Jean-Pierre Comes (c) L.Bourdelas, 2020
Né en 1946 à Limoges, Jean-Pierre Comes est un homme et un artiste plasticien discret, pourtant intimement lié à l’histoire culturelle de la ville ces dernières décennies. Son appartement avec vue sur la cathédrale Saint-Etienne, où il vit avec son épouse émailleuse Joëlle Comes, est proche de ceux qu’occupèrent le dadaïste Raoul Hausmann ou l’écrivain, mathématicien, ésotériste, mythologue, Jean-Charles Pichon. Ce dernier écrivit d’ailleurs à Comes, en 2000 : « … ton œuvre échappe aux classifications, craint toutes les fermetures, n’a d’autre avenir que le toujours possible. » Une œuvre colorée, hors des modes, liée à l’écrit et au langage.
Autodidacte, Jean-Pierre Comes, qui expose depuis 1973 (Paris, Limoges, Texas, etc.), réalise des collages, des dessins collés et gouachés, crée de superbes livres d’artistes en un exemplaire sur lesquels écrivent à même la page des écrivains, des poètes conviés, peint des bois, et s’est lancé avec talent dans l’aventure du mail art, correspondant avec les plus grands, à travers le monde entier. L’été dernier, une exposition rétrospective organisée à Terrasson a montré l’envergure inestimable de ces échanges. Au nombre de ces correspondants : Fernando Arrabal (« Vous butinez le pollen des dieux » lui écrit celui-ci), Bob Ray, John Held Jr, Gérard Sendrey, Claudine Goux… mais aussi Roch Popelier. La galeriste limougeaude Simone Nathan-Asher s’amusait : « Si j’attends de faire une enveloppe digne de celles de Jean-Pierre, cela risque de durer encore longtemps ». Quant à Alain Grandremy, ancien secrétaire de rédaction du Canard enchaîné, il a écrit : « Alchimiste des formes et des coloris, il parvient à nous offrir de fulgurantes et lumineuses images qui donnent à rêver ».
Comes a également entretenu pendant près de quarante ans une correspondance importante avec le cinéaste Claude Autant-Lara et l’écrivain Pierre Naudin, devenu son ami. En 1996, depuis Vézelay, Jules Roy qualifiait ses œuvres de « merveilles », en 2013, le comédien Jean Piat saluait son énergie et sa passion.
Jean-Pierre Comes était très proche de Jean-Joseph Sanfourche, qui lui écrivait : « J’admire votre travail et la dignité de votre action et de votre personne qui en sont l’essence… » Dans un livret destiné aux collectionneurs, paru chez L’Amateur, l’artiste limougeaud a raconté leur relation, qui datait d’une rencontre à Solignac en 1980. On y croise aussi Claude Bensadoun, créateur de la galerie Contraste, chez qui exposèrent, à partir d’avril 1981, nombre d’artistes. C’est Joëlle Comes qui a réalisé les derniers émaux de Sanfourche.
Artiste, épistolier, auteur, passionné par l’art, Jean-Pierre Comes est aussi collectionneur et c’est un vrai plaisir que d’admirer ses propres travaux à côté d’œuvres de Rebeyrolle ou même de Jean Bruller, plus connu sous le nom de Vercors, l’auteur du Silence de la mer, qui était aussi illustrateur depuis les années 1920.
On l’aura compris, si Jean-Pierre Comes est un homme de lettres, c’est aussi et surtout un homme de l’être. Il affirme qu’ « un artiste, un créateur n’est pas un être foncièrement différent des autres. Seuls sa vision, son appréhension des Etres et des choses, son amour de l’art le rendent-ils plus sensible, plus vulnérable. » Et comme cela fait une cinquantaine d’années qu’il fait partie non seulement du paysage artistique limougeaud mais aussi international par le biais du mail art, on se dit que sa ville natale pourrait lui rendre hommage, pour faire mentir le proverbe selon lequel « nul n’est prophète dans son pays ».
(Article paru aussi dans Le Populaire du Centre)