26 Mai

Ils sont fous, ces Romains! (2)

Fondant la ville ex nihilo, les urbanistes romains purent appliquer un plan en damier (qui évolua au fil du temps, la ville connaissant son apogée au IIème siècle): une structure de larges voies orthonormées appuyées sur le cardo maximus (orienté nord-sud, dont l’actuelle rue du Pont Saint-Martial marque la direction) et le decumanus maximus, qui lui est perpendiculaire. L’espace se couvrit d’îlots bâtis mais aussi agrémentés de jardins : hortus, peut-être, où l’on cultivait fruits et légumes, viridarium, surtout, jardin inspiré des poètes et des philosophes, pour le plaisir des yeux et des sens, où l’on vénérait Vénus, Flore et Pomone. Il y eut à Augustoritum de magnifiques résidences appartenant à l’aristocratie fortunée. Ainsi la Maison des Nones de Mars, proche du forum, inspirée des belles demeures italiennes. D’une surface au sol de 3734 m2, elle comptait un minimum de vingt-huit salles (avec une salle d’apparat de 164 m2), et bénéficiait d’un vaste péristyle central agrémenté d’un bassin. Le décor retrouvé, bien que fragmentaire, est magnifique : échassier, canard colvert ou panneau à candélabre, figures géométriques ou végétalisées. Ailleurs, on a retrouvé d’autres mosaïques, comme celle visible au sous-sol de la Bibliothèque Francophone Multimédia : originellement placée au centre de la salle à manger de la demeure d’un riche propriétaire romain, cette pièce de 9m70 x 6m75 (Ier IIème siècles) est formée de deux tapis aux motifs géométriques différents, et est ornée à l’une de ses extrémités d’un emblema d’un mètre de côté, malheureusement légèrement dégradé, et représentant une lionne.

Sur la Vienne, un pont de pierre à six piles de granit (qui soutiennent aujourd’hui le pont Saint-Martial) permettait le passage en direction du sud de la Gaule.

Bien entendu, les archéologues ont trouvé les traces des différents métiers commerciaux et artisanaux et de la vie quotidienne. De même ont-ils repéré une couronne de grands domaines (villae) aux environs de la ville.

[à suivre…]

22 Mai

Rose Vinoy aux Caves du Centre, place des Bancs

Rose Vinoy aux Caves du Centre 1958 (c) L. Bourdelas

Arrivés du Nord de la France pendant la Seconde Guerre Mondiale, elle au moment de l’Exode avec sa fille de 6 mois, lui après son évasion du stalag, Rose et Marcel Vinoy prirent les Caves du Centre, place des Bancs, où se trouve aujourd’hui une pâtisserie tenue par un artisan… breton.

Leur magasin était en face de celui de Lecomte-Chaulet, marchand de tissus et résistant. Marcel étant typographe de formation, il aida celui-ci à fabriquer des faux-papiers, en particulier pour les Juifs et les maquisards. Cela se passait… sous la place.

13 Mai

Napoléon est mort à Sainte-Hélène…

L’historien David Chanteranne – spécialiste de Napoléon Ier – vient de publier un intéressant et original livre consacré aux îles que visita l’Empereur de sa naissance (la Corse) à sa mort (Sainte-Hélène) en passant par d’autres, comme l’île de la Cité à Paris où il fut sacré (souvenez-vous du tableau de David…): L’insulaire Les neuf vies de Napoléon, aux éditions du cerf. J’en conseille vivement la lecture, d’autant plus que l’écriture est agréable.

L’auteur rappelle qu’en 1815, contraint de quitter le pouvoir, Napoléon prend la route du Sud Ouest d’où il doit embarquer, soit en se rendant aux Anglais, soit – il y a pensé – pour fuir vers les Etats-Unis pour refaire sa vie, par exemple comme scientifique, comme il l’a confié à Monge. Las Cases a livré son itinéraire: « Nous traversons Limoges le 1er juillet vers quatre heures du soir. Nous dînons à La Rochefoucauld le 2. » Voilà, c’est tout. Becker a précisé: « Un morne silence régnait dans la voiture… Nul n’osait interrompre le cours des réflexions de l’Empereur. » Alors, à quoi songeait donc le souverain déchu, l’aigle jadis couronné de lauriers d’or, en passant par notre ville? Nous ne le saurons pas.

