Jean Giraudoux naît à Bellac en 1882 et meurt à Paris en 1944. Le visiteur peut découvrir sa maison natale au 4 de la rue Jean Jaurès où est apposée une plaque commémorative. Les travaux des giralduciens, comme Jacques Body, regroupés en une « Académie Giraudoux »[1], ont œuvré pour conserver la mémoire de l’homme de lettres et éclairer son œuvre. Normalien, il fut diplomate et écrivain mais aussi l’un des plus grands dramaturges de son temps. En 1928 : Siegfried, en 1929 : Amphitryon 38, en 1933 : Judith et Intermezzo. Il fait aussi des conférences sur le théâtre à l’université des Annales. En 1935 : La guerre de Troie n’aura pas lieu et Supplément au voyage de Cook, en 1937 : Électre et L’Impromptu de Paris, en 1938 : Cantique des cantiques, en 1939 : Ondine, en 1943 : Sodome et Gomorrhe ; Puis ce sont les représentations posthumes de ses œuvres : La Folle de Chaillot (1ère représentation : 1945, par Jouvet rentré d’Amérique, donnée à l’occasion du « Gala des résistants de 1940 », en présence du général De Gaulle), Pour Lucrèce (1ère représentation : 1953). En préface au Théâtre complet paru en 1991 dans la collection La Pochothèque, Guy Teissier parle justement d’un « théâtre classique du XXème siècle » et cite Giraudoux évoquant son plaisir de travailler au milieu d’éléments qui pénètrent l’auteur dramatique : « les décors, les voix, les interprètes. » Bellac apparaît à diverses reprises dans l’œuvre de l’écrivain et dramaturge. Dans Jean Giraudoux, la légende et le secret (P.U.F., 1986), Jacques Body écrit : « … faute de sang bleu et d’ancêtres, un diplomate très distingué, un écrivain choyé, une gloire du Tout-Paris, va mettre son point d’orgueil à rappeler qu’il est natif d’un bourg inconnu nommé Bellac et qu’il a appris à parler le français à l’école des Limousins. »
Edmond Blanc (Bujaleuf, 1889-1955), aéronaute, collaborateur de diverses revues, vit ses pièces jouées au Théâtre Marigny ou au Théâtre des Arts.
Le creusois Edmond Panet a écrit des romans limousins et des pièces en un acte, publiées pendant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que L’Idylle au hameau (1956). L’auteur illustrait lui-même ses œuvres.
[1] http://jeangiraudoux.org/institutions/
Son compatriote Michel Arnaud, traducteur et adaptateur de pièces ou de romans pour la télévision, vit sa pièce D’après nature ou presque, pièce en 3 actes, jouée en 1942 au théâtre des Mathurins à Paris. Sept amis sont réunis dans un pavillon situé sur une petite île. Paul et Bilbo écrivent un feuilleton policier pour un grand quotidien. Au départ, un crime parfait, tellement parfait que les auteurs eux-mêmes n’arrivent pas à en trouver la solution. Alors qu’ils passent une soirée agréable avec leurs amis, le pavillon est, comme dans leur roman, isolé par une crue du fleuve et le meurtre imaginé par Paul et Bilbo est réellement commis. Le criminel est nécessairement l’un des six survivants. La pièce a été jouée à diverses reprises, par exemple au Vingtième théâtre à Paris en 2013 dans une mise en scène de Raphaëlle Dubois. La pièce a été diffusée le 15 octobre 1957 à l’O.R.T.F. par Marcel Cravenne avec Michel Piccoli, Malka Ribowska, Pierre Mondy, Anna Gaylor, Jean Muselli, Jean Pierre Kerien et Elisa Lamothe. On peut la voir sur le site de l’I.N.A[1].
Né à Tulle en 1889, mort à Bellac en 1948, l’écrivain Charles Silvestre, distingué notamment par le Prix Fémina en 1926, puis un prix de l’Académie Française dix ans plus tard, sut chanter avec beaucoup de talent sa terre limousine dans de beaux textes ouverts à l’universel. A sa mort, Georges-Emmanuel Clancier le compara avec justesse à Giono, Robert Margerit prononça un discours au nom de la Société des Gens de Lettres et on lui rendit hommage des Nouvelles littéraires au Figaro littéraire (Jean Blanzat). Il fut l’auteur – édité et joué – de plusieurs pièces de théâtre : L’aviateur (1912), Molière à Limoges (1913), Un maître émailleur (1914), La mort de Rouget de Lisle (1919), L’incomparable ami (à propos de Montaigne et La Boétie, 1920), Le soleil de Salamine 1920). L’aviateur fut joué au Val d’Enraud, joli manoir à Isle, non loin de Limoges.
