22 Juil

Histoire de La Jonchère et de son arboretum (9)

(c) Paul Colmar (cliquer pour agrandir)

(c) L. Bourdelas

 

A la fin du XIXème siècle, une foire est mentionnée à La Jonchère le 17 novembre et le 18 de chaque autre mois, ainsi qu’un marché le dimanche.[1] Elles se poursuivirent jusqu’au siècle suivant. Jusqu’à la seconde guerre mondiale, il y avait des bals les jours de foire, qui attiraient du public de tous les alentours. Il y avait un champ de foire des bovins en face de l’école et celui des cochons, place de la bascule. Nombre de camelots venaient vendre leurs marchandises à ces occasions. Il faut dire que notamment avec la famille de Léobardy, La Jonchère participe à l’amélioration de la race bovine limousine. Ainsi en 1854, lors du concours de Bordeaux, Charles de Léobardy obtient le 2ème et le 3ème prix pour ses vaches[2]. Né en 1821, cadet d’une famille de six enfants, il a hérité à la mort de son père en 1853 de trois domaines sur la commune. Notable monarchiste, il est maire de La Jonchère, conseiller général de Laurière, premier président du syndicat de la race bovine limousine en 1893. C’est un partisan convaincu du métayage. Le propriétaire décrit ainsi ses terres : « dans la vallée, il n’y a plus aujourd’hui de pâtures : tout se fauche. Dans les domaines situés sur le coteau, il y a encore quelques parties en pâturage. Car là, le sol tourmenté, garni de rochers, de fougères et de genêts, ne permet pas d’y faucher. Ces pâtures servaient autrefois à la nourriture des bêtes bovines ; ce qui n’a pu être converti en prairies sert aujourd’hui au parcours des bêtes à laine. » En Limousin, progressivement, la polyculture régresse, landes et forêts reculent, et les surfaces en herbe augmentent. Avec la création en 1886 du Herd-Book limousin, le bétail s’améliore en qualité et en quantité ; l’élevage se développe avec la demande accrue de viande. L’arrivée du chemin de fer permet celle des engrais permettant d’améliorer les fourrages et le rendement des cultures. Charles de Léobardy, aidé de son colon Royer, très bon éleveur, rejoint par d’autres éleveurs (Teisserenc de Bort, Barny de Romanet, Caillaud, Delor, Duvert, de Catheu, Delpeyrou, Parry, de Laborderie, de Bruchard, Chauveau…), utilise le Shothorn anglais comme un modèle à copier : on donne aux bovins une nourriture riche et abondante, on choisit les reproducteurs avec soin. La meilleure alimentation des vaches pleines ou qui viennent de vêler entraîne une plus grande précocité des veaux et leur sevrage plus tardif[3]. On note que des liens unissent une étroite élite de grands propriétaires : ainsi trouve-t-on dans les étables de Bort, à la fin du siècle, un taureau provenant de celles de Charles de Léobardy[4]. De 1854 et jusqu’en 1896, l’étable du Vignaud est récompensée 265 fois et en 1889, lors de l’Exposition universelle, de Léobardy reçoit le grand prix d’honneur, toutes races confondues. Dans les archives familiales Gérardin, on trouve un courrier à Henri Gérardin d’E. Devies, commisionnaire en bestiaux, 154 rue d’Allemagne à Paris, faisant état des cours des bêtes de celui à qui il écrit – preuve s’il en était besoin, qu’H. Gérardin est aussi propriétaire de bovins. En 1897, Albert Gérardin était le vice-président du Comice agricole du canton de Laurière. Plus tard, en 1949, la famille Gérardin obtient un premier prix dans la catégorie des taureaux lors du comice. Il est précisé : « fermier Desimon, Le Thibard, La Jonchère. D’autres prix lui sont décernés, dans les catégories génisses, vaches pleines, vaches suitées.

Notons qu’en 1905, Charles de Léobardy fit installer une bascule publique dans la commune, achetée à Léon Dubain, balancier à Limoges, pour peser les animaux et les voitures ; Jacques Volondat, de La Jonchère, construisit le kiosque. Elle est située sur le foirail des porcs, à l’intersection de la rue de Saint-Laurent et de la rue longeant le champ de foire[5].

Jacques de Léobardy a publié quelques documents généalogiques sur sa famille, où il écrivit par exemple : « Certes gentilhommes, nos ancêtres ne le furent pas dès l’origine. Il leur fallut plusieurs générations pour accéder à la Noblesse. Puis, quand ils furent enfin bien installés dans ce milieu, paré à leurs yeux de toutes les grâces et doté de tous les avantages, la Révolution survint, sans qu’ils s’en doutent le temps des Notables avait déjà commencé. Heureusement, ils ne surent pas mal s’en accommoder »[6].

[1]                      Petit guide du Limousin, Ducourtieux, 1889, p. 85.

[2]                      D. Danthieux, P. Grancoing, La Limousine histoire d’une race bovine XIXe-XXe siècles, Pulim, 2007, p. 109 et 127.

[3]                      D. Meiller, P. Vannier, Limousines L’aventure de la race bovine limousine en France et dans le monde, La Manufacture, 1992, p. 114.

[4]                      P. Grandcoing, R. Julien, La belle Limousine, La vache en Limousin, un patrimoine historique et génétique, Culture & Patrimoine en Limousin, 2004, p. 39.

[5]                      G. Dumont, La Jonchère…, vol. 2, déjà cité, p. 34.

[6]                      Déjà cité, p. 142.