18 Déc

Les auteurs dramatiques en Limousin (6)

Jean Giraudoux naît à Bellac en 1882 et meurt à Paris en 1944. Le visiteur peut découvrir sa maison natale au 4 de la rue Jean Jaurès où est apposée une plaque commémorative. Les travaux des giralduciens, comme Jacques Body, regroupés en une « Académie Giraudoux »[1], ont œuvré pour conserver la mémoire de l’homme de lettres et éclairer son œuvre. Normalien, il fut diplomate et écrivain mais aussi l’un des plus grands dramaturges de son temps.  En 1928 : Siegfried, en 1929 : Amphitryon 38, en 1933 : Judith et Intermezzo. Il fait aussi des conférences sur le théâtre à l’université des Annales. En 1935 : La guerre de Troie n’aura pas lieu et Supplément au voyage de Cook, en 1937 : Électre et L’Impromptu de Paris, en 1938 : Cantique des cantiques, en 1939 : Ondine, en 1943 : Sodome et Gomorrhe ; Puis ce sont les représentations posthumes de ses œuvres : La Folle de Chaillot (1ère représentation : 1945, par Jouvet rentré d’Amérique, donnée à l’occasion du « Gala des résistants de 1940 », en présence du général De Gaulle), Pour Lucrèce (1ère représentation : 1953). En préface au Théâtre complet paru en 1991 dans la collection La Pochothèque,        Guy Teissier parle justement d’un « théâtre classique du XXème siècle » et cite Giraudoux évoquant son plaisir de travailler au milieu d’éléments qui pénètrent l’auteur dramatique : « les décors, les voix, les interprètes. » Bellac apparaît à diverses reprises dans l’œuvre de l’écrivain et dramaturge. Dans Jean Giraudoux, la légende et le secret (P.U.F., 1986), Jacques Body écrit : « … faute de sang bleu et d’ancêtres, un diplomate très distingué, un écrivain choyé, une gloire du Tout-Paris, va mettre son point d’orgueil à rappeler qu’il est natif d’un bourg inconnu nommé Bellac et qu’il a appris à parler le français à l’école des Limousins. »

Edmond Blanc (Bujaleuf, 1889-1955), aéronaute, collaborateur de diverses revues, vit ses pièces jouées au Théâtre Marigny ou au Théâtre des Arts.

Le creusois Edmond Panet a écrit des romans limousins et des pièces en un acte, publiées pendant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que L’Idylle au hameau (1956). L’auteur illustrait lui-même ses œuvres.

[1] http://jeangiraudoux.org/institutions/

Son compatriote Michel Arnaud, traducteur et adaptateur de pièces ou de romans pour la télévision, vit sa pièce D’après nature ou presque,  pièce en 3 actes, jouée en 1942 au théâtre des Mathurins à Paris. Sept amis sont réunis dans un pavillon situé sur une petite île. Paul et Bilbo écrivent un feuilleton policier pour un grand quotidien. Au départ, un crime parfait, tellement parfait que les auteurs eux-mêmes n’arrivent pas à en trouver la solution. Alors qu’ils passent une soirée agréable avec leurs amis, le pavillon est, comme dans leur roman, isolé par une crue du fleuve et le meurtre imaginé par Paul et Bilbo est réellement commis. Le criminel est nécessairement l’un des six survivants. La pièce a été jouée à diverses reprises, par exemple au Vingtième théâtre à Paris en 2013 dans une mise en scène de Raphaëlle Dubois. La pièce a été diffusée le 15 octobre 1957 à l’O.R.T.F. par Marcel Cravenne avec Michel Piccoli, Malka Ribowska, Pierre Mondy, Anna Gaylor, Jean Muselli, Jean Pierre Kerien et Elisa Lamothe. On peut la voir sur le site de l’I.N.A[1].

Né à Tulle en 1889, mort à Bellac en 1948, l’écrivain Charles Silvestre, distingué notamment par le Prix Fémina en 1926, puis un prix de l’Académie Française dix ans plus tard, sut chanter avec beaucoup de talent sa terre limousine dans de beaux textes ouverts à l’universel. A sa mort, Georges-Emmanuel Clancier le compara avec justesse à Giono, Robert Margerit prononça un discours au nom de la Société des Gens de Lettres et on lui rendit hommage des Nouvelles littéraires au Figaro littéraire (Jean Blanzat). Il fut l’auteur – édité et joué – de plusieurs pièces de théâtre : L’aviateur (1912), Molière à Limoges (1913), Un maître émailleur (1914), La mort de Rouget de Lisle (1919), L’incomparable ami (à propos de Montaigne et La Boétie, 1920), Le soleil de Salamine 1920). L’aviateur fut joué au Val d’Enraud, joli manoir à Isle, non loin de Limoges.

[1] https://www.ina.fr/video/CPF86608231

En juin 1910, le journal Limoges illustré se réjouissait de la création d’un théâtre de nature en ces lieux, que l’on pouvait rejoindre grâce au nouveau tramway départemental, « dans un décor idéal, fait d’arbres centenaires, de sources chantantes, de prés où bruissent les grillons et de parterres où saignent les roses ». Le directeur en était M. Cazautets, « aimable et intelligent », récompensé par les Palmes Académiques, ainsi salué par le journaliste : « quand, en définitive, un homme s’ingénie à élargir, à, épurer le goût public, ces efforts et cet homme doivent être encouragés. » Dès le mois de juillet, on y jouait Le Cid et L’Arlésienne. Dans Arts et Lettres de février-mars 1913, Edouard Michaud voit un peu de « l’âme de Corneille » dans les tirades du jeune Silvestre. Il salue Molière à Limoges de belle manière, dans un long article. La pièce brode sur le passage supposé de Poquelin dans la capitale limousine : « l’auteur [a] tiré le meilleur parti – et un excellent – d’un pareil sujet. » Dans La Brise, Jean Nesmy salue pour sa part Un maître émailleur, qui connaît le succès et met aux prises Léonard Champeaux, génial émailleur, et son ami Muller, un Allemand, qui le trahit au profit de son pays. Nous sommes à la veille de la grande déflagration mondiale. « Ce beau drame, très littérairement écrit, comporte au surplus une moralité sur les dangers que court notre art français. » Limoges illustré ou Le Courrier du Centre pensent de même. Edouard Michaud précise par ailleurs que la première a été « donnée dans des conditions déplorables, à onze heures et après trois actes d’opérette » mais a connu « un magnifique succès », l’auteur étant appelé sur scène et longuement acclamé. La mort de Rouget de l’Isle montre l’auteur de La Marseillaise atteint de pneumonie, assailli par les souvenirs : pauvreté, créanciers, exil, mais aussi les campagnes, Strasbourg, la création de ce qui est devenu l’hymne national. On croise le général Blein, Gindre ou Béranger. Au moment de l’agonie, tandis que l’orage gronde, le poète halluciné voit se présenter à lui « l’Ombre ardente », la Marseillaise. Selon Michaud toujours : « la langue est merveilleuse et les trouvailles abondent. »

René Farnier, majoral du Félibrige, auteur d’innombrables articles sur la région, sur sa langue, ses traditions, a fait jouer une douzaine de ses pièces entre 1923 et sa mort en 1953. A son adolescence, son père ayant pris sa retraite, la famille s’installa à Limoges, en haut du boulevard Gambetta, en face de chez ses oncle et tante Nivet, grainetiers. Il poursuit sa scolarité au lycée Gay-Lussac, en ce début de XXème siècle où l’histoire régionale et la langue d’oc étaient promues par de nombreux professeurs. René Farnier eut ainsi pour enseignant Franck Delage, il fréquenta entre autres Léon Delhoume, Evariste Mazeaud, Edmond Descubes, avec lesquels il publia une feuille littéraire au lycée. René Farnier part ensuite « faire son droit » à Paris. Il fut enrôlé dans l’armée où il vécut la terrible guerre des tranchées. Survivant, il installa son cabinet d’avocat rue Darnet, à Limoges. En 1920, il décida avec quelques amis, dont Léon Delhoume et Louis de Nussac, d’unifier les différentes écoles félibréennes du Haut-Limousin (Haute-Vienne, Creuse) et du Bas-Limousin (Corrèze) et que la revue régionaliste Lemouzi, créée une vingtaine d’années plus tôt, ferait le lien entre ces deux pays frères et assurerait la « propagande d’oc » dans tout le Limousin. Sa pièce Lou gru que leva (« Le grain qui lève ») fut créée pour la première fois par la troupe théâtrale de l’Eicola dau Barbichet, le 27 mai 1928 à la salle de l’Union, rue des Coopérateurs, à l’occasion de la sainte Estelle (grand congrès annuel du Félibrige) organisée cette année-là à Limoges. Véritable œuvre de propagande pour la défense de la langue d’oc limousine, la pièce confronte le monde paysan et Bidounet, qui a « réussi à la ville » et qui présente son fils, Arsène, qui ne parle pas occitan, à ses cousins et anciens voisins campagnards[1].

