La nouvelle de la prise de la Bastille parvient à Limoges le 17 juillet et l’effervescence se répand. Peu de temps après, la cocarde tricolore fait son apparition dans le quartier de la Boucherie. Le 25, le colonel de la milice bourgeoise la présente à l’intendant qui s’en décore. Une fête est organisée le lendemain : on se rassemble place d’Orsay, avant de défiler dans l’excitation jusqu’à la collégiale Saint-Martial où est célébrée une messe solennelle avant le Te Deum de l’après-midi. Le mercredi 29 juillet, la « Grande Peur » gagne la ville : on annonce l’attaque prochaine de centaines de brigands. Les femmes s’enferment dans les maisons avec les enfants, les hommes se regroupent rue du Temple pour avoir des nouvelles de la municipalité. M. d’Ablois, l’intendant, arrive à l’hôtel de ville pour rassurer la population énervée. Mais rumeurs et fausses alertes se multiplient, on sonne le tocsin et le tambour, la milice se prépare, les hommes armés gagnent la place d’Orsay, le comte des Roys organise la défense et met en place des corps de garde. Malgré quelques autres alertes, le calme revient rapidement. Suite à ce moment d’angoisse, on organise la troupe sur le modèle de la Garde nationale parisienne, aussi bien dans le Château que dans la Cité. Elle est composée de bourgeois (sur les 15 membres de l’Etat-Major, on compte 5 francs-maçons). Le 5 août, Jean-Baptiste Pétiniaud de Beaupeyrat, banquier, trésorier, franc-maçon, est nommé maire du Château par ordonnance royale. Il mobilise sa fortune et ses réseaux pour approvisionner la ville en grain et farine, lui épargnant la disette. Un « comité patriotique », composé de 36 membres, est chargé de surveiller et conseiller la municipalité. Il est l’émanation des cantons : Consulat, Manigne, les Bancs, le Clocher, Ferrerie, la Boucherie, les Combes, Lansecot et rue Torte ; la Cité a deux cantons, son maire est M. Brigueil.
En 1790, le Limousin est divisé en trois départements, Limoges devenant le chef-lieu du Haut-Limousin, plus tard de la Haute-Vienne, qui compte environ 204 000 habitants (le Château, peuplé de « 16 à 20 000 âmes », est composé de cinq districts, la Cité, peuplée de 2 474 habitants, d’un seul). Pierre Dumas, avocat à Limoges, devient le président du Conseil Général, tandis que l’élection des 38 membres de la nouvelle municipalité (négociants, hommes de loi, bourgeois divers) débouche sur la réélection de Pétiniaud de Beaupeyrat comme maire. La petite commune d’Uzurat demande son rattachement à Limoges. Le 4 février, une messe chantée est célébrée à la cathédrale pour la conservation des jours du roi et de la famille royale et de la tranquillité et la prospérité de l’Etat, en présence des autorités. Le soir, la ville est illuminée en signe de joie. Comme la loi prescrit qu’il n’y ait plus qu’un chapitre religieux par ville, deux délégués sont dépêchés par le Conseil Général pour solliciter de l’Assemblée Nationale la conservation du chapitre de Saint-Martial, en insistant sur « la vénération particulière que toute la province a pour le corps de son Patron, déposé dans le temple qui porte son nom et dont la translation occasionnerait une véritable douleur, non seulement aux habitants de la ville, mais à chaque individu des campagnes ». Des ostensions ont d’ailleurs lieu le mardi de Pâques devant une grande quantité de personnes voulant toutes, ensuite, toucher la relique. En avril, la garde de la ville organise une « fête du Serment » place Tourny, avec messe, salves d’artillerie et harangues diverses ; le maire se félicite de l’engagement commun de défendre « la nation, la loi, le roi, la Constitution et la liberté. » Le tout s’achève par des danses place d’Orsay et un banquet dans le cloître des Grands Carmes.
En mai 1790, des enfants âgés de 9 et 10 ans, constituent une compagnie pour s’amuser, et s’achètent un petit drapeau qu’ils font bénir par l’aumônier des Gardes nationaux. Le 9, c’est cette fois la fête de la Confédération, à nouveau place Tourny, rebaptisée place d’Armes : cérémonie religieuse et civique, chants et musique, défilé accueilli par la foule en liesse. Le soir, on danse et on boit à travers la ville dont les façades sont illuminées. Un grand bal est donné au profit des pauvres place d’Orsay. Le mois suivant voit la naissance de la Société des Amis de la Constitution chez Jean-Baptiste Nieaud – dit Francillon –, riche marchand teinturier, ancien vénérable des « Frères Unis », élu maire en 1790. Sur quarante-sept membres fondateurs, une vingtaine sont francs-maçons, selon Michel Laguionie ; parmi eux : François Alluaud, directeur de la Monnaie et entrepreneur. « L’objet de la Société étant de travailler à hâter les progrès de l’esprit public (…) affermir la Constitution ». Face à elle, les Amis de la Paix, club monarchien éphémère, fondé « contre le sectarisme et l’esprit partisan » des Jacobins, bientôt interdite par les autorités. La population se divise ensuite lorsqu’il s’agit de la Constitution civile du clergé. L’évêque refuse de prêter serment (et s’exile plus tard à Londres), il est remplacé par l’abbé Gay de Vernon, futur conventionnel montagnard ; l’abbé Foucaud, professeur de théologie au collège des Jacobins, appelle le clergé à se soumettre. Ceux qui jurent le font, sans enthousiasme, à l’occasion d’une cérémonie à Saint-Michel-des-Lions le 16 janvier 1791. Après que les professeurs du Collège (parmi lesquels l’oratorien Matthieu Tabaraud) aient refusé de prêter serment, ils sont tous déchus de leurs fonctions ; on peine à les remplacer. Le vicaire de Saint-Michel, l’abbé Lambertie, compare dans un sermon les jureurs aux faux prophètes, mais le peuple assiste aux offices des prêtres constitutionnels aussi bien que des réfractaires, dans un climat parfois houleux. La vente des bâtiments et terrains religieux comme « biens publics » commence, mais les diverses reliques sont mises à l’abri.
Le Département œuvre au bien commun : organisation d’écoles gratuites ouvertes aux enfants pauvres, ouverture d’un cours public d’accouchement, destiné à la fois aux jeunes filles souhaitant devenir sages-femmes et à toutes les femmes en général. Il essaie de nourrir les plus pauvres. Et ne maintient que quatre églises paroissiales à Limoges : la cathédrale, Saint-Michel, Saint-Pierre et Saint-Thomas-d’Aquin. Il tente, lorsque les cas se présentent, de limiter l’émigration et l’enrôlement à l’étranger.