 

10 Mai

Un hommage à un peintre limougeaud disparu: Pierre Jarraud

autoportrait Jarraud 002

Pierre Jarraud, détail d’un autoportrait

Le peintre limougeaud est entré dans l’histoire en janvier 1997, disparu précocement à l’âge de 55 ans à son domicile. C’était quelques jours à peine avant le vernissage prévu d’une nouvelle exposition au « Divan », 25 rue Elie-Berthet à Limoges, tenu par Jacques et Régis Vigneras. Ce fut un coup de tonnerre pour sa famille (en particulier son épouse Lucette et sa fille Charlotte) et tous ceux qui appréciaient à la fois cet homme affable et le peintre qu’il était. Le Populaire du Centre notait, le 14 janvier: « Artiste jouissant d’une aura internationale, Pierre Jarraud était aussi un graphiste de renom qui mettait son talent au service des collectivités locales et des entreprises. A Condat, il était un acteur de la vie culturelle locale dans laquelle il s’impliquait généreusement. »

Pierre Jarraud est né le 4 juillet 1941 à Limoges.

Il a suivi les cours de l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs à Limoges puis à l’Ecole Nationale des Beaux Arts de Saint-Etienne. Il était titulaire du Diplôme National de publicité, section Arts Graphiques. Artiste-peintre, salué par la critique, il participa à de nombreuses expositions individuelles et collectives et il obtint de nombreuses récompenses. Il participa activement aux publications et aux manifestations culturelles de la revue Analogie, que je dirigeais et dont il était le vice-président. Il vivait et créait dans son atelier à Condat-sur-Vienne, en Haute-Vienne. Il y recevait les amateurs de son art.

Pierre Jarraud fait partie des nombreux artistes de talent, qui, dans leur diversité, sont sortis de l’ENAD de Limoges et ont marqué de leur empreinte la création contemporaine. Au début des années 1980, une exposition organisée par Claude Bensadoun à sa galerie Contraste avait contribué à révéler la puissance créatrice de cet artiste. Ce dernier, qui fit des paysages, des marines, des portraits… avait fait du thème de la poupée son principal objet de création. Une poupée ambiguë, souvent située dans les décors de la vie quotidienne, humanisée, érotisée. Et une peinture souvent référencée et parfois non dénuée d’humour.

En janvier 1985, dans la revue Polichinelle (n°17), François Theimer réalisa un entretien avec le peintre, dans lequel celui-ci déclara, à propos du thème de la poupée : « Son visage fait sur moi l’effet d’un miroir, peut-être que ce miroir reflète mon véritable moi-même. » Dans le beau livre posthume Poupée tu es femme consacré à l’œuvre de Pierre Jarraud, le même Theimer, expert près de la Cour d’appel de Paris, écrivait : « Avec Pierre Jarraud la toile rougit d’émotion et de plaisirà l’idée de savoir qu’elle va révéler les secrets de la poupée, des secrets de femmes émergeant du subconscient de l’artiste. Muse intarissable et insatiable, elle se métamorphose sous le pinceau : sensuelle, agressive, charmeuse et surtout généreuse… »

En 1996, dans la revue Analogie (n° 31), j’ai consacré une étude à l’œuvre du peintre intitulée Jarraud et le mystère des poupées, dans laquelle je replaçais la recherche de l’artiste dans un contexte historique en la nourrissant de comparaisons poétiques. En conclusion, j’écrivais que cette œuvre était vouée « à la représentation d’une innocence perdue à laquelle on rêve pourtant. » Dans son n° 33-34, la même revue rendit hommage à Pierre Jarraud après sa disparition, en reproduisant notamment un entretien radiophonique que j’avais réalisé sur Radio Trouble-Fête.

Ceux qui veulent se souvenir de cet artiste-peintre limougeaud entré dans l’histoire pourront découvrir son oeuvre à l’Espace Noriac, à Limoges, du mardi 26 mai au dimanche 7 juin 2015 (entrée libre), dans le cadre d’une exposition réalisée par L’Arbre à Trucs avec l’aide du Conseil départemental de la Haute-Vienne et de la Ville de Limoges.