Marguerite Genes née à Marseille en 1868, arrive très jeune à Brive, berceau de sa famille maternelle. Elle ne quitte la Corrèze que le temps de ses études puis revient enseigner le français dans une institution privée. Reconnue localement pour ses qualités littéraires et sa connaissance de l’occitan, activement engagée dans le mouvement félibréen, elle est nommée « Mestresso en Gai-Sabé » (Maîtresse en Gai Savoir). Elle écrit de nombreux textes poétiques, des pièces de théâtre, des études littéraires et de folklore limousin. Son œuvre est peu diffusée en dehors de sa région. Seules trois de ses pièces sont publiées en monographie, Lou Francimans, Leis d’Amor et Quand même ! – texte inspiré par la guerre de 1870 en Alsace.

Mathylide Peyre co-écrit avec elle Quand même ! C’est une corrézienne, née en 1886 à Orliac de Bar. Egalement engagée dans le mouvement félibréen, elle reçoit « l’Eglantine d’Or » pour sa Légende limousine. Ses pièces, ses textes en prose ou en vers parlent des terres corréziennes essentiellement.

Henri Monjauze, né en 1865 à Objat et mort 1940 à Brive-la-Gaillarde, est un écrivain régionaliste, ancien notaire à Objat (Corrèze). C’est l’un des fondateurs de la Société Scientifique, Historique et Archéologique de la Corrèze en 1878. Il a écrit avec Pierre Verlhac, né en 1864 à Brive et mort en1934 à Souillac (Dordogne), imprimeur et homme de lettres à Brive, sous le pseudonyme Verlhac-Monjauze. La Question des eaux, poème héroïque, est représenté à Brive, sur la place de la Guierle, le 22 octobre 1893, à l’occasion des fêtes franco-russes, et à Paris (soirées de la Ruche corrézienne), le 18 novembre 1893, puis publié l’année suivante. En 1918 paraît également Pierrot aux Tranchées, comédie en un acte en vers.

Jean-Baptiste Chèze (né à Corrèze en 1870 et mort à Tulle en 1935), fils d’un marchand drapier, fonctionnaire à la préfecture de Seine trente années durant, écrit des niorlas (histoires plaisantes et malicieuses) et des pièces comme Tracassou (1912) et Las Prunas (1921)[2].

En 1926 est publiée à Paris, chez Choudens, éditeur, Bertrand de Born, pièce historique en quatre actes, en vers, de Raoul Charbonnel (poète, journaliste, auteur dramatique et librettiste), musique de Francis Casadesus (avec la partition d’orchestre). Il est précisé : Suite d’orchestre moyenâgeuse. Première partie : Introduction et Sirvente. Deuxième partie : Trois Préludes. On trouve aussi la pièce éditée par Arthème Fayard et Cie, éditeurs, en 1930. Né le 17 mai 1872 à Bort-les-Orgues et mort le 10 janvier 1946, Raoul Charbonnel était le fondateur et directeur de La Vie financière. La pièce inspirée par le troubadour fut créée le 12 décembre 1925 au Théâtre de Monaco, avec M. Albert Lambert dans le rôle du poète et Mme Colonna-Romano dans celui de Maheut – les deux comédiens étant sociétaires de la Comédie Française. Le 28 janvier 1931, la pièce fut aussi donnée à la Sorbonne.

L’écrivain Robert Margerit (1910-1988), Prix Théophraste Renaudot en 1951, grand prix du roman de l’Académie française pour La Révolution (selon moi son meilleur roman), est l’auteur de L’Amour et le temps (Comédie en trois actes – La pyramide, 1941), Un Singulier destin (Tragédie radiophonique, 1945), Les Loups-Garous (Comédie radiophonique, 1972), La Poule de luxe ou Ceux qui vivent (Pièce radiophonique, [s.d.]) ; Jacqueline Clancier a également signé l’adaptation radiophonique de son livre Le Château des Bois-Noirs.

Né à Uzerche en 1920 (mort en 1998), Antoine Dubernard est un dramaturge dénommé aussi Bras-Merle. On lui doit huit pièces éditées au Chamin de Sent-Jaume, parmi lesquelles La vessa de la barja (1991), Les grelots de la débine (1990), L’Enclume et le fer chaud (1977), La Guigne aux joncs, Les Ramoneurs accrochés au ciel. Selon Miquèla Stenta, « la rareté des mises en scène sera due, sans doute, à l’extrême discrétion de cet auteur. » Quant à son éditeur Jan dau Melhau, il écrit notamment : « On est rarement allé aussi loin et avec une telle force, une telle noirceur, un esprit à la fois désenchanté et compatissant dans le traitement de l’humaine tragédie (…) Ces pièces, qui ont si peu, qui n’ont pas été jouées, reste maintenant à les sortir du livre, où elles ne sont que de passage, pour les rendre à leur vocation, à leur oralité, les mettre en scène. Qui l’osera ? ».

Ce n’est pas forcément le lieu d’écrire sur la grande poète Marcelle Delpastre, née le 2 septembre 1925 à Germont sur la commune de Chamberet en Corrèze, fille, petite-fille, arrière-petite-fille de paysans limousins. Paysanne elle-même. On lira avec profit le dossier qui lui fut consacré à l’automne 2 000 par Plein Chant (n°71-72), rassemblé et présenté par Jan dau Melhau. Il y est question des « poèmes dramatiques », suite de longs poèmes de quinze à trente pages inaugurée en 1967, « à une ou deux voix avec souvent un chœur à la façon antique », en occitan ou bilingues. Certains ont fait l’objet d’adaptations radiophoniques sur Radio-Limoges au début des années 1970, d’autres de lectures publiques ou de véritables spectacles comme Natanael jos lo figier en 1991 ou Lo Cocotin de l’arfuelh en 1999. Jan dau Melhau observe : « L’inspiration en est souvent biblique, le Verbe et le mythe y étant revisités, et avec quelle violence, par Hiroshima et Tchernobyl. »

Le poète Bernard Blot est né le 17 juillet 1932, à Château-du-Loir (72). En 1942, suite à la destruction de sa maison familiale, à Fleury-les-Aubrais, dans la banlieue d’Orléans, par les bombardements alliés, sa famille s’installe dans la Creuse. L’enfant s’attache à ce département, l’adulte lui restera fidèle. Il choisit une carrière d’enseignant. Il est très vite détaché à la Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente, puis à l’École normale supérieure de Saint-Cloud comme chargé de recherche en linguistique appliquée, dans le domaine du français langue étrangère. Après la rencontre d’A. Steiger, il crée un groupe théâtral au lycée Pierre Bourdan de Guéret (Les Fourberies de Scapin, 1952) puis monte diverses pièces dans les années 1950. Il crée à Guéret le « Groupe Grancher » (La Vie est un songe de Calderon, 1962, La Dame à la Licorne, 1965), joue Jules César au Festival de Foix en 62, aide à créer celui de Fresselines ; puis il donne à celui de St-Siméon-de-Bressieux sa première pièce, Hyperbole, en 1965, organise le premier Festival de Guéret l’année suivante, fait des recherches en atelier, inspirées par le Living theater[3], crée à la M.J.C. de Guéret un atelier de jeu dramatique[4], collabore au Théâtre d’animation culturelle de René Bourdet.