[1] https://www.ina.fr/video/CPF86608231
En juin 1910, le journal Limoges illustré se réjouissait de la création d’un théâtre de nature en ces lieux, que l’on pouvait rejoindre grâce au nouveau tramway départemental, « dans un décor idéal, fait d’arbres centenaires, de sources chantantes, de prés où bruissent les grillons et de parterres où saignent les roses ». Le directeur en était M. Cazautets, « aimable et intelligent », récompensé par les Palmes Académiques, ainsi salué par le journaliste : « quand, en définitive, un homme s’ingénie à élargir, à, épurer le goût public, ces efforts et cet homme doivent être encouragés. » Dès le mois de juillet, on y jouait Le Cid et L’Arlésienne. Dans Arts et Lettres de février-mars 1913, Edouard Michaud voit un peu de « l’âme de Corneille » dans les tirades du jeune Silvestre. Il salue Molière à Limoges de belle manière, dans un long article. La pièce brode sur le passage supposé de Poquelin dans la capitale limousine : « l’auteur [a] tiré le meilleur parti – et un excellent – d’un pareil sujet. » Dans La Brise, Jean Nesmy salue pour sa part Un maître émailleur, qui connaît le succès et met aux prises Léonard Champeaux, génial émailleur, et son ami Muller, un Allemand, qui le trahit au profit de son pays. Nous sommes à la veille de la grande déflagration mondiale. « Ce beau drame, très littérairement écrit, comporte au surplus une moralité sur les dangers que court notre art français. » Limoges illustré ou Le Courrier du Centre pensent de même. Edouard Michaud précise par ailleurs que la première a été « donnée dans des conditions déplorables, à onze heures et après trois actes d’opérette » mais a connu « un magnifique succès », l’auteur étant appelé sur scène et longuement acclamé. La mort de Rouget de l’Isle montre l’auteur de La Marseillaise atteint de pneumonie, assailli par les souvenirs : pauvreté, créanciers, exil, mais aussi les campagnes, Strasbourg, la création de ce qui est devenu l’hymne national. On croise le général Blein, Gindre ou Béranger. Au moment de l’agonie, tandis que l’orage gronde, le poète halluciné voit se présenter à lui « l’Ombre ardente », la Marseillaise. Selon Michaud toujours : « la langue est merveilleuse et les trouvailles abondent. »
René Farnier, majoral du Félibrige, auteur d’innombrables articles sur la région, sur sa langue, ses traditions, a fait jouer une douzaine de ses pièces entre 1923 et sa mort en 1953. A son adolescence, son père ayant pris sa retraite, la famille s’installa à Limoges, en haut du boulevard Gambetta, en face de chez ses oncle et tante Nivet, grainetiers. Il poursuit sa scolarité au lycée Gay-Lussac, en ce début de XXème siècle où l’histoire régionale et la langue d’oc étaient promues par de nombreux professeurs. René Farnier eut ainsi pour enseignant Franck Delage, il fréquenta entre autres Léon Delhoume, Evariste Mazeaud, Edmond Descubes, avec lesquels il publia une feuille littéraire au lycée. René Farnier part ensuite « faire son droit » à Paris. Il fut enrôlé dans l’armée où il vécut la terrible guerre des tranchées. Survivant, il installa son cabinet d’avocat rue Darnet, à Limoges. En 1920, il décida avec quelques amis, dont Léon Delhoume et Louis de Nussac, d’unifier les différentes écoles félibréennes du Haut-Limousin (Haute-Vienne, Creuse) et du Bas-Limousin (Corrèze) et que la revue régionaliste Lemouzi, créée une vingtaine d’années plus tôt, ferait le lien entre ces deux pays frères et assurerait la « propagande d’oc » dans tout le Limousin. Sa pièce Lou gru que leva (« Le grain qui lève ») fut créée pour la première fois par la troupe théâtrale de l’Eicola dau Barbichet, le 27 mai 1928 à la salle de l’Union, rue des Coopérateurs, à l’occasion de la sainte Estelle (grand congrès annuel du Félibrige) organisée cette année-là à Limoges. Véritable œuvre de propagande pour la défense de la langue d’oc limousine, la pièce confronte le monde paysan et Bidounet, qui a « réussi à la ville » et qui présente son fils, Arsène, qui ne parle pas occitan, à ses cousins et anciens voisins campagnards[1].