Et ceux qui s’intéressent à l’histoire de la culture limougeaude retrouveront régulièrement des posts la concernant sur ce blog… car, après tout, Limoges est depuis le Moyen Âge une « cité culturelle »…

06 Mai

Ils sont fous, ces Romains! (1)

Augustoritum BAL

Maquette d’Augustoritum, Musée des Beaux-Arts de Limoges

Longtemps, les historiens ont cru au développement d’une bourgade antérieure à la cité gallo-romaine, Ritu ou Rita – le gué de la Vienne, à 500 mètres en aval du pont Saint-Martial, à l’emplacement appelé La Roche-au-Gô. Selon les archéologues, il y eut une occupation humaine sur les lieux, depuis le Néolithique, pratiquant des activités agricoles, mais sans doute rien d’importance : une ferme ou un groupement de fermes sur le plateau des Basses-Palisses, un habitat diffus. A la Renaissance, et parfois plus tard, les origines de Limoges se parèrent d’atours merveilleux et les mythes fondateurs purent prospérer ; ainsi Monsieur Boisse, ancien conservateur de la Ville de Limoges, rappela-t-il en ces termes une ancienne tradition : « Lemovix était un prince Phrygien, plein de courage, débonnaire, clément, aimant la justice […] marchant d’exploits en exploits, le hasard le conduisit sur le plateau où est assise notre Cité ; cette situation, l’eau limpide de la Vienne qui le bornait, et dont le méandre découpait les bords, le décidèrent à jeter dans ce lieu, les fondements d’une nouvelle patrie. Il réalisa ce projet l’an 3682 de la création du monde. Les premiers batimens agglomérés prirent le nom de Lemovix, dont on a fait Limoges ».

En fait, ce sont les Romains qui, vers 10 avant J.C., s’installèrent sur ce site répondant aux principes énoncés par l’architecte Vitruve pour l’implantation des villes. Les conquérants trouvaient là une grande rivière, la plaisante Vienne, – prenant sa source sur le plateau de Millevaches et se jetant dans la Loire –, un replat ensoleillé et protégé du froid sur la rive droite (le sol fut aménagé en étages de terrasses), et le fameux gué qui donna en partie son nom à la nouvelle ville : Augustoritum, le gué d’Auguste, dénomination attestée par exemple par Ptolémée dans sa Géographie au IIème siècle. Augustoritum était enfin sur la voie voulue par Agrippa – ami de l’empereur, gouverneur des Gaules en 39-38 – pour relier Lugdunum (Lyon), capitale des Trois Gaules, à Mediolanum Santonum (Saintes), capitale de la province d’Aquitaine. Le site était aussi traversé par un vieil itinéraire remontant à l’Âge de Fer, pour le transport des métaux et du vin, reliant les territoires celtes du Nord-Ouest aux colonies de la Provincia. Cette fondation urbaine permit de progressivement marginaliser économiquement et politiquement l’oppidum de Villejoubert, l’occupant romain étant aidé dans cette entreprise par les nouvelles élites gallo-romaines ralliées à sa cause. Une inscription visible au Musée des Beaux-Arts de Limoges, sur la pierre de dédicace d’une fontaine publique en granit, mentionne deux des possibles acteurs de la création d’Augustoritum : Dumnorix et son fils Postumus, vergobret (haut magistrat chez les Celtes) – qui adopta un nom romain. Un socle de statue cite également un Tiberius Taurius Taurianus, fils du duovir Taurianus Silvanus, et lui-même duovir, qui a rendu des bienfaits à la ville et à qui la Civitas Lemovicum a dressé cette statue. C’est le signe que les élites de la cité se comportent désormais en véritables romains : titre de duovir, utilisation des trois noms romains traditionnels (tria nomina).

[à suivre …]

30 Avr

Les Gaulois sont dans la plaine…

pièce lémovice

Drachme lémovice, IIème s. av.J.C.