Né en 1937, médecin, Claude Broussouloux écrit ses premiers textes dans la mouvance du «Nouveau Roman»[5]. La publication des Autres aux éditions Gallimard en 1 971 lui permet de faire la connaissance de Georges Lambrichs (futur directeur de la NRF).Il vient au théâtre grâce à l’écriture radiophonique avec La Fête prisonnière, dont la diffusion sur France Culture en 1974 avec Alain Cuny dans le rôle principal, est l’occasion de rencontrer Georges Peyrou, réalisateur radio et également metteur en scène d’auteurs contemporains. La même vision du théâtre les amène à collaborer : Claude Broussouloux ne cesse alors d’écrire des pièces (publiées pour certaines aux éditions Galilée ou à L’avant-scène théâtre, et crées en France et à l’étranger) telles que Les Remplaçants (1976), La Salle d’attente (1979), L’Enfant (1982), Écoute de nuit (1984) Une étrange école (1985), ou encore Identification d’un homme (1987). En 1993, à la suite d’une commande de l’acteur italien Mario Maranzana, il écrit une pièce sur la rencontre fictive entre Voltaire et Goldoni intitulée L’Improbable Rencontre, jouée à Rome pour le bicentenaire de la mort de Goldoni. Claude Broussouloux est également l’auteur de quarante-cinq sketches à deux personnages traitant, sur le mode ironique, de problèmes de société, et publiés dans différentes revues de 1980 à 1994.

 

[1] http://www.bn-limousin.fr/items/show/3307#

[2] Œuvres complètes : Édition du Centenaire de Jean-Baptiste Chèze (1870-1935), Lemouzi, n° 36 bis, 1970.

[3] Troupe de théâtre expérimental libertaire créée en 1947 à New York par Judith Malina (1926-2015) et Julian Beck (1925-1985).

[4] Le Populaire du Centre, 16, 17, 18 février 1970.

[5] Catalogue de L’avant-scène théâtre.

06 Déc

Les auteurs dramatiques en Limousin (5)

Edmond Gondinet (atelier Nadar)

Jules Claretie

 

Les revues régionalistes fourmillent de petites pièces d’inégale qualité. On en trouve aussi à la Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges, comme celles écrites par Henri Baju à la fin du XIXème siècle, saynètes se déroulant dans la bonne société limousine et ne prêtant pas à conséquence, comme Le Veston de velours. Plus amusante (mais idéologiquement « chargée »), Le Préfet modèle, petite pièce destinée au Théâtre de l’Elysée, publiée en 1902 par l’historien limougeaud Louis Guibert, où il ironise notamment à propos des francs-maçons.

Chroniqueur au Figaro, Claude-Antoine-Jules Cairon choisit comme pseudonyme l’anagrame de son nom : Jules Noriac. Né à Limoges en 1827, mort à Paris en 1882, il est l’un des directeurs du Théâtre des Variétés puis des Bouffes-Parisiens avec Charles Comte, le beau-père d’Offenbach. Romancier, auteur d’un Dictionnaire des amoureux, il écrit des vaudevilles et divers livrets.

Fils du directeur de l’Administration des Domaines à Limoges, né en 1828 à Laurière (mort à Neuilly-sur-seine en 1888), Edmond Gondinet fit jouer sur les scènes parisiennes une quarantaine de ses pièces, dont certaines avec succès. Il collabora avec Labiche et Alphonse Daudet. Il écrivit aussi, avec Philippe Gille le livret de Lakmé, opéra en trois actes de Léo Delibes, d’après un roman de Pierre Loti. Celui où figure le si beau, si émouvant et proustien Duo des fleurs : « Dôme épais le jasmin à la rose s’assemble… ».

André Montaudon (1867-1951), natif de La Souterraine, homme de lettres (qui fut anobli par le shah d’Iran dont il était le précepteur des enfants), est l’auteur de Pas d’hommes, bouffonnerie en un acte (1909), Aux champs, saynète occitane en un acte (1911) et Yseult et Aubier, scène du Moyen Âge (1914). Notons au passage que parmi ses autres œuvres, on trouve la chanson Le petit vin gris du Berry. En 1991, l’une des légendes qu’il avait jadis consignée fit l’objet d’un sketch figurant en première partie du programme que « Les Saltimbanques » présentèrent notamment à Saint-Priest-La-Feuille (Creuse).

On le connaît sous son pseudonyme d’écrivain : Hemma-Prosbert. Pierre-Elie Halary est né à Janailhac (Bellevue) le  18 août 1840, fils de Jean Halary, propriétaire, et de Catherine Glandus. Il exerça la profession de notaire à Châlus. Il est décédé à Saint-Yrieix-La-Perche le 21 novembre 1916. Poète, écrivain, chroniqueur, il écrivit des pièces de théâtre. A la Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges, on peut consulter cinq volumes de son Théâtre, paru chez E. Flammarion (1908-1910). Ils contiennent : Vol. I : L’école du divorce, L’artiste et le brocanteur, L’araignée et les moucherons, Les droits du mari, Le parvenu, L’homme bien-pensant ; Vol. II : Judith, Charlotte Corday, Jeanne Darc ; Vol. III : La revanche de monsieur de Pourceaugnac, L’embarras du choix, Le pauvre honteux, Particule et accidents, Le mariage libre, Nul n’est prophète dans son pays et Le dramaturge d’emprunts ; Vol. IV : Jean-sans-terre, Préface limousine (essai historique), L’étang ; Vol. 5 : Préface sur la décadence des lettres et du théâtre, le droit d’adaptation et mes débuts littéraires, La réclame précédée d’une Conférence sur la réclame et le paradoxe du conférencier mondain, Arthur de Bretagne.

Né en 1840 à Limoges (mort en 1913), auteur prolixe, romancier, historien de la Révolution française, chroniqueur au Figaro et au Temps, Jules Claretie consacra une grande partie de son existence au théâtre : il fit la critique théâtrale à L’Opinion nationale, au Soir, à La Presse ; auteur dramatique lui-même, président de la Société des Gens de Lettres et de la Société des Auteurs Dramatiques, il fut administrateur du Théâtre-Français à partir de 1885. En 1903, Les Affaires sont les affaires d’Octave Mirbeau remportèrent un véritable triomphe à la Comédie-Française, après avoir été en partie cause de la suppression du Comité de lecture par Jules Claretie en 1901[1]. Après ce premier succès, il est prêt à recevoir une autre pièce de Mirbeau, Le Foyer, satire mettant en scène un sénateur académicien, qui pratique la philanthropie dans son propre intérêt et en détourne les effets. Jules Claretie hésita toutefois à porter la pièce à la scène. Après un va-et-vient de la pièce de la Comédie-Française au Théâtre de la Renaissance, les auteurs gagnèrent le procès intenté à Claretie, qui parvint, avec sa diplomatie habituelle, à monter Le Foyer réduit à trois actes, en décembre 1908. Les premières représentations furent troublées par les manifestations des représentants de l’Action Française[2]. Dans sa pièce Bouddah (1888), Claretie faisait dire à l’un de ses personnages, revenant des colonies et contemplant des affiches de théâtre : « quand on a été sevré des acteurs de Paris, si tu savais ce que ces bouts d’affiches contiennent de promesses et d’allèchements !… » Elu à l’Académie Française le 26 janvier 1888, Claretie a été reçu le 21 février 1889 par Ernest Renan. Il avait coutume de dire : « Vous aimez les livres ? Vous voici heureux pour la vie. »

Le Corrézien André Chadourne (1859-1910) est un polygraphe, qui se fait connaître comme homme de théâtre, auteur de pièces (tragédies comme comédies), de livrets d’ouvrages lyriques et de poésie. Connu et apprécié à Montmartre, ses amis ont pour noms Jules Renard, Massenet, Paul Delmet, etc. À Brive, il crée et anime pendant de nombreuses années Le tout Brive. À Paris, André Chadourne, cofondateur de la Société des gens de Lettres, est une personnalité éminente de la vie parisienne de l’avant-guerre 1914-1918.

