12 Juin

Histoire de La Jonchère et de son arboretum (3)

(c) L. Bourdelas

Vitrail représentant saint Maurice, à l’église.

 

Au cœur du Moyen Âge

Au XIIème siècle, les sources font mention de la prévôté ecclésiastique de la Jonchère. Le fils d’un dénommé Aumone obtient en 1188 de la part de l’évêque Sébrand Chabot (1178-1197) la charge de «prévôt » (même si les institutions d’Église ont le plus souvent opté pour le terme de « maire ») afin de coordonner l’exercice de ses exploitations agricoles sur son domaine de la Jonchère. Peut-être est-ce de cette période que date la fondation de la paroisse – durant tout l’Ancien Régime, c’est en effet l’évêque qui nomma l’intégralité des prêtres de Saint Maurice. En 1702, l’évêque de Limoges est toujours titulaire de la châtellenie de La Jonchère.[1] Parfois, elle bénéficie des largesses d’un prélat ; ainsi, à sa mort en 1272, l’évêque de Limoges Aimeric de La Serre, précise-t-il, dans son long testament, qu’il laisse vingt-cinq livres à l’église pour la bâtisse et son ornement, et la même somme pour « l’hôpital ».[2] Les évêques de Limoges vinrent d’ailleurs souvent à La Jonchère où ils avaient leur résidence d’été.

Les archives concernant la justice épiscopale – et parfois ses manquements – au XIVème siècle, permettent de découvrir quelques anecdotes. Ainsi un notaire public de la Jonchère, Guillaume de la Place, avait le tort de « aconseiller appeler les gens qui soy disoient grevés » par le sénéchal de l’évêque : on le met à l’amende; il en appelle : on l’arrête, et on le jette dans un cachot. Il est vrai que ce notaire avait dit au sénéchal tenant l’assise « qu’il ne feroit pour lui mes comme pour un renart », et qu’avec ses complices il avait de nuit battu et navré un homme ; c’était en somme (au dire de l’évêque) un scélérat, et d’ailleurs on ne l’avait point fait renoncer à son appel. Une autre fois, c’est le bailli de l’évêque à la Jonchère qui défend d’exécuter un individu condamné à la potence, et le fait «ramener et donner pour mari à une pucelle qui le requist, et le li bailla sanz en fere punition ni justice » ; mais le fait est trop « général et obscur » pour que l’évêque prenne la peine d’y répondre.[3]

La tradition rapporte qu’un sac[4] de La Jonchère aurait eu lieu, sans qu’on puisse le dater avec certitude. Certains évoquent Edouard de Woodstock, le Prince Noir, supputant l’intrusion permise aux soudards du côté de la rue de la Trahison, qui porterait ainsi fort bien son nom. Il est vrai que depuis son arrivée en Aquitaine en 1355, jusqu’à son retour définitif en 1371, Edouard organisa pendant seize ans une suite de chevauchées, tant contre ses adversaires en dehors de ses provinces que contre quiconque osait contester son autorité sur ses terres. Le sac de la Cité de Limoges, en août 1370, dont l’évêque l’avait trahi, demeura dans les mémoires – d’autant plus que Froissart y dénombra 3 000 victimes, là où il n’y en eut peut-être que dix fois moins. L’abbé Pailler cite des Ephémérides écrits en 1830 par de Léobardy, où celui-ci écrit : « Le Prince Noir, à la tête d’une armée victorieuse, se rue sur le Limousin, au travers duquel il se fraie un passage, au milieu des décombres et dans le sang (…) il dirige sa marche vers Grammont, dont les immenses trésors tentent sa cupidité. Il ruine, en passant, Saint-Sylvestre ». Déduction de l’abbé : « il n’est pas téméraire de penser que Juncheria qui n’était éloignée que de quelques kilomètres de Grammont, à laquelle la reliait une vaste chaussée, ait subi le sort de sa riche voisine. » Toujours selon lui, lors de travaux de construction au sud du champ de foire des porcs, on découvrit « des débris d’habitations, pierres noircies par le feu, briques, débris de poutres calcinées », sans que l’on puisse dater le sinistre.