Les Gaulois vivant en Limousin étaient les Lémovices – de lemo, l’orme, et vices, qui vainquent, peut-être parce que leur lance était en bois d’orme. Sans doute s’installèrent-ils sur les contreforts du Massif Central entre le milieu du IVème et le courant du IIIème siècle avant J.C. Leur territoire – particulièrement riche en mines d’or – s’étendait, si l’on en croit notamment la toponymie prélatine, sur les actuels territoires de la Région Limousin, mais aussi de la Charente, de la Dordogne et de l’Indre. C’était un peuple de commerçants, ce qui contribua à leur prospérité. Le travail des archéologues, dès 1922 et surtout au début des années 1980 – et notamment des adeptes de la prospection aérienne –, a montré que leur « capitale » politique et religieuse était vraisemblablement l’important oppidum situé à Villejoubert (commune de Saint-Denis-des-Murs), l’un des plus vastes de la Gaule indépendante, avec trois cents hectares environ, sur le plateau situé entre les cours de la Vienne et de la Maulde : on y a trouvé la trace d’un rempart de dix kilomètres. Peut-être porta-t-il le nom de Durotincon. Des traces d’occupation gauloise ont également été trouvées à Saint-Gence, site artisanal (céramique, métallurgie) et commercial à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Limoges, bien étudié par Guy Lintz. D’autres places ont été découvertes, comme un sanctuaire rural du Ier siècle avant notre ère, à Tintignac, sur la commune de Naves, en Corrèze. En 2004, on y a trouvé près de 500 fragments d’objets en fer et en bronze, parmi lesquels une dizaine d’épées et de fourreaux en fer, des fers de lance, un umbo de bouclier, une dizaine de casques en bronze et en fer dont un, magnifique d’élégance, prend la forme d’un cygne, deux têtes d’animal dont une de cheval, un corps d’animal en connexion avec les deux pattes arrière, une patte avant, un chaudron, et sept carnyx – la fameuse trompe verticale dont les Celtes sonnaient lors des combats et dont des chercheurs en acoustique ont retrouvé le son. A Tintignac, six des sept trompettes se terminaient par des hures de sangliers, une tête de serpent agrémentant la dernière. Sans doute s’agissait-il là d’un sanctuaire majeur du peuple lémovice, à proximité de l’itinéraire protohistorique traversant le territoire gaulois du sud-est au nord-ouest. Selon Jean-Michel Desbordes, la vocation du territoire des Lémovices « paraît bien être celle d’un carrefour d’échanges économiques. » La circulation des monnaies chez eux semble attester de leurs relations avec « les Grecs et les Ibères des comptoirs méditerranéens. » Les Gaulois importaient par exemple des objets de parure, des céramiques, des vins de la Campanie et même des îles orientales de la Grèce (l’abondance des amphores retrouvées témoigne de l’importance de ce commerce). Le territoire était défendu par des enceintes de frontière et de contrôle routier, auxquelles s’ajoutait bien sûr l’oppidum central.
Selon César dans La Guerre des Gaules et les travaux de divers historiens, des Lémovices furent parmi les premiers à se rallier à Vercingétorix et à lui envoyer un contingent pour le secourir. Sedullus, leur chef, fut tué à Alésia, lors de l’assaut final. Les Gaules furent réduites à l’état de province. Les Lémovices avaient perdu nombre de jeunes hommes et durent payer le tribut fixé par César ; mais, dans le même temps, les élites pro-romaines furent favorisées. Cependant, des éléments de la civilisation gauloise perdurèrent, sans doute plus encore dans les campagnes, mais aussi dans le nouveau centre urbain d’Augustoritum où un temple gaulois exista durant les premières décennies de la ville non loin du forum. De même les premiers habitants construisirent-ils leurs premières demeures de manière traditionnelle, en terre et en bois. Les magistratures gauloises précédant, enfin, celles venues de Rome.

28 Avr

La vie de Château…

St Aurélien

Dans la chapelle Saint-Aurélien (celle des bouchers), Jésus, dans les bras de Marie, mange un rognon de porc, tandis que sa grand-mère, Anne, porte un panier en châtaignier.

Je vous parlais de la place de la Motte dans mon dernier post. Elle était située dans l’une des deux villes de Limoges du Moyen Âge: le « Château », autour de l’abbaye Saint-Martial (actuelle place de la République et ses abords, nous y reviendrons) et du château du vicomte… Mais à quoi ressemblait donc cette ville au 14ème siècle?