L’écrivain limougeaud Edouard Michaud écrivit également du théâtre : en décembre 1925 fut joué au Théâtre municipal de Limoges sa Province qui fit rire le public par son comique de situation mais constituait, d’après la critique, une condamnation impitoyable de la vie provinciale.

En 1919, l’abbé Charles Chalmette, connu à Limoges pour ses recueils de poésie très classiques, publie une pièce en un acte : Au Jardin de Versailles, où il fait revenir Corneille le jour du traité de paix de 1919. L’auteur du Cid explique ainsi la chose :

… Je méditais un poème inédit

Lorsque je vis Charron ; souriant, il me dit :

Une guerre a soudain fait tressaillir ta race ;

Des Rodrigues partout et partout des Horaces,

Et l’Amante immolant son amour au devoir.

Désirerais-tu voir ? – Je désirerais voir –

La page des héros n’est pas encore finie,

Il en est par milliers dignes de ton génie.

– Je voudrais voir cela. Monte, me dit Charron.

Nous passâmes le Styx en neuf coups d’aviron…

 

Et, à la fin, ce dialogue entre deux personnages :

 

– Pourquoi, Monsieur, tous ces clairons, tous ces tambours ?

 

– C’est que les Allemands ne sont plus à Strasbourg.

 

La pièce fut jouée pour la première fois par les élèves de l’Ecole Montalembert, le 6 février

 

1929 – on était ambitieux, à l’époque !

 

[1] En 1995, Pierre Meyrand, co-directeur du C.D.N.L. La Limousine, obtint le Molière du comédien pour son excellente interprétation d’Isodore Lechat dans Les Affaires sont les affaires. La pièce, nominée sept fois, eut aussi le Molière du théâtre public et celui du décor. Voir plus loin.

[2] Mouvement royaliste et nationaliste de Charles Maurras.

29 Nov

La disparition de Michel Laguionie, humaniste, syndicaliste (F.O.) et historien de la franc-maçonnerie limousine

Né en 1939 à Limoges, Michel Laguionie appartient au Grand Orient de France depuis 1966. Reçu franc-maçon par la loge « Les Artistes réunis », à l’Orient de Limoges, il fut l’un de ceux qui réactivèrent « Les Frères unis », loge créée en 1767, mais éteinte depuis près de deux siècles. Passionné d’histoire, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la vie sociale et politique de la capitale de la porcelaine. On lui doit la première étude d’ensemble consacrée à la Franc-Maçonnerie limougeaude : Histoire des francs-maçons à Limoges, parue en 1986, puis : La Franc-Maçonnerie en questions (en collaboration avec Serge Beucler) en 1993, Maçonnerie et antimaçonnisme en Limousin (en collaboration avec Louis Pérouas et Roger Mériglier) en 2000, et un Petit dictionnaire des rues maçonniques du Limousin, en 2011. Il a également rédigé, pour le Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, les biographies de quelques personnalités maçonniques de la région. Plongeant une fois encore dans le passé, il présente, avec Loges et Chapitres du Grand Orient de France en Limousin du XVIIIe au XXIe siècle, l’activité, depuis 1750, des foyers maçonniques (loges symboliques et chapitres Rose+Croix) affiliés au Grand Orient dans les départements de Creuse, Corrèze et Haute-Vienne.

Il est décédé le 28 novembre 2019.

19 Nov

Les auteurs dramatiques en Limousin (4): Eusèbe Bombal

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Eusèbe Bombal, né à Argentat en 1827 (mort en 1915), fut initié à la culture limousine par sa tante. Instituteur à Lafage-sur-Sombre (Corrèze), il fut secrétaire de la mairie de sa ville natale. Archéologue amateur, érudit, ce fut aussi un homme de lettres – en français et en occitan. Il  a écrit des drames, parmi lesquels on peut citer : Bernard Palissy, drame en 3 actes, écrit en collaboration avec un autre écrivain d’Argentat, Auguste Lestourgie, ou bien Lou Drac, « pessa fantastica en tres ates ».

 

Eusèbe Bombal et le théâtre par Joseph Nouaillac

 

[Avant d’être instituteur, le jeune Bombal avait été envoyé à Paris comme apprenti, pour apprendre le métier familial de réparateur de parapluies – NdA]. Ces après-midi si bien remplis étaient couronnés par des soirées de belles émotions. Les apprentis se payaient le poulailler dans quelque théâtre de faubourg. Ils virent tous les mélodrames célèbres du temps. « La Grâce de Dieu, la Tour de Nesle, nous contait Bombal, me procuraient des émotions intenses. J’en oubliais huit jours de misère! » Pouvait-il s’imaginer alors qu’un jour viendrait où l’on applaudirait ses mélos à lui, des mélos patois, non pas à la lueur des chandelles, mais au grand jour chaud et tamisé des théâtres de verdure ? Il est certain qu’il admirait, pleurait et riait pour le seul plaisir et que l’abracadabrant contenu dans les scénarios populaires ne l’avertissait en aucune façon de l’imprévu de sa propre destinée. [Bien plus tard, le voici membre d’un « Cénacle » à Argentat] Bombal était une plante délicate ; il lui fallait une serre chaude, ce fut le Cénacle. Le point de départ, c’est encore l’Institution Plaze autour de laquelle se groupèrent peu à peu ceux qui, par l’esprit et par les lettres, auraient eu le droit de s’appeler les véritables « gens de qualité » d’Argentat. Ils formèrent, sans arrière-pensée de réclame, sans le moindre désir de fonder une école ou une académie, presque sans y penser, l’on peut dire, une manière de Société sans statuts qu’ils se plurent à appeler un « cénacle ». A l’occasion des distributions de prix, on montait des pièces ; on jouait parfois du classique. (Dans Le Malade Imaginaire, Bombal, en Argan, donnait la réplique à Lestourgie, en Toinette très réussie). Mais le plus souvent, chaque partie de divertissement était tirée du cru, comme le drap des anciens texiers, comme le vin clairet des côtes : costumes, décors brossés par Charles Plaze, compositions dramatiques ou comiques de Lestourgie et de Bombal. La fête durait au-delà d’une après-midi d’été, car on continuait à jouer jusqu’à épuisement du succès, au profit des pauvres (…) Dans cette société qui fit d’Argentat, sous l’Empire, une ville bénie entre toutes les villes limousines, Bombal se « limousina » avec délices. Dès 1854, il écrivait, en collaboration avec Lestourgie, un drame en trois actes qui ne fut jamais publié. Deux ans après, ils donnèrent un Bernard Palissy, en trois actes aussi et en prose, qui fut imprimé dans L’Union Corrézienne et tiré à cinquante exemplaires. La pièce remaniée fut jouée à Saintes en 1864 au profit de l’érection d’une statue du célèbre émailleur. Bombal était principalement le conteur de la bande (…) Nous ayons déjà dit qu’il avait borné sa vie au cercle des collines natales. Je ne crois pas qu’il ait jamais eu l’obsession des grands modèles, ni même la pensée d’attirer sur lui les regards des demi-dieux de la haute littérature. Ne lui demandons que ce qu’il nous a donné, d’agréables esquisses de mœurs locales, des scènes bien observées, décrites avec une fine et malicieuse bonhomie, une verve saine et populaire (…) Il ne se lança pas dans les « grandes machines », les reconstitutions historiques, les drames avec grands personnages. Il borne son ambition à composer les pessotas en un ou deux actes, avec cinq ou six rôles, faciles à monter par une petite troupe d’amateurs. (Le Drac fait exception avec ses groupes de gabariers, de marchands, de bourgeois, de chabretaires, de garçons et de filles). Ce n’est ni drame ni comédie : ce sont des tableaux de vie familière, des scènes de genre, simples, gaies, saines. Tout y est purement limousin, campagnard ou de bourgade ayant gardé l’empreinte de la vie rurale. La plus haute classe représentée est celle des mieg-bourgeis du vieil Argentat, hôteliers ou marchands. Les saints eux-mêmes déposent leur auréole. Saint Eloi porte le tablier de cuir et tire la bimbarda de la forge, à l’enseigne du Mestre sur toutz Ions mestres et Saint Pierre qui vient lui donner une leçon d’humilité prend la figure de l’apprenti forgeron Pierota. Le fantastique lui-même est bon enfant : c’est l’écho d’une veillée joyeuse ou le déroulement d’une force. Le Drac est très limousin ; il est plein de malice et non de méchanceté. Il joue de mauvais tours et parfois de bons, puisqu’il assiste dans ses amours son ami Jaquet, le valet d’écurie, contre le vieux, riche et laid Bartoula qui prétend à la main de la Catis.