Le pouillé du diocèse de Limoges renseigne sur les vicairies (église ou chapelle succursale dans une paroisse que dessert un vicaire) créées à La Jonchère : «  Vicairie fondée par Bonne Arnaude, demoiselle, et ses prédécesseurs, avant 1355 [Dans la chapelle du château du Vignaud]. Autre, par noble Jean Joudrineau ou Jourdaneau, sieur du Verger, appelée de Peyrefolle. — A l’autel de saint Jean Baptiste ou de saint Giles. — P. Curé confère. Charles du Vignaud, écuyer, sieur dudit lieu, 1562. Jeanne de Nespoux, tutrice de Pierre et de Jacques, 1564, 1569. Perière, comme seigneur du fief du Vignaud, 1629. Noble Guillaume Joudrenaud, damoiseau, sieur du Vergier, 1497. [Autre, dite Malese, dans la chapelle du château du Vignaud. — P. Evêque. Autre, par Pierre de Folle, fondée dans la chapelle du château du Vignaud]. Vicairie fondée par Pierre Boudelli, damoiseau de la ville de La Jonchère, du consentement de sa fille, Marguerite Boudela et de Jean Joudrinaudi, damoiseau, son gendre, pour un prêtre séculier, son parent, ou de sa femme, le 28 mai 1458. Signé Bordas. Spiritualisée en 1497 [Appelée Les Vignauds]. — Chapelle du grand cimetière. — A l’honneur de la Sainte-Vierge et saint Maurice. A l’autel de saint Jacques et saint Michel. — P. Curé doit conférer dans quarante jours; ce temps expiré, l’évêque; héritiers et successeurs présenteront. Charles du Vignaud, écuyer, sieur de Bacheleries, 1567, 1569. Le service était transféré dans la chapelle du château du Vignault, lorsque Périère, président au présidial de de Limoges, nomma, en qualité de seigneur de ce fief, 1670. Noble Guillaume Joudrenaud ci-dessus, 1497. Autre, par M. Pierre de Alvernia. — A l’autel de saint Eloi. — P. Blaise de La Marche, damoiseau, sieur de Pierrefole, 1471. »[5]

En 1510, on trouve trace d’une maladrerie à La Jonchère, vraisemblablement destinée aux lépreux, prieuré ou aumônerie sous l’invocation de la Sainte Vierge, auquel l’évêque aurait pourvu dès 1371.[1]

Le chanvre étant alors un produit de première nécessité pour les populations (textile, mais aussi voiles, cordage), on en cultivait partout en Limousin. Ainsi à La Jonchère, où un contrat passé en 1579 entre un propriétaire et un métayer mentionne que ce dernier pourra « semer un lopin contenant six couppées de chanvre à lever où lesdites parties l’ont limité » ; un autre contrat stipule en 1575 que le métayer pourra faire une quartellée de chanvre dans un certain verger, pour son usage[2].

[1]                      B.S.A.H.L., t. 55, 1905, p. 23.

[2]             R. Chanaud, « Chanvre et chènevières en Limousin et Marche, une culture marginale mais omniprésente (XVIe-XIXe siècles)», in Paysage et environnement en Limousin de l’Antiquité à nos jours, sous la direction de P. Grandcoing, PULIM, 2010, p. 130 et 132.

[1]                      B.S.A.H.L., t.45, 1897, p. 565.

[2]                      B.S.A.H.L., t.4, 1852, p. 133.

[3]                      B.S.A.H.L., t. 31, 1883, p. 368.

[4]                      Saccage, pillage d’une ville.

[5]                      J. Nadaud, « Pouillé historique du diocèse de Limoges », manuscrit de 1775, B.S.A.H.L., t. 53, 1903, p. 298.