25 Sep

Histoire de La Jonchère et de son arboretum (16)

L’évolution des pépinières

 

Les pépinières de La Jonchère-Saint-Maurice connurent un développement important et obtinrent des succès prestigieux :

1884 – Prime d’honneur au concours régional de Limoges,

1897 – deux médailles d’or à l’exposition universelle de Saint Pétersbourg,

1902 – une grande médaille d’or avec félicitations du jury et un prix d’honneur à l’exposition de la Société nationale d’Horticulture de Paris.

Après le retrait de M. Laurent en raison de son âge, puis le décès de M. Gérardin survenu en 1907, l’activité des pépinières se poursuivit jusqu’en 1914. Laissés ensuite à l’abandon, les plants de la Pépinière de l’Etang continuèrent bien évidemment de se développer dans des conditions rendues parfois difficiles par une forte densité et l’absence d’éclaircie.

Toutefois, on note qu’en juillet 1926, le quinzième Congrès de l’Arbre et de l’Eau, sous la présidence de Camille Gabiat, auquel assistent, parmi diverses personnalités, Guy Géneau, inspecteur général des Eaux et Forêts, délégué du ministère de l’agriculture et l’inspecteur Miné, aménageur du plateau de Millevaches, prévoit une visite à La Jonchère, le dimanche 4 : « visite de la pépinière ou s’affrontent les châtaigniers du Japon et ceux du pays, les arbres fruitiers avec les résineux, grâce aux subventions de l’Etat, du département et même du Consortium des Usines d’acide tannique ! Voici, à côté, le célèbre arboretum Girardin, de toute beauté, effet pittoresque de premier ordre. »[1]

En 1929, le même Congrès, qui organise des excursions au départ de la place de l’Hôtel-de-Ville de Limoges – en cars et automobiles –, le matin à 7 heures, en prévoit une nouvelle qui passe par La Jonchère : « Mais, avant d’arriver à La Jonchère, l’on doit escalader à pied les hauteurs sur lesquelles, en terrains communaux, Henri Gérardin a planté ces vastes résineux pour enrichir la localité. Ils sont en pleine venue et leurs modes divers de plantation sont excellemment expliqués par M. Morel. Un aperçu des carrières de kaolins gras, la pâte la plus fine de France, complète la leçon de chose, grâce aux compétences de MM. Didier et de Laborderie. Cette course pédestre aiguise furieusement l’appétit qu’a de la peine à satisfaire le copieux déjeuner servi en face de la gare de La Jonchère. Nouvel épanchement oratoire au dessert ; mais il faut se hâter, et la randonnée continue vers Saint-Martin-Terressus, pour visiter la construction d’un barrage aux gorges du Taurion… »[2]

Une description de l’arboretum de La Jonchère au début du XXème siècle

Le voyageur qui suit la voie ferrée de Paris à Toulouse voit, à partir de Bersac et de St-Sulpice-Laurière, le paysage changer d’apparence et prendre assez rapidement l’aspect des terrains montagneux granitiques, d’abord sans caractère spécialement intéressant; mais brusquement, près de la station de la Jonchère, apparaît sur la droite un vrai décor de paysage suisse ; un gracieux village aux maisons claires et aux toits d’ardoise tranchant sur la franche verdure de vastes prairies toujours fraîches, ayant pour cadre un chaînon montueux dont les flancs sont à .mi-hauteur et jusqu’aux sommités, à l’altitude de 700 mètres, occupés par des masses continues de végétation sombre. Ce sont les reboisements de la Jonchère, œuvre commune de l’administration locale et du service des Forêts depuis 1872.

Mais, ce qui ne peut se voir du wagon et appelle une visite spéciale du forestier, c’est le très pittoresque arboretum d’environ sept hectares, s’étageant dans un vallon où naguère affleurait à chaque pas le granit stérile, actuellement transformé en terrain d’élection pour les essences résineuses, grâce à la fraîcheur des eaux vives captées et bien distribuées, aux efforts d’une culture continue et surtout à l’action prolongée des mycorhyzes sur un granit dont la désagrégation se trouvait d’ailleurs facilitée par la proximité de roches fluoriques.

Dans ces conditions, les conifères importés du Canada, de la Colombie, de Californie, du Japon et de l’Australie prennent un essor merveilleux. De très nombreuses espèces de pins, les cyprès et les thuyas, les pseudotsugas de Douglas, tsugas de Mertens, épicéas de Menziès, abies Parryana et concolor, et surtout le lasiocarpa sont représentés par des spé-cimens parfois nombreux, souvent hauts de 20 à 25 m., extrêmement remarquables si on les compare à ce qu’on peut obtenir de ces espèces dans les meilleures stations même du bassin parisien.

Cette création fait le plus grand honneur à M. Gérardin, qui y a consacré trente années, et le classe parmi les forestiers ayant fait œuvre éminemment utile d’expérience et de démonstration forestières appliquée aux conifères exotiques. J.S., Revue des Eaux et Forêts, t. 46, 1907, p. 392.

(c) L. Bourdelas

Le catalogue 1903-1904 des pépinières de La Jonchère

Le catalogue 1903-1904 compte 24 pages (impression Pierre Dumont, Limoges), dont la couverture – verte ou jaune – est ornée de beaux dessins aux motifs végétaux et fruitiers. Il est précisé que les pépinières ont été fondées en 1883 par MM. A. Laurent et H. Gérardin et qu’elles appartiennent à MM. Gérardin père et fils, « la société formée entre Messieurs A. Laurent et H. Gérardin ayant pris fin au printemps de 1902 ». Le catalogue (« prix courant ») est celui des arbres fruitiers, forestiers et d’ornement.