Dans ces théâtres rustiques, un écueil se dresse très souvent : la tentation de sertir sur un front quelconque les légendes, les chansons et les danses les plus caractéristiques du pays ; toute la province y passe et repasse, et cela ne coûte à l’auteur qu’une liaison insignifiante. Bombal l’a fait une fois, non sans habileté, parce qu’on le lui demandait pour le public parisien ; mais il avait trop de finesse et de conscience pour continuer ce jeu facile. Il a donc évité les rengaines. Il a traité des sujets amusants et vivants par eux-mêmes, et ses personnages ne passent pas les trois quarts de leur temps à danser des bourrées ou à conter des histoires de revenants. La belle humeur et le bon sens circulent à travers cet aimable théâtre. Bombal qui observait la vie de chaque jour dans des milieux honnêtes n’a peint ni en noir ni en rose. Ses paysans ne ressemblent ni à ceux des naturalistes ni à ceux des poètes de bergeries. Ils sont de bonne et saine race, et s’il faut absolument les comparer à d’autres, ils font songer à ceux de la bonne dame de Nohant[1].

 

Lemouzi, organe mensuel de l’Ecole limousine félibréenne, n° 203, novembre 1917.

[1] George Sand.

11 Nov

Limoges et le Limousin, terre d’auteurs dramatiques (3)

Jules Sandeau – l’un des premiers compagnons de George Sand à qui elle emprunta la moitié du nom –, natif d’Aubusson (1811-1883), écrivain, académicien, conservateur de la Bibliothèque Mazarine, écrivit quelques pièces en collaboration avec Emile Augier, poète et dramaturge. A la Comédie Française, l’adaptation théâtrale de son roman Mademoiselle de la Seiglière – comédie en 4 actes et en prose – fut créée le 4 novembre 1851 et jouée assez longtemps. Elle fut aussi présentée en 1851 au Théâtre de La Monnaie à Bruxelles. En 1920, André Antoine l’adapta joliment au cinéma, avec les acteurs  Léon Malavier, Romuald Joubé, Huguette Duflos, Catherine Fonteney, Maurice Escande, Charles Lamy, Félix Huguenet, Charles Granval, Saturnin Fabre[1]. Au début de la Révolution, le marquis de la Seiglière émigre. Quand, de longues années après, devenu veuf, il rentre en France avec sa fille, son château et ses terres sont devenus la propriété d’un de ses anciens fermiers, Stamply. Celui-ci, veuf également, vit seul, mélancolique, au château de la Seiglière. Son fils unique, Bernard, officier dans les armées de l’Empereur, est tombé, croit-on, à la Moskova… L’action se passe dans la région d’Aubusson.

En 1847 est publié à l’Imprimerie de Pradier fils (Limoges) Lion et ouvrier : drame en deux actes et en vers, une pièce anonyme en alexandrin, drame de l’amour impossible entre Marcel Levy ouvrier menuisier poète et Isadora fille d’un capitaine. C’est un peu Romeo et Juliette (avec le suicide des deux amants) transposé dans le Paris ouvrier du XIXe siècle des indignations sociales. Trois ans plus tard, dans un autre registre, Antoine Laubie (1810-1865) publie à l’Imprimerie de Chapoulaud frères (Limoges) Marie Stuart à l’école, drame historique, « drame historique en trois actes mêlé de couplets et spécialement destiné au pensionnat de jeunes demoiselles pour les exercices publics d’une distribution des prix »[2] .

Le 18 février 1817 est représentée pour la première fois, au théâtre du Vaudeville à Paris, la pièce en un acte de MM. Scribe et Delestre-Poirson, Le Nouveau Pourceaugnac (éditée aussi sous le titre Encore un Pourceaugnac). La scène se passe dans une petite ville voisine de la capitale, dans laquelle est caserné le régiment de M. de Verneuil. Charles-Gaspard Delestre-Poirson fut directeur du Gymnase dramatique, de 1820 à 1844. Il est l’auteur d’un grand nombre de comédies, écrites seul ou en collaboration avec Eugène Scribe, Mélesville, Nicolas Brazier et beaucoup d’autres. On lui doit également, à nouveau avec Scribe, le livret de l’opéra de Rossini, Le Comte Ory, ainsi qu’un roman, Un Ladre, récit d’un vieux professeur émérite. Dans ce Nouveau Pourceaugnac, l’un des personnages est Ernest de Roufignac, jeune officier de cavalerie, « prétendu[1] de Limoges » de la jeune Nina, que ses rivaux hussards veulent écarter et moquent en constatant que son nom rime avec Pourceaugnac. Ailleurs, on rit de « cet imbécile qui arrive de Limoges » ou de ce jeune homme dont « il est impossible qu’il ait du mérite parce qu’il est de Limoges ». Quand on lui propose de jouer le rôle de Pourceaugnac, il observe : « Allons, le sort en est jeté, et je vois que c’est à moi de soutenir l’honneur des habitants de Limoges. » Il saura bien circonvenir les moqueurs, affirmant à la fin : « Ah ! nous avons aussi à Limoges quelques plaisanteries originales pour les jours gras. »

En 1812 parait à l’imprimerie de Dondey-Dupré (Paris) Anecdote trouvée dans le porte-feuille d’Innocent Poulot, « court roman qui se veut une suite de la comédie de Molière Monsieur de Pourceaugnac : Innocent Poulot serait un petit-fils de Pourceaugnac, décrit comme d’origine limousine par Molière. L’auteur raconte les aventures rocambolesques d’un jeune homme maladroit et naif, qui se clonclut par le retour de cet aïeul de Pourceaugnac à Limoges pour célébrer son mariage. »[2] Camille Jouhanneaud l’attribue à un certain Dorvigny et en fait la présentation dans Le Bibliophile limousin : « Avant de mettre en scène son Innocent Poulot, Dorvigny nous avait fait assister au retour de Paris à Limoges de son aïeul, du vrai, du grand Pourceaugnac, à son mariage dans notre bonne ville et aux dernières péripéties de son existence et c’était là sans nul doute la partie de l’ouvrage qui pouvait le mieux exciter notre curiosité. On y voit le héros, à son retour, mystifié dans sa ville natale comme il l’avait été dans la capitale, berné par ses concitoyens, par ses amis et même par sa fiancée, Mlle de Persiflac, fille d’un subdélégué des finances, qui finit toutefois par l’épouser, en considération de sa fortune. Puis le bonhomme vieilli, devenu de plus en plus le jouet de sa femme et de son entourage, se retire à la campagne et meurt d’une façon grotesque, en pêchant à la ligne, après avoir, en haine des Parisiens et des citadins en général, marié son fils à une paysanne qui fut la mère d’Innocent Poulot. En somme ce Pourceaugnac à son déclin n’est qu’un pastiche très faible, fort pâle de celui que tout le monde connaît. On chercherait ainsi vainement dans l’œuvre de Dorvigny une note d’intérêt local ; s’il place à Limoges la dynastie des Pourceaugnac ainsi que leurs faits et gestes, c’est que l’ancêtre en était déjà mais il parle de la ville et de ses habitants comme il le ferait de toute autre localité. Dans sa narration, il y a pénurie complète de couleur locale on n’y rencontre aucune péripétie, aucun trait caractéristique, pas le moindre détail piquant »[3]

