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La gare de La Jonchère
La gare de La Jonchère est mise en service – après une longue mobilisation déterminée des élus – le 2 juin 1856 par la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (PO), lorsqu’elle ouvre à l’exploitation la section d’Argenton à Limoges. Pour le tracé dans la région, on observa en effet que de Laurière à Limoges, « les terrains de La Jonchère, d’Ambazac, de Beaune et de Rilhac n’offrent rien de rebelle au talent de nos ingénieurs. »[1] Napoléon III, dit-on, accueillit les représentants de la Haute-Vienne, de la Creuse, de la Dordogne et de la Corrèze, plaidant pour l’arrivée du chemin de fer, avec la plus grande bienveillance. Il « s’informa de la situation de nos populations ouvrières et de nos diverses industries avec la plus vive sollicitude, et, en la quittant, chacun emporta l’espérance que toutes les difficultés allaient s’aplanir sous l’intelligente et puissante volonté de Sa Majesté. Cette confiance ne fut pas trompée. Quelques jours après, un décret inséré au Moniteur comprenait le chemin de fer jusqu’à Limoges dans une concession que l’Empereur faisait à la compagnie d’Orléans. Grâces donc à la justice éclairée de S. M., nos départements, si longtemps déshérités , recueillent enfin le fruit de leurs persévérantes réclamations. Il nous reste à dire que les études, commencées par M. Pihet, furent terminées par MM. de Leffe et Carvalho, ingénieurs ordinaires. Leur tracé , développé successivement dans les vallées de la Bouzanne, de la Creuse, de Celon, de Saint-Sébastien, de la Sédelle, de la Sème, de la Gartempe, de l’Ardour, du Rivailler , de Lacour, du Beureix et de la Vienne, se dessine par les stations suivantes entre Châteauroux et Limoges : Chateauroux, Luan, Lothiers, Chabènes, Argenton, Celon, Eguzon, Saint-Sébastien , Forgevieille , La Souterraine, Fromental, Bersac, Laurière , La Jonchère, Ambazac, Limoges. L’exécution de ce tracé a nécessité de grands travaux, surtout dans la partie qui traverse la Haute-Vienne, à travers les montagnes du Limousin. »[2] Le passage du train par La Jonchère est évoqué dans les années 1920 dans une nouvelle de Jean-Richard Bloch – « Locomotives » –, parue dans son ouvrage Les chasses de Renaut : « Le halètement de la machine n’a pas ici le son formé, arrondi qu’on lui prête de loin ; on est trop mélangé aux forces qui le suscitent ; il émane de nous-mêmes comme notre souffle propre. Son creux et sa précipitation expriment la violence terrible de notre marche. Le seuil de La Jonchère atteint, le terrain nous manque tout à coup : rampe de dix, à nouveau, mais en notre faveur. Nous nous lançons à corps perdu. La hâte devient frénétique. Un halo de lueurs se forme en avant de nous. Il monte et nous descendons ; nous l’atteignons, mais il nous attend maintenant trop haut pour nous. Nos proportions fondent sous les ombrelles de lumière qu’élargissent les interminables pylônes de béton. La majesté passe de nous à eux. Tout à l’heure, notre mouvement concentrait en lui une puissance souveraine. Voici que l’immobilité de ces grands lampadaires en hérite. Le calme l’emporte sur la furie. Cet express, qui tranchait la nuit comme un dieu, court à présent comme un rat, un rat à ras de terre. C’est en vain que le frein retrouve son crachement de bête venimeuse : notre entrée en gare a quelque chose de rabougri et de pelotonné. »[3]
En 1870, La Jonchère bénéficie d’un bureau de direction de La Poste. Sur le point culminant de Sauvagnac existait une tour sur laquelle était installé le signal ou télégraphe aérien, désigné dans le langage du pays sous le nom de Babôyo (« vieille femme radoteuse »), indique H. Pailler.
[1] Le chemin de fer à Limoges, Martial Ardant Frères Editeurs, juin 1856, p. 8.
[2] Idem, p. 19.
[3] Extrait paru dans La Revue limousine, 1er août 1927, p. LXIII.