Marguerite Genes née à Marseille en 1868, arrive très jeune à Brive, berceau de sa famille maternelle. Elle ne quitte la Corrèze que le temps de ses études puis revient enseigner le français dans une institution privée. Reconnue localement pour ses qualités littéraires et sa connaissance de l’occitan, activement engagée dans le mouvement félibréen, elle est nommée « Mestresso en Gai-Sabé » (Maîtresse en Gai Savoir). Elle écrit de nombreux textes poétiques, des pièces de théâtre, des études littéraires et de folklore limousin. Son œuvre est peu diffusée en dehors de sa région. Seules trois de ses pièces sont publiées en monographie, Lou Francimans, Leis d’Amor et Quand même ! – texte inspiré par la guerre de 1870 en Alsace.
Mathylide Peyre co-écrit avec elle Quand même ! C’est une corrézienne, née en 1886 à Orliac de Bar. Egalement engagée dans le mouvement félibréen, elle reçoit « l’Eglantine d’Or » pour sa Légende limousine. Ses pièces, ses textes en prose ou en vers parlent des terres corréziennes essentiellement.
Henri Monjauze, né en 1865 à Objat et mort 1940 à Brive-la-Gaillarde, est un écrivain régionaliste, ancien notaire à Objat (Corrèze). C’est l’un des fondateurs de la Société Scientifique, Historique et Archéologique de la Corrèze en 1878. Il a écrit avec Pierre Verlhac, né en 1864 à Brive et mort en1934 à Souillac (Dordogne), imprimeur et homme de lettres à Brive, sous le pseudonyme Verlhac-Monjauze. La Question des eaux, poème héroïque, est représenté à Brive, sur la place de la Guierle, le 22 octobre 1893, à l’occasion des fêtes franco-russes, et à Paris (soirées de la Ruche corrézienne), le 18 novembre 1893, puis publié l’année suivante. En 1918 paraît également Pierrot aux Tranchées, comédie en un acte en vers.
Jean-Baptiste Chèze (né à Corrèze en 1870 et mort à Tulle en 1935), fils d’un marchand drapier, fonctionnaire à la préfecture de Seine trente années durant, écrit des niorlas (histoires plaisantes et malicieuses) et des pièces comme Tracassou (1912) et Las Prunas (1921)[2].
En 1926 est publiée à Paris, chez Choudens, éditeur, Bertrand de Born, pièce historique en quatre actes, en vers, de Raoul Charbonnel (poète, journaliste, auteur dramatique et librettiste), musique de Francis Casadesus (avec la partition d’orchestre). Il est précisé : Suite d’orchestre moyenâgeuse. Première partie : Introduction et Sirvente. Deuxième partie : Trois Préludes. On trouve aussi la pièce éditée par Arthème Fayard et Cie, éditeurs, en 1930. Né le 17 mai 1872 à Bort-les-Orgues et mort le 10 janvier 1946, Raoul Charbonnel était le fondateur et directeur de La Vie financière. La pièce inspirée par le troubadour fut créée le 12 décembre 1925 au Théâtre de Monaco, avec M. Albert Lambert dans le rôle du poète et Mme Colonna-Romano dans celui de Maheut – les deux comédiens étant sociétaires de la Comédie Française. Le 28 janvier 1931, la pièce fut aussi donnée à la Sorbonne.
L’écrivain Robert Margerit (1910-1988), Prix Théophraste Renaudot en 1951, grand prix du roman de l’Académie française pour La Révolution (selon moi son meilleur roman), est l’auteur de L’Amour et le temps (Comédie en trois actes – La pyramide, 1941), Un Singulier destin (Tragédie radiophonique, 1945), Les Loups-Garous (Comédie radiophonique, 1972), La Poule de luxe ou Ceux qui vivent (Pièce radiophonique, [s.d.]) ; Jacqueline Clancier a également signé l’adaptation radiophonique de son livre Le Château des Bois-Noirs.
Né à Uzerche en 1920 (mort en 1998), Antoine Dubernard est un dramaturge dénommé aussi Bras-Merle. On lui doit huit pièces éditées au Chamin de Sent-Jaume, parmi lesquelles La vessa de la barja (1991), Les grelots de la débine (1990), L’Enclume et le fer chaud (1977), La Guigne aux joncs, Les Ramoneurs accrochés au ciel. Selon Miquèla Stenta, « la rareté des mises en scène sera due, sans doute, à l’extrême discrétion de cet auteur. » Quant à son éditeur Jan dau Melhau, il écrit notamment : « On est rarement allé aussi loin et avec une telle force, une telle noirceur, un esprit à la fois désenchanté et compatissant dans le traitement de l’humaine tragédie (…) Ces pièces, qui ont si peu, qui n’ont pas été jouées, reste maintenant à les sortir du livre, où elles ne sont que de passage, pour les rendre à leur vocation, à leur oralité, les mettre en scène. Qui l’osera ? ».