Des « observations » occupent la 2ème de couverture : « Il est important d’indiquer si l’envoi doit être fait en grande ou petite vitesse, en gare ou à domicile, et le nom de la gare de réception. Si ces renseignements ne nous sont pas fournis, nous agirons au mieux des intérêts du destinataire, mais nous déclinons à l’avance toute responsabilité (…) Aussitôt l’expédition faite, les marchandises voyagent aux frais, risques et périls de l’acheteur. Toutes réclamations pour retard, avarie, gelée, ou quelque cause que ce soit, doivent être faites au porteur de la marchandise qui en est seul responsable. Nous déclinons d’avance à ce sujet toute responsabilité aussi bien que pour la non réussite dans la plantation (…) Le paiement. – le terme habituel du règlement est trois mois (…) Nos expéditions sont livrées de nos PEPINIERES DE LA JONCHERE sur wagon (…) ». Il est plus loin précisé : « Les personnes désireuses de faire des plantations sont assurées de trouver aux Pépinières de La Jonchère des arbres d’une végétation exceptionnelle et d’une tenue parfaite, qualités qui leur ont valu, pendant la durée de l’association, de si hautes et si nombreuses récompenses dans les différentes expositions où ils ont figuré : à Paris, en province et à l’étranger. Nous engageons vivement les personnes qui s’intéressent à l’arboriculture à venir visiter nos pépinières, qui se trouvent à proximité de la gare de La Jonchère, et, s’il y a lieu, à choisir elles-mêmes les arbres qu’elles désireraient acquérir. Des soins exceptionnels seront toujours donnés à l’exécution des commandes pour ce qui concerne l’arrachage et l’emballage. » Une remarque d’importance : « Les tiges de nos arbres fruitiers sont droites, fortes et bien constituées, hautes de 1m80 à 2m sous têtes suivant l’espèce. Nos sujets, plantés à 0m80 au moins les uns des autres, sont tous pourvus de racines abondantes et d’un épais chevelu. »

(c) L. Bourdelas

Le catalogue renseigne sur les diverses espèces produites (les prix indiqués le sont par unité et par centaine). En arbres fruitiers : abricotiers, amandiers, cerisiers, châtaigniers, cognassiers, mûriers blancs, néfliers, noyers, pêchers, poiriers, pommiers, pruniers. De très nombreuses variétés de ces arbres sont disponibles et précisées. A propos des châtaigniers, il est indiqué : « le châtaignier tend à disparaître du Limousin ; on en sème très peu et l’on arrache à cause du haut prix du bois les châtaigneraies que l’on convertit en terres arables. La châtaigne est pourtant un bon fruit qui ne réussit que dans les terrains dépourvus de calcaire, et ces terrains sont relativement rares en France. Nous avons pensé qu’il y avait intérêt à le cultiver et à reproduire par la greffe ses meilleures espèces connues (…) ». Les arbres forestiers et d’ornement sont « disponibles en quantité considérable dans toutes les forces et en sujets de premier choix, sains et vigoureux. Nos sujets sont remarquables par leur abondant chevelu qui en assure la reprise. » Sont proposés (j’indique les noms en français, également en latin sur le catalogue) : l’érable, le marronnier d’Inde, le vernis du Japon, l’aulne commun, le bouleau commun, le mûrier à papier, le charme, le noyer blanc, le catalpa, le châtaignier d’Amérique, le micocoulier de Provence, les cerisiers, le Gainier Arbre de Judée, l’Epine, le Cytis faux ébénier, le hêtre d’Amérique, le frêne commun, le févier à trois épines, le noyer d’Amérique, le savonnier paniculé, le liquidenbar copalme, le tulipier de Virginie, le maclura épineux le pommier à fleurs, le Paulownia impérial, les platanes d’Occident et d’Orient, les peupliers, les pruniers, le Pterocarya du Caucase, les chênes, le Sumac de Virginie, l’acacia commun, les saules, le Sophora du Japon, le sorbier des oiseaux, les tilleuls, les ormes et le virgilier. Les conifères ou arbres résineux sont également nombreux. « Nous recommandons d’une manière spéciale nos remarquables collections de conifères pour parcs et jardins. Tous les arbres, d’une vigueur hors ligne, ont été à différentes reprises contreplantés, mis en soleils ou en paniers. Il ne faut donc pas les confondre avec ceux qui, n’ayant point subi ces manipulations, peuvent être offerts à très bas prix, mais sont d’une reprise plus que douteuse. » Il est fait mention de « très beaux spécimens d’arbres de 3 à 6 mètres ». Les espèces et leurs variétés sont très nombreuses : sapins, cèdres, cyprès de Lawson, autres cyprès, ginkgo biloba, genevriers, mélèzes, pins, thuyas. Sont également disponibles : des arbustes de terre de bruyère, comme les rhododendrons, d’autres arbustes comme le houx, les hortensias et hydrangeas, les lilas, de jeunes plants de conifères de reboisement (plants sur semis ou repiqués).

 

 

[1]                      La Revue limousine, 1er août 1926, p. 79.

 

[2]                      La Revue limousine, 1er juin 1929, p. 123.