L’abbessaille (c) Paul Colmar & Limoges années 1950 1960 1970 (Geste Editions)
Si la militante socialiste Pauline Roland qualifia la ville de « Rome du socialisme », si la couleur rouge évoque aussi celle répandue par les clapets ouverts des 135 fours à porcelaine, Limoges doit assurément son surnom à son ancrage à gauche.
Le mouvement ouvrier n’a cessé de se développer tout au long du XIXème siècle, sous diverses formes, comme les sociétés de secours mutuel ou les coopératives de production. La plus importante fut L’Union de Limoges, créée en 1881 : il s’agit de regrouper les consommateurs afin de leur donner la possibilité d’acheter à des prix intéressants des produits de première nécessité. L’Arédien Jean-Baptiste Couty – ouvrier peintre sur porcelaine depuis l’âge de 12 ans – en est le fondateur et elle regroupe au départ 45 familles pour un chiffre d’affaires de 932 francs ; en 1915, il y a 11 000 familles adhérentes pour un chiffre d’affaires de 5 millions de francs (ces chiffres augmenteront encore par la suite). Ce sont les Assemblées Générales qui décident de manière démocratique de la politique générale de L’Union (avec amendes pour ceux qui n’y participent pas). Il s’agit d’ « améliorer le sort de la classe ouvrière de tous ses moyens, de toutes ses forces » et de « poursuivre la disparition du régime compétitif et capitaliste actuel et l’appropriation des moyens d’échange et de production par les consommateurs associés. » Avec une devise : « Tous pour chacun, chacun pour tous. » L’Union s’installe rue de La Fonderie dans une ancienne fabrique de porcelaine, ce qui permet la construction d’entrepôts (il y en a également à la gare des Charentes) et de fours à pain, biscuiterie, confiturerie, torréfacteur pour le café et chais pour le vin. L’Union propose nourriture, vêtements, tissu, quincaillerie, mais aussi une bibliothèque de 13 000 volumes (en 1939), en particulier de littérature, revues et journaux, un foyer, des activités sportives (en particulier la lutte et la boxe), une salle de spectacles populaires (attractions diverses, théâtre, opéras et opérettes, cinéma) et de réunion, des chorales, des patronages, une colonie de vacances à La Boulinière (Île d’Oléron), une autre au Mas-Eloi, des cours de musique, de photographie, de calcul et français, des bains-douches. Des liens se tissent avec le mouvement syndical et socialiste.
Michel Laguionie a montré également de manière très précise le rôle émancipateur (et anticlérical) joué à Limoges par les Francs-Maçons, en particulier les frères de la loge des Artistes Réunis (fondée en 1827). Ils ont pris leur part dans l’action sociale et la politique, une vingtaine accédant au mandat de maire depuis la fin du XVIIIème siècle.
En septembre 1895, le congrès constitutif de la C.G.T., est le moment d’unification du mouvement syndical: il réunit les délégués de 28 fédérations d’industrie ou de métier, de 18 Bourses du travail et de 126 syndicats non fédérés (mais ll fallut attendre sept années encore pour que l’unification soit vraiment réalisée et que la Confédération commence à assumer réellement sa fonction de coordinateur et d’animateur des luttes). Le congrès s’est tenu dans la salle Antignac du café de Paris, boulevard de la Poste-aux-chevaux (aujourd’hui rue Louvrier-de-Lajolais). De cette salle, il ne reste rien ; les studios de Radio-Limoges ont été édifiés plus tard en grande partie à son emplacement.