L’année où fut fondée Expression 7 fut aussi celle qui vit la naissance à Limoges de la Compagnie Asphodèle.
Joël Nivard évoque son parcours et Asphodèle
Joël et Sylvie Nivard (c) J. Nivard
Un groupe de comédiens (dont ma compagne) fait l’apprentissage du métier d’acteur au Théâtre Ecole du C.D.N.L. (Centre Dramatique National du Limousin) alors dirigé par Jean Pierre Laruy et décide de se prendre en main et de monter une troupe de théâtre, la Compagnie Asphodèle est née, avec pour devise la phrase de Chaplin : « Nous sommes tous des amateurs, nul ne vit assez longtemps pour être autre chose ». En 1985, elle créée son premier spectacle : Dedans, adaptation d’un roman d’Hélène Cixous.
Après avoir publié deux romans, Loser en 1983 aux éditions Denoël et On dira que c’est l’été, deux ou trois jours avant la nuit chez Albin Michel en 1986, la Compagnie Asphodèle m’amène à orienter mon écriture vers l’art dramatique. J’écris une première pièce : Que le spectacle continue avec pour thème le maccarthysme en 1986, mis en scène par Sylvie Nivard, suivront Limoges, avril 1905, mise en scène par Eve Doe Bruce, comédienne au Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine, jouée au Marché Broussaud en avril 1988, reprise en 2005 dans une mise en scène de Patric Saucier, metteur en scène Québécois et Salle des pas perdus interprétée dans la Gare des Charentes en 1989 et dans la gare des Bénédictins. Il y aura bien sûr Les chroniques du trolley d’abord en mars 2007, T’avais qu’à prendre le trolley et en 2010 : Allez zou, revoilà le trolley qui auront été vus par plus de 3000 spectateurs.
Je manque de culture pour me reconnaître des maîtres, mais j’ai toujours recherché à écrire un théâtre populaire dans lequel se côtoient l’émotion et la comédie. Jamais gratuit.
Dans ces années-là, la vie culturelle et théâtrale était riche. Le C.D.N.L. offrait la possibilité à des gens venus de tous horizons de bénéficier d’une formation d’acteur et de jouer devant un public dans le magnifique lieu qu’était la Chapelle de la Visitation. Dans le cabaret théâtre « L’échappé belle », on pouvait découvrir les débuts de Font et Val, de Romain Bouteille, du duo Dominique Desmons et Marie Françoise Rabetaud ; et naissance de 2 lieux incontournables dans la vie culturelle limougeaude : Expression 7 avec la Compagnie Max Eyrolle en 1984 et La Passerelle en 1987. Tandis que les Tréteaux de la terre et du vent proposaient du théâtre en milieu rural.
J’ai continué « ma vie d’artiste », écrit une vingtaine de pièce de théâtre, toutes créées à Limoges par la Compagnie Asphodèle dont 6 on été publiées chez le courageux éditeur Jean Louis Escarfail et sa maison d’édition « Le Bruit des Autres ». Je suis revenu au roman noir mais je garde toujours une plume pour le théâtre qui présente l’avantage pour moi d’un travail collectif, quand celui de romancier est solitaire. J’ai besoin de ces deux écritures. Je suis très proche de la création de la Compagnie Asphodèle (avec ma femme) qui propose depuis presque 30 ans, une création par an et dont la dernière Deux semaines après l’éternité texte (Prix de la SACD en 2006) et mise en scène de Patric Saucier a été jouée à Québec en février 2013 par la Compagnie Asphodèle. C’est une compagnie dont les membres fondateurs sont toujours là, depuis le début. Avec le même état d’esprit. La même envie. Et nous [avons créé] en mars 2014, une nouvelle pièce originale On est bien peu de chose, à l’Espace Noriac.
Un bon moment, lorsque Asphodèle a joué Dedans dans la salle de répétition de la Cartoucherie de Vincennes, devant les comédiens du Théâtre du soleil, d’Ariane Mnouchkine et l’auteur du texte Hélène Cixous. Le repas qui s’en suivit, sous les arbres de la Cartoucherie, cuisiné par Ariane Mnouchkine qui répétait : L’histoire terrible et inachevée de Norodom Sihanouk et qui nous avait préparé un menu cambodgien. Un moins bon, lorsque nous avons participé à la finale de FESTEA (Festival de théâtre amateur) à Tours en novembre 2004 et qu’un membre du jury m’a demandé ce que représentait pour moi : « la dramaturgie des costumes… » J’en suis resté sans voix.
Le luxe, c’est de pouvoir jouer dans le confort de lieux adaptés. L’Espace Noriac à Limoges fait partie de ceux-là, mais nous avons également défendu nos créations à Expression 7 ainsi qu’à La Passerelle, toutefois, si « la famille théâtre » est vaste, elle reste relativement cloisonnée et le théâtre amateur et le professionnel se côtoient assez peu. Le texte Limoges, avril 1905 a toutefois inspiré Timothée François de l’Académie, Ecole supérieure Professionnelle de Théâtre du Limousin, et a fait partie de la programmation du Théâtre de l’Union 2014.
Le théâtre, c’est le spectacle vivant. Et chaque représentation est une nouvelle émotion. Un nouveau risque. Une aventure humaine, collective. L’avenir est sans doute très préoccupant pour les structures, la précarité des techniciens, des comédiens dont les statuts s’érodent. Il faut avoir beaucoup de folie pour se lancer dans cette aventure, mais c’est de cette déraison là que se bâtissent les rêves.