(escalier)
Plus qu’à l’âge du bronze, Guillaume Couffignal nous plonge au cœur du Moyen Âge, avec ses sculptures qui évoquent des portes ou des jubés, ces tribunes d’où l’on faisait la lecture de l’épître et de l’Evangile, mais qui cachaient le célébrant aux yeux des fidèles, instituant une séparation entre l’initié et les profanes : le chancel. Jube, Domine, benedicere : « Daigne, Seigneur, bénir », chantait-on avant la lecture de l’épître.
Selon l’endroit où l’on se trouve pour contempler les œuvres d’airain, percées de hautes ouvertures pouvant laisser passer la lumière, on est le profane ou l’initié – celui qui a accès à l’arcanum, la chose cachée et secrète traquée par les prêtres, les poètes ou les alchimistes. C’est donc bien un voyage initiatique que nous propose l’artiste. Arcane, arc-boutant, arc-doubleau ? Ne demeurerait ici que l’essentiel, une fois tout effondré. Ce qui résiste à la ruine, ce qui seul demeure. Comme à l’abbaye de Beauport, en Bretagne, comme à Jumièges, en Normandie, que Maurice Leblanc associa à La Comtesse de Cagliostro (Balsamo, autre initié). Comme, différemment, à Stonehenge, que selon certaines versions primitives de la légende arthurienne, Merlin édifia à l’aide de la magie et de géants africains qui l’aidèrent à transporter les pierres depuis la plaine de Salisbury.
Corinthiens, 3:14 : « Si l’œuvre bâtie par quelqu’un sur le fondement subsiste, il recevra une récompense ». Le premier initié, bien sûr, est le sculpteur. Il est comme Hiram de Tyr, le bronzier que son roi envoya auprès de Salomon pour travailler au Temple. C’est le fils de la lumière, l’homme aux trois vertus : la sagesse, l’intelligence et la connaissance.
Plus que des portes ouvrant sur un possible mais incertain paradis, différentes aussi du miroir d’Alice, les portes de Guillaume Couffignal sont plutôt celles que Janus ouvre et ferme cycliquement, comme le font aussi Jean l’Evangéliste et Jean le Baptiste – les portes solsticiales. Nous sommes, dans le réel de la matière, entre le passé qui n’est plus et l’avenir qui n’est pas encore ; c’est la manifestation tangible du présent. Toucher ce bronze, c’est vivre l’instant présent. Ne négligeons pas l’enseignement d’Euripide : « L’instant présent est à nous, le reste est à la fortune. » C’est peut-être aussi ce dont se souvenait Charles Baudelaire : « J’ai longtemps habité sous de vastes portiques (…) C’est là que j’ai vécu dans les voluptés calmes. » La révélation ne serait ni d’un côté, ni de l’autre, mais au milieu. C’était celle de l’Ecclésiaste (קהלת Qohelet) 3, 1-12 : « Ainsi, je le sais, le seul bonheur pour eux [les humains], c’est de se réjouir et de profiter de la vie. » Car après, viendra le temps du Sheol (שאול), le séjour des morts.