En 1922, Léon-Georges Delhoume est l’auteur de La Vengeance de M. de Pourceaugnac : Comédie en un acte, éditée par l’Imprimerie Guillemot et de Lamothe (Limoges). Rentré dans ses terres limousines, Monsieur de Pourceaugnac, sauve d’un mariage arrangé les deux jeunes amants. Une suite revisitée à la pièce de Molière qui dépeignait un idiot et rustre limousin[4]. En 1883, René Fage (1848-1929), dans un ouvrage paru chez Ducourtieux[5], avait tenté de trouver les raisons biographiques réelles et supposées de ce mépris de Molière qui nuisit à la réputation des Limousins. Il y revenait sur la tradition locale – reprise par divers auteurs dont Jules Clarétie, qui brodèrent largement – qui affirmait que Poquelin aurait souffert du mauvais accueil des Limougeauds à l’époque de ses pérégrinations à travers le royaume. Remarquant qu’aucun document n’attestait du passage de Molière à Limoges, il notait toutefois que la tradition de sa venue et de son logement dans une auberge de la place Sainte-Félicité, tout près du pont Saint-Martial à Limoges, n’était peut-être pas à rejeter, puisque la ville était un carrefour routier d’importance. René Fage écrivait que c’est dans la pièce même qu’il fallait chercher les indices du séjour. Ainsi le dramaturge y cite-t-il Petit-Jean, un fameux restaurateur de la Cité qui exista vraiment. De même évoque-t-il le cimetière et la promenade des Arènes et fait-il allusion à un chanoine de Saint-Etienne. Fage se risque à une datation du possible passage de Molière entre fin 1648 et début 1649. Selon lui, en écrivant Monsieur de Pourceaugnac sur l’ordre du roi, l’auteur fait œuvre de courtisan et, plutôt que des Limousins, se moque surtout du gentilhomme de province, de ceux qui frondaient durant la jeunesse royale. Indiquons également qu’en 1912, l’érudit René Fage a montré dans un autre opuscule[6] qu’Etienne Baluze, le bibliothécaire tulliste de Colbert, juriste très bon connaisseur du droit canonique, rédigea en 1668 un mémoire visant à exonérer Tartuffe des foudres ecclésiastiques aux yeux de Louis XIV qui finit par en autoriser les représentations. Ce serait donc un Limousin qui aurait contribué à sauver la pièce.

[1] Prétendant.

[2] http://www.bn-limousin.fr/items/show/3356#

[3] Le Bibliophile limousin, Ducourtieux et Goût (Limoges), 1905, p. 6.

[4] http://www.bn-limousin.fr/items/show/3111#

[5] http://www.bn-limousin.fr/items/show/3110#

[6] http://www.bn-limousin.fr/items/show/3109#

[1] https://www.avoir-alire.com/mademoiselle-de-la-seigliere-la-critique

[2] http://www.bn-limousin.fr/items/show/3117#

03 Nov

Limoges et le Limousin, terre d’auteurs dramatiques (2)

Originaire du Grand-Bourg en Creuse, fils unique d’un baron capitaine de mousquetaires, Augustin de Piis (1755-1832) – ci-dessus – écrivit des comédies mêlant parodies et couplets à la mode, jouées au théâtre des Italiens et au théâtre du Vaudeville sous Louis XVI. Haut fonctionnaire, secrétaire et interprète de Charles X, il fut secrétaire général de la préfecture de police de Paris sous Napoléon. Parmi ses nombreuses pièces, Les Limousins (1791) appartient à une série sur les habitants de différentes provinces françaises. Par ailleurs, sa chanson La Liberté des nègres (1794) a fait date[1]. Une partie de son œuvre est lisible sur le site Gallica.

Si Antoine Rochon de La Valette (17..?-1758?), d’origine creusoise, écrivit composa essentiellement des opéras comiques[2], son frère Marc-Antoine Rochon de Chabannes (1730-1800) fut l’auteur de plusieurs comédies[3] dont L’Amour français, jouée en 1779 à la Comédie Française et Heureusement (1762), qui inspira à Beaumarchais la scène du chérubin dans Le Mariage de Figaro.

Claude-Louis-Marie de Rochefort-Luçay, est plus connu sous le nom d’Edmond Rochefort (Évaux-les-Bains, 1790 – Paris, où il mourut dans la misère en avril 1871), et fut écrivain, dramaturge vaudevilliste et auteur de chansons françaises. La pièce où il eut le plus de succès est Jocko, créée au théâtre de la Porte Saint Martin à Paris le 16 mars 1825, mais il écrivit une cinquantaine de vaudevilles et de mélodrames. Celle-là inspira même à Balzac le personnage du Brésilien qui surgit à la fin de La Cousine Bette[4]. Il est l’auteur de Mémoires d’un vaudevilliste, dans lequel il raconte ses péripéties à La Réunion et les relations littéraires qu’il eut avec quelques auteurs de son temps. C’est le père du journaliste et polémiste Henri Rochefort.

Ecrivant à propos du théâtre en Limousin, on ne saurait ignorer George Sand, née à Paris en 1804, qui certes s’installa à Nohant dans l’Indre, mais qui connaissait intimement la Creuse, si proche, et fréquentait assidument Pierre Leroux, à Boussac. Leisha Ashdown-Lecointre a consacré un intéressant article à propos de « George Sand et le Théâtre de Nohant », où elle écrit notamment : « Tout au long de sa vie, George Sand s’intéresse au théâtre sous toutes ses formes et en particulier à ses formes marginales, notamment le théâtre improvisé et le théâtre des marionnettes. Pour elle, le théâtre signifie un lieu d’apprentissage du jeu de l’acteur et une plate-forme pédagogique ; il forme et instruit l’acteur comme le spectateur. L’aspect privé voire intime du théâtre joué au sein de sa famille à Nohant s’oppose à l’aspect publique de ses pièces jouées dans les théâtres parisiens pendant une trentaine d’années. A Nohant les notions de la commedia dell’arte, le théâtre italien, connaissent leur plein essor. Selon Linowitz Wentz, écrivant en 1978, « (l)e théâtre de Nohant évolua rapidement d’un amusement de famille à une réponse aux questions esthétiques, philosophiques et psychologiques que s’est posées George Sand pendant toute sa vie»[5]. La dame de Nohant écrivit une trentaine de pièces de théâtre. Un thème largement abordé par l’association des Amis de George Sand dont on consultera le bulletin et le site avec profit[6].

[1] https://revolution-francaise.net/2010/09/01/395-la-liberte-des-negres-par-le-citoyen-piis

[2] https://data.bnf.fr/fr/13006408/rochon_de_la_vallette/

[3] https://data.bnf.fr/fr/12006130/marc-antoine-jacques_rochon_de_chabannes/

[4] N. Billot, Creuse, Christine Bonneton, 2007,  p. 204.

[5] Leisha Ashdown-Lecointre. « George Sand et le Théâtre de Nohant », 2012,  ffhalshs-00697830f

[6] https://www.amisdegeorgesand.info/

25 Oct

Limoges et le Limousin, terre d’auteurs dramatiques (1)

Description de cette image, également commentée ci-après

Tristan L’Hermite en 1648, portrait gravé par Pierre Daret pour l’édition originale des Vers héroïques

Le Limousin est une terre d’écrivains et de poètes depuis toujours – j’ai contribué à le montrer dans d’autres ouvrages. C’est aussi un pays d’auteurs dramatiques nombreux, d’importance variable, parmi lesquels des figures notables. J’ai essayé ici de rassembler nombre d’entre elles. En 1999, Richard Madjarev, conseiller pour le théâtre à la D.R.A.C. du Limousin, observait avec raison : « plus que le nombre de compagnies existantes dans une région aussi peu peuplée, la singularité de cette région, sa richesse, son dynamisme viennent du fait que les principales compagnies ont à leur tête des auteurs-metteurs en scène. » Il parlait pour son époque, mais c’est une remarque pertinente que l’on peut étendre à d’autres. Ce que je propose ici n’est pas une analyse critique, plutôt une recension la plus complète possible, pour donner envie de partir à la découverte de ces auteurs et – qui sait ? – de les mettre en scène ?

