Pierre Jarraud, détail d’un autoportrait
Le peintre limougeaud est entré dans l’histoire en janvier 1997, disparu précocement à l’âge de 55 ans à son domicile. C’était quelques jours à peine avant le vernissage prévu d’une nouvelle exposition au « Divan », 25 rue Elie-Berthet à Limoges, tenu par Jacques et Régis Vigneras. Ce fut un coup de tonnerre pour sa famille (en particulier son épouse Lucette et sa fille Charlotte) et tous ceux qui appréciaient à la fois cet homme affable et le peintre qu’il était. Le Populaire du Centre notait, le 14 janvier: « Artiste jouissant d’une aura internationale, Pierre Jarraud était aussi un graphiste de renom qui mettait son talent au service des collectivités locales et des entreprises. A Condat, il était un acteur de la vie culturelle locale dans laquelle il s’impliquait généreusement. »
Pierre Jarraud est né le 4 juillet 1941 à Limoges.
Il a suivi les cours de l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs à Limoges puis à l’Ecole Nationale des Beaux Arts de Saint-Etienne. Il était titulaire du Diplôme National de publicité, section Arts Graphiques. Artiste-peintre, salué par la critique, il participa à de nombreuses expositions individuelles et collectives et il obtint de nombreuses récompenses. Il participa activement aux publications et aux manifestations culturelles de la revue Analogie, que je dirigeais et dont il était le vice-président. Il vivait et créait dans son atelier à Condat-sur-Vienne, en Haute-Vienne. Il y recevait les amateurs de son art.
Pierre Jarraud fait partie des nombreux artistes de talent, qui, dans leur diversité, sont sortis de l’ENAD de Limoges et ont marqué de leur empreinte la création contemporaine. Au début des années 1980, une exposition organisée par Claude Bensadoun à sa galerie Contraste avait contribué à révéler la puissance créatrice de cet artiste. Ce dernier, qui fit des paysages, des marines, des portraits… avait fait du thème de la poupée son principal objet de création. Une poupée ambiguë, souvent située dans les décors de la vie quotidienne, humanisée, érotisée. Et une peinture souvent référencée et parfois non dénuée d’humour.
En janvier 1985, dans la revue Polichinelle (n°17), François Theimer réalisa un entretien avec le peintre, dans lequel celui-ci déclara, à propos du thème de la poupée : « Son visage fait sur moi l’effet d’un miroir, peut-être que ce miroir reflète mon véritable moi-même. » Dans le beau livre posthume Poupée tu es femme consacré à l’œuvre de Pierre Jarraud, le même Theimer, expert près de la Cour d’appel de Paris, écrivait : « Avec Pierre Jarraud la toile rougit d’émotion et de plaisirà l’idée de savoir qu’elle va révéler les secrets de la poupée, des secrets de femmes émergeant du subconscient de l’artiste. Muse intarissable et insatiable, elle se métamorphose sous le pinceau : sensuelle, agressive, charmeuse et surtout généreuse… »
En 1996, dans la revue Analogie (n° 31), j’ai consacré une étude à l’œuvre du peintre intitulée Jarraud et le mystère des poupées, dans laquelle je replaçais la recherche de l’artiste dans un contexte historique en la nourrissant de comparaisons poétiques. En conclusion, j’écrivais que cette œuvre était vouée « à la représentation d’une innocence perdue à laquelle on rêve pourtant. » Dans son n° 33-34, la même revue rendit hommage à Pierre Jarraud après sa disparition, en reproduisant notamment un entretien radiophonique que j’avais réalisé sur Radio Trouble-Fête.
Ceux qui veulent se souvenir de cet artiste-peintre limougeaud entré dans l’histoire pourront découvrir son oeuvre à l’Espace Noriac, à Limoges, du mardi 26 mai au dimanche 7 juin 2015 (entrée libre), dans le cadre d’une exposition réalisée par L’Arbre à Trucs avec l’aide du Conseil départemental de la Haute-Vienne et de la Ville de Limoges.
Et ceux qui s’intéressent à l’histoire de la culture limougeaude retrouveront régulièrement des posts la concernant sur ce blog… car, après tout, Limoges est depuis le Moyen Âge une « cité culturelle »…