23 Nov

L’abbaye Saint-Martial (3)

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Limoges fut aussi un centre majeur de création musicale, les moines entreprenant dès le début du Xème siècle des recherches à propos de l’office liturgique, y intercalant des passages n’en faisant pas partie, d’abord des vocalises, agrémentées ensuite de paroles, puis des tropes, de véritables pièces polyphoniques chantées, composant aussi des séquences (textes rimés) et contribuant aux débuts de l’organum. Les œuvres dites de l’Ecole de Saint-Martial sont contemporaines de l’apogée de l’architecture romane. Au XIème siècle y fut composé le Sponsus, drame liturgique bilingue en occitan et en latin, mettant en scène la parabole biblique des vierges folles et vierges sages (Matthieu, XXV, 1-13), considéré comme la première œuvre dramatique rédigée en occitan mais aussi comme l’ancêtre de nos opéras et oratorios classiques. C’est du mot trope que vient celui de troubadour et il n’est pas anodin que l’on compte nombre de Limousins parmi les plus grands troubadours. Des liens existèrent entre les moines musiciens de Limoges et les poètes profanes inventeurs de la fin’amor. Le premier troubadour connu, Guillaume IX, est duc d’Aquitaine, c’est le grand-père d’Aliénor, elle-même élevée dans l’amour de la littérature et de la musique, amie et mécène des troubadours, épouse d’Henri II Plantagenêt, et l’on a dit les connexions qui existaient entre ces familles et Limoges.

Il y eut même du théâtre puisque l’on a mention, en mai 1290 et juin 1302 au moins de représentations de miracles dans le cimetière de Saint-Martial, près de la croix en pierre – les auteurs étant cadurciens.

On doit donc envisager l’abbaye Saint-Martial de Limoges et ses parages comme un centre culturel majeur de l’Europe occidentale médiévale, imaginer ses diverses activités créatrices, mais aussi les rencontres, les recherches, les disputes, des différents artistes et artisans, qu’ils soient religieux ou laïcs : copistes, enlumineurs, orfèvres, émailleurs, sculpteurs, moines musiciens et troubadours. Ce lieu se doublait bien sur d’une école, où l’on apprenait certes à lire et à écrire, mais également à chanter.

 

13 Nov

La gare de Limoges-Bénédictins parmi les plus belles du monde…

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(c) L. Bourdelas

Le magazine Vanity fair vient de classer la gare de Limoges-Bénédictins comme l’une des plus belles du monde.

Grâce à la mobilisation des élus locaux, la Compagnie ferroviaire privée du Paris-Orléans est chargée de l’exploitation de la ligne reliant Limoges à la capitale. En 1856, le premier service voyageurs est ouvert entre la ville et Argenton-sur-Creuse. Deux ans après, la première gare en dur est achevée, œuvre de Pierre Louis Renaud – deux tours carrées flanquent le bâtiment central en pierre, orné de sculptures. L’emplacement choisi pour la nouvelle infrastructure est celui occupé par la Maison-Dieu (une léproserie) jouxtant un ancien monastère bénédictin. Non loin, l’ancien Champ de mars occupé par le 9e Régiment de Chasseurs, transformé par la suite en champ de foire et lieu d’expositions diverses, se mue en Champ de Juillet (en hommage aux Trois Glorieuses) en octobre 1831. En 1858, le paysagiste Eugène Bühler est chargé de le réaménager complètement afin de permettre la création d’une promenade publique – le quartier évolue encore dans les années qui suivent. De la gare d’Orléans – tel qu’on l’appelle alors – jusqu’à Paris, il faut compter douze heures de trajet. De plus en plus fréquentée, le trafic s’intensifiant, la gare est agrandie en 1891 et divers aménagements réalisés jusqu’au début du XXème siècle.

La décision de création de la ligne Limoges – Angoulême fut décidée en 1845, mais le lancement des études n’eut lieu qu’en 1853. Le premier train arriva en gare des Charentes (dans le faubourg Montjovis) le 26 avril 1875, et la gare fut reliée à la gare des Bénédictins en 1894. La Compagnie des Charentes y avait installé dépôt de locomotives et gare à marchandises.

Dès 1908, le ministre des Travaux Publics, Louis Barthou, juge la gare existante indigne d’une ville comme Limoges et juste après l’armistice de 1918, la ville de Limoges et la Compagnie du Paris-Orléans signent l’accord de construction d’une nouvelle gare, en surélévation au-dessus des voies, faite de béton, d’acier et de calcaire, confiée à l’architecte Roger Gonthier (1884-1978), associé à l’ingénieur-en-chef Jullien. Les travaux, financés par la municipalité, le conseil général et la Compagnie du Paris-Orléans, complétés par le réaménagement du Champ de Juillet, durent de 1924 à 1929 – elle est inaugurée le 2 juillet, après avoir essuyé bien des critiques. Son campanile haut de 57 mètres surplombe la ville (et lui donne l’heure avec ses quatre horloges aux chiffres romains) ; les vitraux de Francis Chigot (1879-1960), décorés de châtaignes, de feuilles de chênes et de glands, la parent et éclairent un hall de près de 4 000 m2 ; la coupole de 26 mètres de haut (surmontée par un magnifique dôme) lui confère un aspect de cathédrale industrielle vouée aux transports modernes ; enfin, diverses statues d’Henri-Frédéric Varenne (1860-1933) y célèbrent les provinces desservies par la Compagnie (Limousin, Bretagne, Touraine et Gascogne), l’émail, la porcelaine, l’agriculture, et le commerce. Si certains virent dans la gare, au moment de son inauguration, avec quelque exagération, un « bloc de saindoux que les charcutiers exposent dans les vitrines à Noël », Limoges-Bénédictins est devenue emblématique de la ville, avec ses cuivres vert-de-grisés et les Limougeauds y sont attachés, à tel point que lors de l’incendie de 1998, beaucoup vinrent sur place. L’auteur de ces lignes – qui a financé ses études en étant contrôleur à la S.N.C.F. – n’est pas loin de penser que c’est bien l’une des plus belles gares de France, si ce n’est du monde, en effet ; il en veut pour preuve que Chanel l’a choisie en 2009 pour servir de décor à la publicité pour son célèbre N° 5, avec la comédienne Audrey Tautou. Auparavant, les jeunes cheminots cégétistes de mai 68 avaient orné le campanile d’un drapeau rouge de 5 x 4 mètres, et l’image était devenue le symbole des événements dans la ville.