François dit Tristan l’Hermite (1601-1655), né au château de Soliers en Marche, gentilhomme du Duc d’Orléans, académicien (1649), poète, auteur d’ouvrages en prose, fut réputé pour ses pièces ; on le considère comme le précurseur de Racine. Sa vie débuta tragiquement puisqu’il se battit en duel à l’âge de treize ans avec un garde du corps qu’il blessa mortellement et fut contraint à l’exil en Angleterre. Il rejoignit par la suite la cour du roi et demeura attaché à Monsieur – Gaston d’Orléans –, frère du souverain pendant une vingtaine d’années. Sa Marianne (1636), soutenue par Scarron et le comédien Mondory, jouée au Marais, connut un succès comparable à celui du Cid. Ses contemporains le considéraient d’ailleurs comme un rival de Corneille. C’est le rôle d’Epicharis dans sa Mort de Sénèque qui valut à Madeleine Béjart sa réputation de très grande comédienne. Selon Nicole Billot, « Le théâtre lui permet d’exprimer son respect des règles classiques naissantes, et les représentations des sentiments obéissent aux préceptes aristotéliciens. La lutte entre la passion et une forme de stoïcisme se retrouve dans les adieux du philosophe Sénèque à son épouse Pauline »[1].

Le frère cadet de Tristan, Jean-Baptiste (1610-1688) épousa une comédienne, cousine de Madeleine Béjart. Il écrivit une tragédie, La Chute de Phaëton et fréquenta les acteurs du Marais. Il joua aux côtés de Molière lors des tournées de l’Illustre Théâtre, mais finit par délaisser l’écriture et le théâtre pour devenir généalogiste.

Signalons que la revue des Amis de Tristan L’Hermite fondée en 1979, les Cahiers Tristan L’Hermite a pour vocation d’éclairer l’œuvre de cet auteur et plus largement la culture du premier XVIIème siècle.

[1] Creuse, Christine Bonneton, 2007, p. 202.

Description de l'image François Hédelin.jpg.

François Hédelin

François Hédelin, plus connu sous le nom d’abbé d’Aubignac, petit-fils d’Ambroise Paré né à Paris en 1604, fut un Limousin d’adoption, puisqu’il fut un temps pourvu de l’abbaye de Meymac. Il écrivit quelques romans et tragédies (La Pucelle d’Orléans, Zénobie, Sainte Catherine, Erixène, Palène, Térence justifié), mais il est surtout connu pour avoir élaboré la règle des trois unités (unité de temps, unité de lieu, unité d’action) pour le théâtre classique. Il attaqua par ailleurs les tragédies de Pierre Corneille, et se querella avec l’historien et grammairien Ménage. De part et d’autre, on publia des épigrammes et des brochures, comme c’était la mode à l’époque.

L’Ancien Régime vit aussi fleurir quelques auteurs de langue limousine : Mathieu Morel, médecin à Limoges, composa de nombreuses pièces et mourut en 1704 ; à Tulle, vers 1780, l’abbé Sage écrit Las Ursulinas, dialogue où il rapporte les commérages du couvent !

Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux - Versailles MV 2985.jpg

En 1706 (ou 1709 ?) est jouée par une compagnie amateur à Limoges la comédie en un acte et en vers Le père prudent et équitable ou Crispin l’heureux fourbe, sans mention de son auteur. Elle est imprimée à Limoges de manière anonyme (M***) puis à Paris en 1712 avec le nom du dramaturge : Marivaux – dont le père Nicolas Carlet, appartenant à la noblesse de robe, s’était installé en Limousin. Le jeune homme, d’abord élève chez les Oratoriens, latiniste émérite, fréquentait les salons littéraires de la bonne ville où il affirmait que Molière était dépassé. Il releva même un défi[1] : écrire une pièce en une semaine, qu’il ne renia jamais. Résumons la pièce : Crispin, valet de Cléandre, essaie d’éconduire divers prétendants à la main de la jeune Philine pour la conserver à Cléandre qu’elle aime. Ceux-ci sont au nombre de trois : Ariste, un propriétaire campagnard, un chevalier riche de son épée, et un financier. À l’un, Crispin présente, comme étant la demoiselle à marier, Toinette, sa femme de chambre, qui le scandalise par la hardiesse de ses propos. Puis il se présente lui-même à la jeune fille comme étant le propriétaire campagnard ; il la trouve trop parée et l’avertit que lorsqu’elle sera sa femme, il lui faudra prendre des sabots et des habits de ménage. Au financier, Crispin confie, sous le sceau du secret, que le père et la fille sont épileptiques. Il se déguise ensuite en femme et prétend être la femme légitime du chevalier, qui n’a pas le droit, dès lors, d’aspirer à la main de la jeune fille. Mais il est surpris et forcé d’avouer ses fourberies. Il n’en triomphe pas moins, car l’amoureux a gagné un procès qui le rend plus riche que ses rivaux, et Démocrite, le père prudent et équitable, n’hésite plus à lui donner sa fille. Pierre de Marivaux, âgé de dix-huit ans, dédie son œuvre à M. Rogier, seigneur du Buisson, conseiller du roi, lieutenant général civil et de police en la sénéchaussée et siège présidial de Limoges ; anonyme, il écrit : « le hasard m’ayant fait tomber entre les mains cette pièce comique, je prends la liberté de vous la présenter, dans l’espérance qu’elle pourra, pour quelques moments, vous délasser des grands soins qui vous occupent et qui font l’avantage du public (…) ».

 

[1] Selon l’imprimeur limougeaud de la pièce.

 

18 Oct

1973:Sauver le quartier de la Boucherie à Limoges

En août 1969, dans Le Populaire du Centre, un article (signé par Chris Dussuchaud ?) évoque la diminution du nombre de boucheries dans la rue de cinquante au début du siècle à quatre. « Certes, à côté de ces quatre boutiques, il reste de nombreux ateliers, dépôts et laboratoires qui fournissent les tripiers et les charcutiers, notamment ceux des Halles Centrales toutes voisines. Mais les « anciens » vous confieront – l’air un peu dépité – que cela n’a rien de commun avec ce qu’ils ont connu jadis. Après la totale disparition des boucheries qui faisaient jusqu’alors l’intérêt historique de la rue, peu à peu, ces authentiques vestiges du passé se sont transformés et adaptés, disons-le, à des nécessités exigées par les temps modernes (…) Le vieux Limoges disparaît donc sans que personne s’en rende compte ou ne s’en préoccupe. Et puis la rue a vu ses pavés laminés recouverts d’asphalte, ce qui a précipité sa perte d’intérêt. Une politique en faveur du tourisme devrait permettre d’offrir au touriste (souvent blasé) « quelques beaux restes », sinon on risque tout simplement l’échec. C’est regrettable, car la capitale des Arts du Feu possède, comme beaucoup de villes d’importance et d’ancienneté égales, un patrimoine de richesses qui mérite d’être mis en valeur et non enterré. »

La volonté modernisatrice de Louis Longequeue passe parfois par la destruction de bâtiments anciens qui auraient mérité conservation et mise en valeur[1]. Lorsqu’il a l’idée surprenante de détruire le quartier séculaire de la Boucherie, début 1973, pour y construire des immeubles modernes, des Limougeauds (prévenus par l’adjoint Gilbert Font), emmenés par Jean Levet – fonctionnaire aux Impôts, très attaché à sa ville depuis son enfance dans le quartier du Chinchauvaud, auteur de nombreux travaux historiques – créent l’association Renaissance du Vieux Limoges pour résister. Avec le groupe traditionnel L’Eicolo dau Barbichet et d’autres partenaires, ils décident de ressusciter, le 19 octobre, la fête traditionnelle des Petits Ventres, qui voyait chaque année les dames bouchères recommencer à fabriquer des produits tripiers après une interruption de deux mois due aux chaleurs estivales. Dans le même temps, des adhérents restaurent de vieilles façades pour montrer à quoi pourrait ressembler le quartier remis en valeur – le 43 et le 45, appartenant à Mme Mausset. Le maire abandonne son projet : le quartier est sauvé, restauré et devient l’un des lieux touristiques principaux de Limoges, tout comme la Frairie des Petits Ventres un rendez-vous essentiel de l’automne, où l’on vient manger et trinquer dans la bonne humeur. Le succès de la sauvegarde du quartier de la Boucherie (avec l’ouverture d’une maison traditionnelle de la boucherie qui se visite), entraîna d’autres quartiers anciens à se préoccuper de la conservation de leur patrimoine. Renaissance du Vieux Limoges les aida de son expérience. Ainsi furent sauvés de la pioche des démolisseurs, dans le quartier de l’Abbessaille, les maisons de la Règle, dans la partie de la ville appelée la Cité.

