (en particulier boulevard Louis Blanc et rue Jean-Jaurès), mais également des cités ouvrières.

Parmi les constructions emblématiques, celle du Pavillon du Verdurier, Ce projet est intégré dans la reconstruction du quartier du même nom, démoli à partir de 1913 lors du percement de la rue Jean-Jaurès. Ce bâtiment de plan octogonal a été conçu par l’Office départemental du ravitaillement comme pavillon frigorifique pour approvisionner la population en viande importée congelée d’Argentine, le secteur agricole ayant beaucoup souffert en Limousin. Il aurait été également un moyen mis en œuvre par la Ville pour contourner le corporatisme des bouchers limougeauds, alors très fort. Le projet est présenté par le maire le 4 mars 1919. La construction est achevée en 1920. Conçu par Léon Gauthier en style Art déco, il occupe une superficie de 400 m2. Il est habillé par une belle parure de carrelage en grès flammé à dominante verte, avec une haute frise de bouquets bleus sur fond or. Elle a été réalisée par les céramistes Alphonse Gentil et François Bourdet (Boulogne-Billancourt), le décor peint de la voûte l’étant par l’entreprise Chigot. En 1924, l’usage du frigo étant périmé, le matériel est vendu et le Pavillon sert de gare routière jusqu’en 1976. Complètement restauré par la ville de Limoges en 1978, il est transformé en pavillon municipal d’exposition et gagnerait sans doute à être encore mieux mis en valeur. A Limoges, l’Office Public des Habitations à Bon Marché (O.P.H.B.M.) naît en 1919. Il doit remédier à l’état déplorable du logement des catégories populaires en cette période d’entre-deux-guerres. La municipalité socialiste engage un important programme de construction. De 1924 à 1956, l’O.P.H.B.M. livre 1 800 logements, sur huit sites différents. L’agréable cité-jardin de Beaublanc, construite par Roger Gonthier, en est le premier exemple. Elle se compose de 202 logements allant du deux au quatre pièces (avec gaz, électricité, eau courante), dans des petits bâtiments en pierre de deux niveaux avec jardin individuel pour chaque famille et des équipements collectifs (lavoirs, bains douche). En 1929, les premiers immeubles de la Cité des Coutures voient le jour (trop proches de la gare… selon les bourgeois). La construction s’achève en 1932. 540 logements, dotés du confort, sont répartis dans des bâtiments de quatre étages, avec des équipements collectifs et des commerces en pied d’immeuble. 25 ans plus tard, une troisième tranche de 75 logements est ajoutée aux deux premières. (A la fin des années 2000, deux cages d’escaliers de la rue Pressemane sont démolies, afin d’ouvrir l’intérieur de la cité.) Divers ouvrages et témoignages ont montré combien ces cités populaires avaient marqué ceux qui y avaient habité, combien un « esprit » propre s’y était développé. Les Coutures furent un lieu de résistance, pendant la guerre, mais aussi au moment des luttes sociales, par exemple en mai 1968. De 1936 à la veille de la seconde guerre mondiale, Limoges se dote de quatre nouvelles cités, de différents styles architecturaux : Casimir Ranson, Léon Betoulle, Ernest Ruben, Victor Thuillat (du nom du Vénérable des « Artistes Réunis » qui oeuvra à la transformation de Naugeat en hôpital spécialisé et à la réalisation de cités ouvrières), soit 524 logements. Mais les besoins en logements sont loin d’être satisfaits et le nombre de logements insalubres augmente. En 1950, les Habitations à Bon Marché deviennent les Habitations à Loyer Modéré (H.L.M.). L’Office H.L.M. de Limoges construit le Mas-Neuf, une partie de la cité du Docteur Jacquet, rehausse la cité Victor Thuillat d’un cinquième étage et adjoint un bâtiment à la Cité Casimir Ranson (soit 220 logements). En 1954, suite à l’appel de l’Abbé Pierre, les cités d’urgence sortent de terre (deux cités d’urgence, rue Colette et Paul Eluard : 100 logements), suivies par les logements populaires familiaux  » LOPOFA  » (Docteur Jacquet 100 logements) et les opérations Millions (Raoul Dautry : 120 logements). Ces constructions de logements sociaux s’accompagnent de l’organisation de colonies de vacances et de centres aérés qui permettent aux jeunes limougeauds modestes d’aller prendre l’air sur les rivages de l’océan ou à la campagne. Michel Laguionie a montré comment les francs-maçons (très présents dans l’entourage du maire) s’étaient préoccupés du développement des œuvres post et périscolaires, s’intéressant par exemple de près au Mas-Eloi.

A suivre…

17 Mai

Un siècle de socialisme municipal jusqu’à l’alternance

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Caricatures de Betoulle par Anthéor

Le talentueux écrivain limougeaud Bernard Cubertafond a livré sa vision acérée et littéraire du socialisme municipal dans un très beau petit récit paru en 1987 chez Dumerchez-Naoum : Province Capitale Limoges, qu’il faut absolument lire. Quelques courts extraits en ouverture de ce chapitre : « Ici tout est bien rangé. Rien à dire. Campagne anti-bruit permanente […] Evènements, muets. Délinquance, minimale. Culture, juste ce qu’il faut. Université, très convenable […] Discrétion avant tout. Ne pas faire de vagues. Ne pas choquer. Gardons nos secrets […] Le maire se tait mais chacun sait qu’il est là et bien là, qu’il veille, qu’il quadrille […] Dans ce pays laïc une manière de Dieu le père […] Modifier peu à peu mais sans rien heurter […] On use donc très peu de maires. Le parti socialiste en engendre deux ou trois par siècle selon une procédure dont la transparence échappe aux non initiés. » La littérature exprime parfois mieux les réalités que l’histoire. Léon Betoulle, Louis Longequeue, Alain Rodet, ou un siècle de « socialisme municipal », jusqu’à l’alternance de 2014, qui raviva l’expression selon laquelle il ne faut pas s’endormir sur ses lauriers.

C’est ce que je vais vous raconter dans les prochains billets.

08 Mai

Les cyclos-touristes du Limousin pendant la guerre

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On vient de me confier les archives des comptes-rendus des sorties du club des cyclos du Limousin dans les années 1940. Ils sont rédigés à la main et illustrés, regorgent de détails. Ils mériteraient sans doute d’être en partie édités… Ici, un dessin montrant le retour espéré des prisonniers de guerre (« la quille ») à la gare de Limoges-Bénédictins…

05 Mai

L’écrivain Pierre Bergounioux était de passage au lycée Gay-Lussac le 4 mai 2017

P. Bergournioux P. Laumond Gay-Lussac

Dans la cour du lycée limougeaud, l’écrivain retrouve son ancien condisciple Pierre Laumond – qui enseigna par la suite en prépa littéraire à Gay-Lussac.

P. Bergounioux salle HK Gay-Lussac

Photo historique: Pierre Bergounioux retrouve sa place dans la classe d’hypokhâgne, où il était élève en 1967, avant d’intégrer l’Ecole Normale Supérieure.

P. Bergounioux Gay-Lussac

L’écrivain retrouve le rituel traditionnel: toucher le pied de la statue de Gay-Lussac, pour réussir à un examen.

Pierre B.

La poète Marie-Noëlle Agniau, Jean-Pierre Levet, président des Anciens élèves, Pierre Bergounioux et Pierre Laumond.

(c) L. Bourdelas