28 Juil

Une histoire de La Jonchère et de son arboretum (10)

(c) PaulColmar – Cliquer pour agrandir.

Kaolin.

Le kaolin est présent dans les environs. Les  pegmatites  des  Monts  d’Ambazac  ont  été  exploitées , dès le XVIIIe siècle et surtout au   cours  du  XIXe  siècle  pour  leur   kaolin  (résultant  de  l’altération  de  roches  magmatiques  acides   et  riches   en  feldspaths  potassiques  et  pauvres  en  minéraux  ferromagnésiens)  et  le  feldspath  nécessaires  à  l’industrie  porcelainière de Limoges.[1] Très vite de grands gisements ont été localisés, essentiellement sur le Puy de Sauvagnac,  le Grand Puy (St Laurent les Eglises – La Jonchère) et le plateau entre Marzet et Les Combes (St Léger la Montagne). François Alluaud – qui établit à l’entrée des Casseaux, à Limoges, une importante usine de porcelaine dès 1818 –, passionné de géologie, en découvrit une grande partie. Les carrières du Buisson (Société anonyme des kaolins de La Jonchère, mise en activité en 1855 par de Léobardy), des Vignes, du Cheyroux et du Puy-Bernard (Alphonse puis Marcel Bonnaud) se développent sur la commune de La Jonchère-Saint- Maurice, au côté de « micro exploitations ». Les installations d’affinage étaient édifiées en contrebas de la future carrière, et si possible bien en dessous de sources[2]. Dès 1850, les pompes à eau mues par la vapeur ou  des pompes dites « à bélier » permirent de remonter aisément l’eau au-dessus des exploitations ce qui évita les inconvénients liés au transport du minerai. Les installations d’affinage se présentaient ainsi: réservoir supérieur pour l’eau, bassin où arrivait l’eau du réservoir et où était jeté le kaolin, canal d’évacuation de l’eau chargé en kaolin, en forte pente arrivant sur des grilles, l’eau kaolinisée passant dans des bassins de décantation, puis conduite menant à une série de  bassins à mica, et arrivée dans les bassins terminaux de décantation (décantoirs)  du kaolin. Le front de taille dépassait les 10 mètres et souvent vers 20 -30 mètres, l’exploitation était menée en gradins où étaient installées des voies Decauville pour évacuer le minerai, ou sur des échafaudages rudimentaires où étaient mises en place des conduites d’eau à ciel ouvert  où  le kaolin était jeté à la pelle. Quand la hauteur du front de taille était trop importante, ou que la rocaille et l’arène granitique avaient une teneur en kaolin faible, les terrassiers devenaient des mineurs pour n’exploiter que les riches filons et en poursuivaient l’extraction sur quelques dizaines de mètres. Des hangars de séchage aux multiples étagères en claies de châtaigner et couloir central étaient édifiés à proximité.

Le travail – des adultes comme des enfants – est très difficile, avec des pelles, des pioches, de grosses masses et des barres à mines et se fait dans la poussière minérale, qui entraîne des difficultés respiratoires. La journée de travail excède parfois les douze heures, la plupart du temps six jours par semaine, sous la pression du contremaître, la direction du chef de chantier et du chef d’exploitation et sous l’œil du propriétaire paternaliste mais intraitable. Les ouvriers mangeaient et parfois dormaient sur place. Les blessures et accidents du travail étaient nombreux – sans parler des aléas climatologiques (chaleur, froid, pluie). Les cadres eux-mêmes n’étaient pas à l’abri des problèmes : Marcel Bonnaud (Le Puy-Bernard) meurt de la silicose en 1966 ; Jean Fressinaud Mas de Feix (Vaux), à bicyclette, est écrasé par l’un de ses camions de kaolin le 23 décembre 1936.

Avant l’arrivée du train, ce sont des charrettes tirées par des bœufs ou des mules qui livraient le kaolin, jusqu’à Limoges. Ensuite, les tombereaux – puis les camions de Bonnel et de Rebeyrolle – apportèrent leur cargaison jusqu’à La Jonchère, permettant le développement économique et démographique de celle-ci. On comptait 415 habitants en 1806, 480 habitants en 1837, 950 habitants en 1870, 1400 habitants en 1895  et 1560 en 1910. « Et avec cette augmentation fulgurante de la population : bureau de poste, banques, hôtels, restaurants, buvettes, boulangers, épiceries (le Caïffa a toujours sa rue), des dizaines d’artisans de toutes professions, des couturières et même une modiste (…) la construction d’une gendarmerie, la création d’un corps de sapeurs-pompiers en 1907 (…), la création des écoles laïques vers 1880 (…), l’arrivée de médecins, pharmacien et dentiste, de nouvelles places pour les foires et marchés ainsi qu’une halle, un abattoir, une usine de paillons, et même la reconstruction de l’église en 1894, etc. …»[3] Gérard Dumont, dans son La Jonchère-Saint-Maurice d’hier et pour demain », a publié des reproductions de factures de commerçants et d’artisans témoignant de cette activité prospère. De même a-t-il indiqué les noms des manufactures de porcelaine utilisant le kaolin de La Jonchère et des environs : William Guérin, Delhoume et Duteillet, Barotte et Faye, GDA, Lanternier, Dugény frères, La Société porcelainière de Limoges, Marquet, Tharaud, Vandenmarcq, en Haute-Vienne, mais également Pillivyut, Larchevêque et Lourioux dans le Cher, les faïenceries de Somain et Buchert dans le Nord, celles d’Orléans dans le Loiret ou de Ségovie en Espagne.

Pendant un siècle et demi, l’exploitation des gisements de pegmatite des Monts d’Ambazac fournit les porcelainiers de Limoges et attirèrent d’illustres minéralogistes et naturalistes. Mais l’activité déclina à partir des années 1930 avec la disparition progressive des exploitations de kaolin, jusqu’à la dernière, en 1964.

En 1905, on trouve cette mention dans la revue Lemouzi : « Nous avons maintes fois expliqué comment notre éminent compatriote, le professeur Grancher, s’est mis à la tête de « l’Œuvre de préservation familiale » qui prend dans nos familles d’ouvriers émigrés à Paris atteints de tuberculose, et où la contagion est inévitable, les enfants encore sains pour les renvoyer à campagne : une première station est fondée à La Jonchère, dans le Haut-Limousin. »[4] Dans le même numéro, il est fait mention de ce « sanatorium pour tuberculeux établi à La Jonchère par les soins du Comité parisien des Dames Limousines et Marchoises. » Dès 1903, la revue mentionnait également une colonie de vacances destinée aux filles d’ouvriers maçons, dirigée par Mme Demonts, présidente du Comité.

[1]                      Mine de Chabannes et souterrains des Monts d’Ambazac, Groupe Mammalogique et Herpétologique du Limousin, 2002, p. 16.

[2]                      Certaines informations proviennent du site Le kaolin des Monts d’Ambazac L’industrialisation des Campagnes: L’or blanc des collines, Kaolin et Kaoliniers des Monts d’Ambazac… mis en ligne en 2009. Il est précieux notamment pour les témoignages récoltés. D’autres de « Les minéraux des pegmatites des Monts d’Ambazac (Haute-Vienne) », hors-série XIV de Le règne minéral Revue française de minéralogie, 2008. D’autres enfin des ouvrages de G. Dumont, déjà cités.

[3]                      Site Le kaolin des Monts d’Ambazac L’industrialisation des Campagnes: L’or blanc des collines, Kaolin et Kaoliniers des Monts d’Ambazac.

[4]                      Lemouzi : organe mensuel de l’Ecole limousine félibréenne, Brive, 1905, p. 276.