Il y avait une grande variété de population (qui aime se revendiquer « bourgeoise »), de quartiers, de rues et de ruelles, ses places (celle des bancs charniers était la plus importante, avec sa trentaine d’étals, et le pilori au sud), ses étangs près de la motte, ses fontaines, ses multiples cris et bruits, ses sons de cloches. Les maisons (« meygos ») avec parfois leurs jardins. Les différents métiers exercés : bouchers, boulangers, couteliers, ceinturiers, charpentiers, argentiers, maçons, manouvriers, couturiers, forgerons, orfèvres, émailleurs, juponiers, coiffeurs, fromagers, drapiers, cordonniers, cubertiers, valets… et puis les clercs, les chanoines, les notaires, écrivains publics et même, à la fin du Moyen Âge, un imprimeur, Jean Berton. Parmi la production locale des tisserands : la limogiature – une étoffe de luxe rayée soit d’or soit de rouge, vendue en partie à l’extérieur du Limousin. Il y a tous les petits marchands, aussi, comme Mariota Ourissona, vendeuse de châtaignes. Dans cette ville, les pauvres assistés s’occupent de l’entretien des vergers. Les consuls doivent agir pour le bien en écartant le mal, la haine, la malveillance et le favoritisme. Ils ont la garde de la ville, des droits de justice et police. Ils veillent à la conservation des finances publiques, protègent les veuves et les orphelins. Ils ont à s’occuper du bon état de la forteresse et des armes communes, du pavement des rues, de l’entretien des étangs, de l’installation des bancs sur les places et aux carrefours, de la plantation d’arbres et de la bonne qualité des produits fabriqués et vendus au Château. Ils doivent rendre des comptes à la fin de leur consulat.

L’affluence des pèlerins vers l’abbaye attire les marchands. Une colonie vénitienne établit très tôt un entrepôt dans la ville, que l’on imagine très odoriférant : les commerçants de la Sérénissime vendaient le poivre et les épices du Levant à travers toute l’Europe occidentale. Les clous de girofle, la noix de muscade, la cannelle imprégnaient les viandes et les poissons dans la plupart des recettes ; sans doute pour masquer la salinité de ces produits – le sel étant le conservateur – mais surtout parce que leur attractivité gustative et imaginaire était fort prisée par ceux qui avaient les moyens de les acheter.

Limoges, qui occupe un site de carrefour, est un important lieu de commerce et sa bourgeoisie marchande y tient une place influente et enviée. Les bourgeois sont propriétaires immobiliers et fonciers, placent leur argent, font prospérer leur patrimoine, font des dons à l’Eglise, pratiquent la charité.

25 Avr

La place de la Motte, c’est un jardin extraordinaire…

fresque place de la Motte

La Ville de Limoges a décidé de dynamiser le centre de la Cité par diverses manifestations au fil des saisons et on ne peut que s’en féliciter. Ce week-end, malgré la pluie, elle a aménagé de façon beaucoup plus plaisante et moins froide les places de la République et de la Motte, et créé la manifestation Limoges fête le Limousin.

Mais tous les chalands et tous les touristes qui arpentent cette place de la Motte savent-ils pourquoi elle porte ce nom? Un premier indice leur est fourni, pour peu qu’ils lèvent le nez, par la fresque murale au centre de laquelle est notamment représenté un château de bois…

En voici l’explication: à partir de la fin du IXème siècle, il est attesté qu’un vicomte représente le comte de Poitiers à Limoges ; il s’est installé à l’écart de la Cité épiscopale, sur un site de carrefour où il a établi une motte castrale faisant suite à une construction d’un bâtiment antérieur (mais postérieur à l’Antiquité). Le site a été fouillé en 1995. L’insula est alimentée en eau potable par un aqueduc antique (d’Aigoulêne), la motte est protégée par des fossés mis en eau de manière continue, où l’on a notamment retrouvé de la céramique, et par des palissades doubles. Une chapelle placée sous le vocable de saint Michel (dite des Lions) est construite dans la basse-cour du château. Après diverses vicissitudes, le vicomte doit faire allégeance à l’abbé.

