Rudy Kurniawan avait été reconnu coupable en décembre 2013 de «fraude visant à vendre des vins contrefaits». Sa peine a été finalement prononcée ce jeudi à New-York: 10 ans de prison et 28,5 millions de dollars à verser.
Rudy Kurniawan, condamné à 10 ans de prison © DR
« Je suis désolé pour ce que j’ai fait » a déclaré, d’une voix presque inaudible, Rudy Kurniawan, qui a écouté la sentence sans sourciller alors que les procureurs avaient réclamé entre 11 et 14 ans de prison. M. Kurniawan devra aussi payer près de 28,5 millions de dollars pour réparer les pertes occasionnées, 7 victimes ont été identifiées par le juge américain.
Rudy Kurniawan, 37 ans, avait été reconnu coupable le 18 décembre 2013 de contrefaçon de grands vins français, il attendait sa peine, plusieurs fois reportée, elle vient de tomber.
Pendant près de 10 ans, cet étudiant asiatique installé aux Etats-Unis a escroqué le beau monde des amateurs de grands vins et vins de prestige. Un cercle très fermé où il avait réussi à gagner la confiance de ses membres: « les 12 hommes en colère », un club de millionnaires grands amateurs de vins rares. Rudy Kurniawan n’avait qu’une vingtaine d’années mais se présentait comme un riche héritier indonésien et ça passait, habillé en costumes Hermès et bottines en crocodile.
Rudy Kurniawan était devenu un expert, adulé des amateurs de grands vins.
Son amour des grands vins, cette fascination (qu’il transmettait aussi), et son talent d’escroc lui aurait rapporté des dizaines de millions de dollars, selon l’accusation. Il avait déjà passé 28 mois en prison, en attendant de connaître sa peine définitive.
Voilà le « Docteur Conti » démasqué en mister Hide…et non plus « mister 47 », alors que son surnom était du à son obsession pour le millésime 1947 et la Romanée-Conti, l’un des plus prestigieux vins de la côte de Nuits.
Ce faussaire avait réussi à contrefaire des grands Bourgogne de la Romanée-Conti, du domaine Ponsot, du domaine Roumier, et certains grands vins de Bordeaux comme le célèbre Château Petrus star de Pomerol. Il vendaient ces contrefaçons à des prix exorbitants : six bouteilles de Bourgogne Bonnes Mares 1962 pour 35 000 dollars. Un magnum de Romanée-Conti 1979 pour 7 000 dollars. Un jéroboam (bouteille de 3 litres) de La Tache, Domaine de la Romanée-Conti pour 48 000 dollars…
Rudy Kurniawan, avait eu une ascension fulgurante grâce à un excellent palais, une mémoire prodigieuse des vins, et une générosité sans limite pour les collectionneurs et experts qu’il régalait volontiers de ses meilleures bouteilles.
Rudy Kurniawan menait la grande vie, dépensant des millions de dollars par an, collectionnant les montres, les voitures et les oeuvres d’art. Mais, il avait aussi contracté pour plus de 10 millions de dollars de dettes pour la seule année 2007.
Rudy Kurniawan, surnommé « Dr Conti », en raison de sa passion pour le Romanée-Conti
C’était une fraude économique très sérieuse, une manipulation des marchés américains et internationaux », selon le juge Richard Berman
Trois représentants de grands domaines de Bourgogne avaient témoigné lors de son procès : Laurent Ponsot, Christophe Roumier et Aubert de Villaine (Romanée-Conti).
Laurent Ponsot est venu témoigner à New-York en décembre dernier © CBS News
Il a su jouer de ses connaissances et devenir une encyclopédie des vins de Bourgogne car il a appris et ce très rapidement aux côtés de mentors américains, amoureux des vignobles de Côte d’Or. Un petit génie qui a su mettre à profit sa connaissance, son nez aiguisé et sa culture des étiquettes pour devenir le faussaire démasqué aujourd’hui.
Sa cuisine, son « magic cellar » (cave magique),à Los Angeles en Californie était une officine, dont les tiroirs débordaient de bouchons anciens, de capsules, de tampons et de centaines d’étiquettes neuves de grands crus français. Aucun de ses amis ne s’étonnait qu’il réclamait tous les cadavres de bouteilles, à la fin des repas dans les plus grands restaurants américains. Et oui, il refaisait après les niveaux…Gagnant la confiance de maison d’enchères, il réalisait de jolies ventes qui ont fini par éveiller des soupçons.
Plus de 1 000 bouteilles de grands crus contrefaits, dont des Bourgognes des domaines de la Romanée-Conti, Ponsot ou Roumier, et des Bordeaux comme Pétrus en Pomerol, ont été attribuées à M. Kurniawan.
Le bouquet final, sans longueur en bouche cette fois, il l’a dégusté ce jeudi, avec le verdict du tribunal de New York: reconnu coupable de «fraude visant à vendre des vins contrefaits», Rudy Kurniawan écope donc de 10 ans de prison, alors qu’il en risquait 40.
Regardez le reportage de nos confrères de France 3 Bourgogne (Muriel Bessard) et sur Laurent Ponsot propriétaire du Domaine Ponsot qui a permis de démasquer le faussaire Rudy Kurniawan – Reportage à l’aube du procès en décembre 2013.