Ce n’est pas forcément le lieu d’écrire sur la grande poète Marcelle Delpastre, née le 2 septembre 1925 à Germont sur la commune de Chamberet en Corrèze, fille, petite-fille, arrière-petite-fille de paysans limousins. Paysanne elle-même. On lira avec profit le dossier qui lui fut consacré à l’automne 2 000 par Plein Chant (n°71-72), rassemblé et présenté par Jan dau Melhau. Il y est question des « poèmes dramatiques », suite de longs poèmes de quinze à trente pages inaugurée en 1967, « à une ou deux voix avec souvent un chœur à la façon antique », en occitan ou bilingues. Certains ont fait l’objet d’adaptations radiophoniques sur Radio-Limoges au début des années 1970, d’autres de lectures publiques ou de véritables spectacles comme Natanael jos lo figier en 1991 ou Lo Cocotin de l’arfuelh en 1999. Jan dau Melhau observe : « L’inspiration en est souvent biblique, le Verbe et le mythe y étant revisités, et avec quelle violence, par Hiroshima et Tchernobyl. »
Le poète Bernard Blot est né le 17 juillet 1932, à Château-du-Loir (72). En 1942, suite à la destruction de sa maison familiale, à Fleury-les-Aubrais, dans la banlieue d’Orléans, par les bombardements alliés, sa famille s’installe dans la Creuse. L’enfant s’attache à ce département, l’adulte lui restera fidèle. Il choisit une carrière d’enseignant. Il est très vite détaché à la Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente, puis à l’École normale supérieure de Saint-Cloud comme chargé de recherche en linguistique appliquée, dans le domaine du français langue étrangère. Après la rencontre d’A. Steiger, il crée un groupe théâtral au lycée Pierre Bourdan de Guéret (Les Fourberies de Scapin, 1952) puis monte diverses pièces dans les années 1950. Il crée à Guéret le « Groupe Grancher » (La Vie est un songe de Calderon, 1962, La Dame à la Licorne, 1965), joue Jules César au Festival de Foix en 62, aide à créer celui de Fresselines ; puis il donne à celui de St-Siméon-de-Bressieux sa première pièce, Hyperbole, en 1965, organise le premier Festival de Guéret l’année suivante, fait des recherches en atelier, inspirées par le Living theater[3], crée à la M.J.C. de Guéret un atelier de jeu dramatique[4], collabore au Théâtre d’animation culturelle de René Bourdet.
Né en 1937, médecin, Claude Broussouloux écrit ses premiers textes dans la mouvance du «Nouveau Roman»[5]. La publication des Autres aux éditions Gallimard en 1 971 lui permet de faire la connaissance de Georges Lambrichs (futur directeur de la NRF).Il vient au théâtre grâce à l’écriture radiophonique avec La Fête prisonnière, dont la diffusion sur France Culture en 1974 avec Alain Cuny dans le rôle principal, est l’occasion de rencontrer Georges Peyrou, réalisateur radio et également metteur en scène d’auteurs contemporains. La même vision du théâtre les amène à collaborer : Claude Broussouloux ne cesse alors d’écrire des pièces (publiées pour certaines aux éditions Galilée ou à L’avant-scène théâtre, et crées en France et à l’étranger) telles que Les Remplaçants (1976), La Salle d’attente (1979), L’Enfant (1982), Écoute de nuit (1984) Une étrange école (1985), ou encore Identification d’un homme (1987). En 1993, à la suite d’une commande de l’acteur italien Mario Maranzana, il écrit une pièce sur la rencontre fictive entre Voltaire et Goldoni intitulée L’Improbable Rencontre, jouée à Rome pour le bicentenaire de la mort de Goldoni. Claude Broussouloux est également l’auteur de quarante-cinq sketches à deux personnages traitant, sur le mode ironique, de problèmes de société, et publiés dans différentes revues de 1980 à 1994.
[1] http://www.bn-limousin.fr/items/show/3307#
[2] Œuvres complètes : Édition du Centenaire de Jean-Baptiste Chèze (1870-1935), Lemouzi, n° 36 bis, 1970.
[3] Troupe de théâtre expérimental libertaire créée en 1947 à New York par Judith Malina (1926-2015) et Julian Beck (1925-1985).
[4] Le Populaire du Centre, 16, 17, 18 février 1970.
[5] Catalogue de L’avant-scène théâtre.