Il y avait plusieurs vicomtes en Limousin ; c’est la même famille qui se maintint dans cette fonction vicomtale de Limoges, du IXème au XIVème siècle.

Bernadette Barrière – professeur d’histoire médiévale à l’Université de Limoges qui forma des générations d’historiens et repose désormais dans le beau cimetière d’Aubazine en Corrèze – parlait de « la ville des trois pouvoirs » au Xème siècle : celui de l’évêque, sur la Cité ; celui du vicomte ; celui de l’abbaye Saint-Martial, protégée par sa propre enceinte – on parle alors de Castellum Sancti Martialis. C’est donc l’apparition d’une ville polycentrique (l’intégration dans une même enceinte de la tour du vicomte et du Château Saint-Martial étant envisagée dès les temps carolingiens).

Dans les parages de ces noyaux, l’église Saint-Augustin puis l’église Saint-Martin se transforment en abbayes (la première est le lieu de sépulture traditionnel des évêques, la deuxième – bénédictine – s’entoure d’un petit bourg) ; des lieux de cultes apparaissent ou se développent, notamment autour de la Cité ; des faubourgs s’étendent plus ou moins, aux alentours du pont Saint-Martial (sous la domination de l’évêque), du port des bois du Naveix, de Saint-Pierre-du-Queyroix, des Arènes (on imagine sans pouvoir le prouver que l’ancien grand amphithéâtre a sans doute connu l’installation d’habitations ; plus tard au Moyen Age, on s’y entraînait au maniement des armes).

Progressivement, la bipolarisation urbaine se renforce, suscitant des rivalités entre la Cité et le Château Saint-Martial.

24 Avr

Un blog sur l’histoire de Limoges? Bon sang, mais c’est bien sûr!

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Pendant des décennies – et plus encore – mes ancêtres paternels ont vécu au 58 rue du pont Saint-Martial (l’antique voie centrale d’Augustoritum, la cité gallo-romaine) à Limoges. Deux des plus récents, Emile, mon arrière-grand-père, et Eugène, mon grand-père, y eurent une entreprise de peintres en bâtiment, travaillant par exemple avec le célèbre Francis Chigot, maître de la lumière et du vitrail (chez les particuliers, dans les églises, à la gare des Bénédictins…). Surtout, ils avaient deux fiertés: celle d’être des Limougeauds, mais plus encore des « Ponticauds », les habitants du quartier des ponts (et attention! Ceux du pont Saint-Etienne ou du Clos Sainte-Marie n’étaient pas ceux de Saint-Martial). Mon père plongeait des piles du pont gallo-romain dans l’eau douce de la Vienne… alors bordée d’usines et de bâtiments industriels. Emile, après avoir été enterré par l’explosion d’un obus du côté de Verdun, avait été déterré et sauvé par ses camarades. En 1936, après la mort en couches avec son bébé de sa fille Marie – la femme du directeur des Nouvelles Galeries -, alors que s’annonçait « l’embellie » du Front Populaire, il se pendit à une poutre de la charpente de bois de l’immeuble des Bourdelas. Mon père n’avait que quatre ans. Encore quatre années et son père serait fait prisonnier par les Allemands, envoyé dans le IIIème Reich comme travailleur forcé chez Siemens puis dans une ferme. A son retour, Jean-Marie (qui entre-temps aurait assisté à la Libération de la ville par Georges Guingouin) aurait déjà 13 ans.

Eugène, mon grand-père, aimait raconter ses souvenirs du Limoges d’autrefois, qu’il entrecoupait de phrases et de couplets en langue limousine.

Ce sont eux qui m’ont fait aimer ma ville natale. Mais ce sont aussi mes grands-parents venus du Nord, Rose au moment de l’Exode avec ma mère Françoise, âgée de six mois, Marcel, qui les rejoignit après son évasion du stalag. Dans les caves de la place des Bancs, sous leur magasin de vin, ils imprimaient de faux papiers pour les Juifs et les maquisards. Ils étaient les amis de Lecomte-Chaulet, résistant dont la boutique était en face de la leur.

C’est en leur mémoire à tous que je rédige désormais ce blog sur l’histoire de Limoges. J’espère qu’il vous intéressera.

Et je remercie Dominique Papon de m’en avoir suggéré l’idée.

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