La Chélidoine
Fondée au milieu des années 1980, la Compagnie La Chélidoine était installée en Corrèze, à Saint-Angel, dominée par son prieuré et sa belle église fortifiée ; elle était dirigée par Claude Montagné et Sylvie Peyronnet. Elle a réalisé des créations originales, dont une grande partie en collaboration avec des auteurs vivants, sous forme de commande, (comme Jacques Bens, Necati Cumali, Luc De Goustine, Koulsy Lamko, Richard Millet, Claude Bourgeyx, Laurence Biberfeld et Catherine Lefrançois). Elle a aussi effectué un travail d’intervention sous forme de scénographies légères, de théâtre de tréteaux, de lectures à voix haute, de rencontres ou de débats. Au fil des années, sa vocation est restée la même : faire découvrir et aimer le théâtre de répertoire et les œuvres contemporaines à un large public. Artisan d’une dynamique culturelle originale depuis vingt-cinq ans en Limousin, son action conjuguait un travail avec des auteurs contemporains et un territoire à dominante rurale. Ses créations furent ensuite tournées dans toute la France et à l’étranger. En formation, la Chélidoine dirigeait des personnes de tous âges, au sein de structures de tous ordres (universités, lycées, collèges, écoles, instituts, etc.). Elle encadra une école permanente – le Studio Théâtre – qui lui permit de former chaque semaine une centaine de personnes dans un cadre de travail professionnel. La Chélidoine fut associée à la création du Festival de la Luzège, en 1987 au Roc du Gour Noir, sur la commune de Saint-Pantaléon-de-Lapleau. À partir de 1989, l’association Roc du Gour Noir La Luzège prit en charge seule la manifestation et son organisation. Les artistes et les différents métiers du spectacle coopérèrent fructueusement avec les bénévoles de l’association pour la mise en place des éditions du festival. Sous l’impulsion de son président fondateur Roger Ponty, l’association se mobilisa pour soutenir le projet sur le territoire. Elle ouvrit notamment un atelier de confection de costumes de théâtre qui travailla pendant plusieurs années sous la direction de costumiers professionnels. À partir de 1989, le projet théâtral fut porté par un directeur artistique qui prit en charge le choix des pièces, la constitution des équipes, le choix des lieux. Cette fonction fut assurée successivement par Philippe Ponty de 1989 à 1999, Lionel Parler de 2000 à 2002, Paul Golub en 2003 et 2004, et à nouveau Philippe Ponty depuis 2005. À partir de 2013, il fut accompagné d’une « coopérative artistique » composée de Marie-Pierre Bésanger, Agnès Guignard, Farid Ounchiouene, Stéphane Schoukroun, Gigi Tapella et Aristide Tarnagda.
On retrouve Marie-Pierre Bésanger dans l’aventure du Bottom Théâtre, compagnie fondée en 1999 et implantée à Tulle, qui confie des commandes d’écriture à des auteurs vivants : Aristide Tarnagda, Pauline Sales, Samuel Gallet… et a mis en place la manifestation « Ouvrez les guillemets », rencontres entre des auteurs francophones et des habitants. Parmi les thèmes travaillés par la compagnie : la précarité, tout ce qui atteint les femmes, les questions du paysage, du pays (habiter quelque part), l’école, le recueil de paroles auprès d’habitants d’un quartier de la périphérie de Limoges en déconstruction, un travail d’écriture et de création avec des personnes âgées et des adultes handicapés mentaux, aboutissant tous à des créations.
Le témoignage de Marie Pierre Bésanger
Photo : Marie-Pierre Bésanger © Jõao Garcia
Alors comédienne à Paris, et toujours en recherche d’une famille artistique, j’ai décidé dans les années 90 de revenir en Corrèze, « chez moi ». C’est à ce moment-là que les choses ont vraiment commencé. Et tout d’abord avec la rencontre avec Le festival de La Luzège et Philippe Ponty. C’était l’année où Moise Touré présentait ses Koltès, ou Paul Golub mettait en scène Il circo popolare Poquelino avec Simon Abkarian et Catherine Schaub.
Le théâtre prenait pour moi tout son sens, dans ce rapport proche des habitants, dans les forêts et sur les places de village. Les choses se faisaient ensemble.
C’est dans ce festival que j’ai fait ma première mise en scène, une commande d’écriture a Eugène Durif avec quatorze personnes handicapées de deux CAT de Corrèze. S’en est suivi Mario et Lyse, coproduit par le théâtre des 7 collines. Repéré par Philippe Mourrat alors directeur des Rencontres de la Villette, ce spectacle nous a permis de sortir du Limousin. C’était au début des années 2000. Ce projet rassemblait neuf professionnels et cinq personnes au RMI, que j’avais nommés « empêcheurs de tourner en rond ».
Par la suite je suis restée neuf ans artiste complice de la Maison des métallos à Paris.
Ma compagnie, Le Bottom théâtre, ne monte (à l’exception de la pluie d’été de M. Duras) que des auteurs vivants ( assez souvent sous la forme de commandes d’écriture). Parmi eux figurent entre autres Pauline Sales (Le Groenland), Manuel Antonio Pereira (Permafrost et Berlin Sequenz), Samuel Gallet (Helian)…
Suite à l’expérience Ligne de Faille (recherche sur le paysage avec des habitants de 2 villages corréziens en 2004-2006), Marie-Agnès Sevestre, alors directrice du festival des francophonies en limousin, nous a proposé d’aller questionner la notion de paysage au Burkina Faso. C’est ainsi que j’ai rencontré Aristide Tarnagda, comédien, auteur et aujourd’hui directeur des Récréâtrales, et qu’est née entre nous une profonde complicité. Aristide a entre autres écrit Terre Rouge, spectacle que nous avons fabriqué avec Hughes Germain à la création sonore, Gabriel Durif et Thibault Chaumeil à la musique. Aristide a écrit Terre Rouge à Tulle, le texte a ensuite été édité chez Lansman et j’avoue avoir été un peu fière de le présenter sur une série au TNP Villeurbanne, haut-lieu d’héritage du théâtre populaire, « celui qui fait confiance à l’homme » comme le dit Roland Barthes.
Mon goût pour le travail avec mes voisins et les auteurs vivants se prolonge à travers « Ouvrez les guillemets »… manifestation que nous organisons depuis cinq ans.
Le Vent Nous Portera sera ma prochaine création. C’est un projet amorcé il y a plus de 4 ans qui fait suite à une immersion de deux ans dans deux EHPAD corréziens. Il y est question de la place de nos ainés et de la réalité des soignants. Il s’agit là d’une écriture plurielle que nous fabriquons avec des compagnons au long cours et de jeunes artistes.
Je cherche un théâtre d’expérience qui met la relation au centre du processus de création, et je crois en l’art comme humanisme.
Mai 2020.