06 Nov

La foire du livre de nos voisins brivistes…

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Daniele Sallenave, présidente de la 34ème édition

Echanges avec mon ami Jérôme Leroy, notamment publié par la prestigieuse Série Noire de Gallimard, et avec la grande historienne Mona Ozouf… Non, cette année, je ne pourrai pas les rencontrer: je ne serai pas à Brive mais à… Paris. Je croiserai donc le fameux « Train du livre » qui conduit les auteurs vers « Cholesterol City », pour reprendre l’expression d’Erik Orsenna – si mes informations sont exactes. Si je fais une entorse sur ce blog consacré à l’histoire limougeaude, c’est parce que cette « foire du livre » (attention! L’éditeur René Rogerie évoquait la Fête des ânes à propos de ce type de manifestation!) est bien entrée dans l’histoire, celle du « riant portail du Midi ».

J’aurais bien aimé m’entretenir avec Mona Ozouf, car elle est lauréate 2015 du Prix de la langue française qui récompense une personnalité du monde littéraire, artistique ou scientifique dont l’oeuvre a contribué de façon importante à illustrer la qualité et la beauté de la langue française. Il est doté de 10.000 € par la Ville de Brive. Le jury est composé d’Académiciens français, d’Académiciens Goncourt, d’écrivains et de journalistes. C’est un prix largement mérité par l’historienne dont la lecture provoque toujours un intense plaisir littéraire et intellectuel. Je vous conseille particulièrement sa Composition française. Une autre dimension donc que certains autres invité(e)s, comme Christine Angot, dont on se souvient qu’en 2008, elle avait livré le récit sans intérêt littéraire de sa rencontre avec Doc Gynéco (un rappeur oublié) justement à la Foire de Brive. Comme quoi, cette Foire du livre de Brive, c’est un peu La Samaritaine: on y trouve de tout! C’est sans doute ce qui fait son succès, chaque début de septembre.

Elle fut créée en 1973 et son existence est intimement lié à « L’Ecole de Brive », dont le romancier Jacques Peuchmaurd fut le parrain: « Moi, plutôt que groupe, plutôt qu’école, je dis bande… Un groupe uni par l’amitié, qui fait leur force, et elle est considérable… A l’origine, il y a donc un pays, la Corrèze, et une ville, Brive. Des paysans et des citadins… mais Creusois ou Corréziens c’est pareil: nous sommes tous des Limousins, de la nation gauloise des Lémovices – des pas commodes, selon César. » En 73, donc, c’est la rencontre entre lui, Michel Peyramaure et Claude Michelet, une équipe à laquelle vient se joindre un peu plus tard Denis Tillinac, puis Christian Signol et Gilbert Bordes. Peuchmaurd précisa la philosophie de sa bande: « … on festoie: on boit, on rit, on déconne (nous sommes très doués). On n’est plus seul! » La suite, on la connaît: c’est un immense succès commercial. » En 1998, le facétieux Pierre Marcelle ironisait dans Libération: « Solidement implantés dans le paysage socioculturel de Jacques Chirac et de Patrick Sébastien, ils sont la FNSEA d’une industrie agriculturelle que les Goncourt viennent désormais honorer chaque premier dimanche de novembre, à la veille de la remise de leur propre trophée. Les sous-préfets des lettres parisiennes applaudissant à la remise du Grand prix littéraire de la Corne d’or limousine, c’est beau comme la scènes des comices dans Madame Bovary… ». S. Coyault-Dublanchet notant par ailleurs: « Quant à Pierre Michon, Pierre Bergounioux ou Richard Millet, en leur province même – le Limousin – ils tiennent à afficher leur distance à l’égard de la très locale « Ecole de Brive ». Il n’empêche, on a déjà croisé l’ami Bergounioux à la Foire du Brive, éprouvant beaucoup de plaisir à écouter magnifiquement disserter ce grand écrivain corrézien – l’un des plus grands écrivains français.

Le temps sera clément, cette année encore, pour aller se presser à la foule dans les allées de la Foire, mais aussi se prélasser sur une terrasse. Ne pas oublier d’aller faire un petit tour à la librairie de livres anciens Livresse de Frédérick Bazin, 14 bis rue Elie Breuil, qui accueillera Vénus Khoury-Ghata, l’une des grands poètes de notre temps, dont l’écriture est illuminée par son Liban natal, souvenirs heureux, teintés de désespoir et de chagrin, la Guerre et la Mort étant passés par là… Connue  et reconnue pour son travail romanesque, elle se considère avant tout comme poète. Diane de Bournazel sera également présente. Ce sera samedi 7 novembre 2015, à partir de 17h.