Le 7 novembre 1973, le bureau de la confrérie note : « Autre bilan positif : la Frairie des petits ventres qui a connu un succès aussi exceptionnel qu’inattendu. » Le 15 avril 1982, Jean Levet est admis comme membre de la confrérie ; plus tard, ce sera son fils Jean-Pierre, universitaire. En octobre 1983, il est question du « Musée de la Boucherie » qui entre maintenant dans sa phase effective. Les travaux de réfection vont se poursuivre rapidement et il devrait être inauguré dans le courant de 1984. » Mais en mars 1985, on lit dans le registre : « [le musée] doit être installé dans l’immeuble dit des « Petits Frères » au 36 rue de la Boucherie. Cette maison ayant été achetée et rénovée par la municipalité, attend pour être ouverte au public, tout l’ensemble des objets et matériels qui faisaient autrefois partie des boucheries : billots, outils, soufflets, bassines, etc. Il est prévu un aménagement des pièces et des écuries. On peut déplorer que tout ça traine beaucoup. » En mars 1989 : « cela n’avance pas vite ! » Enfin, le compte-rendu de la réunion du bureau du 12 décembre 1989 indique : « Diverses dispositions sont prises pour l’inauguration, oh combien tardive !, de la Maison de la Boucherie. La mairie de Limoges, le syndicat parisien de la Boucherie, Renaissance du Vieux Limoges, et bien évidemment la confrérie de Saint-Aurélien participeront à cette inauguration et à toutes les réalisations qu’elle comporte (…) Les manifestations dureront 2 jours (…) Il se trouve que cette inauguration coïncide avec le Bimillénaire de la ville de Limoges et le 1060ème anniversaire de la création de la corporation des bouchers de Limoges. Il va sans dire que le plus grand nombre des membres de la confrérie aura à cœur d’y participer. » M. Marich, secrétaire général de la Confédération Nationale de la Boucherie Française assiste à cette journée durant laquelle, entre autres animations, est reconstitué un étal traditionnel de triperie, et inaugurée la place de l’Andeix.

En février 1985, la presse a annoncé : « la rue de la Boucherie ne mérite plus son nom », « Limoges : plus un seul boucher rue de la Boucherie ». En effet, au n° 6, la boucherie « Au Mouton Couronné » a fermé ses portes, remplacée par une librairie, « Les Yeux dans les Poches ». Demeurent alors deux tripiers (Plainemaison et Tramont) et deux salaisonniers (Roger Eustache et « La Limousine »). Joseph Parot, propriétaire, déclarait : « Je suis né dans cette maison. Elle a été achetée en 1899 par mon grand-père Malinvaud à un autre boucher, un Pouret. Mon père lui a succédé, puis moi-même en 1942. » Il cessa ses activités en 1981. Le successeur, Jean Mazeau, baissa son rideau de fer quatre ans plus tard. Le nom du commerce provenait d’un concours organisé pour les animaux gras le 3 février 1861 (au moment du carnaval), dont le mouton de François Malinvaud dit Chagrin, avait obtenu le premier prix.

En février 2006, une délégation de la Confrérie assiste aux obsèques de Jean Levet.

 

[1] L. Bourdelas, Histoire de Limoges, Geste Editions, 2014.

12 Oct

La céramique Lecomte-Chaulet à Limoges

A gauche: Edouard Lecomte-Chaulet (avec, à droite, ma grand-mère et ma mère)

J’aime bien me promener place des Bancs, au cœur de Limoges, je m’y sens comme au cœur d’un village, avec le marché et les boutiques, le souvenir, aussi, des Caves du Centre que tinrent mes grands-parents maternels – magasin de vin devenu boulangerie d’un Breton qui connaît les secrets du kouign aman –, et de l’ancien Café des Girondins jadis propriété de M. Lazare, avocat n’ayant jamais plaidé. Il y a aussi la fromagerie alléchante de Marion Lachaise, l’une de mes anciennes élèves.

Mais, ces derniers temps, je suis un peu chagriné de voir que la magnifique céramique « Lecomte-Chaulet », située au n° 19, sur le trottoir de l’enseigne indépendante de vêtements Manhattan (installée là depuis 27 ans), se détériore plus ou moins. C’est imperceptible, mais pourrait devenir irrémédiable. Ce serait dommage, car ce nom est porteur d’une véritable mémoire limougeaude.

D’abord parce que, m’a appris Paul Colmar, l’origine des tissus Chaulet remonte au moins à 1903, puisque l’almanach-annuaire Ducourtieux signale ce commerce dans son édition de 1904. J. Chaulet  succède à Mme veuve H. Taillefer, marchande de tissus. La boutique n’occupait alors que le rez-de-chaussée du 19 place des Bancs, elle s’agrandit par la suite avec l’annexion de locaux voisins.

Et sous l’Occupation, le mouvement de résistance Franc-Tireur s’est organisé sous la direction d’Edgar-Eugène Lecomte-Chaulet, marchand de tissus en ces lieux, avec l’aide de son fils Robert-Jean. Parmi les membres du réseau, Arsène Bonneaud, professeur à l’Ecole de médecine de Limoges révoqué par Vichy (mort en déportation à Buchenwald), secondé par Maurice Rougerie, instituteur – père de René, lui-même résistant et futur célèbre éditeur de poésie. Pierre Lavaurs, entrepreneur, gérait la réception du journal Franc-Tireur (2 000 exemplaires distribués en 1943) – ses fils Robert et Georges le rejoignirent dans la Résistance.

Pendant la guerre, mon grand-père Marcel Vinoy, en liaison avec Lecomte-Chaulet, imprimait des faux papiers dans les caves de la place, avec lesquelles son magasin de vin communiquait… Il lui arrivait même de tirer à la mitraillette sur les rats, ce qui ne s’entendait pas à la surface mais perça un jour une canalisation d’eau. Il fut même une fois effrayé par l’arrivée de la gestapo, s’enfuit par les toits, mais l’Occupant voulait… acheter du vin !

Ce n’est pas si fréquent, à Limoges, de telles céramiques colorées sur le trottoir, qu’on finirait presque par ne plus voir tellement on y habitué depuis l’enfance. Et pourtant, si flâner à travers une ville, c’est lever les yeux, il faut parfois savoir aussi les baisser. Et puis la céramique du trottoir se prolonge jusqu’à l’entrée de la boutique, dotée d’une superbe façade et d’une magnifique voûte. Continuer à préserver l’ensemble, c’est donc maintenir à la fois des souvenirs essentiels et l’un des bijoux architecturaux qui donnent tout son charme à notre ville.

(Article paru dans Le Populaire du Centre)

04 Oct

Histoire de La Jonchère et de son arboretum (suite et fin)

(c) L. Bourdelas

L’arboretum de l’Office National des Forêts

Les années s’écoulant, la croissance remarquable de certains arbres fit courir le risque d’une exploitation désordonnée alors que la pépinière commençait à être considérée comme une très belle collection. Une société constituée de dendrologues et de pépiniéristes fut constituée pour préserver ce site. Ces nouveaux propriétaires n’y firent aucuns travaux mais eurent le grand mérite de le conserver en l’état[1].

C’est le 5 janvier 1938 que l’ENEF (Ecole Nationale des Eaux et Forêts, créée en 1824) acheta le domaine. Dès 1907, dans la Revue des Eaux et Forêts, A. Mélard avait écrit qu’il serait bon d’avoir un centre d’étude des végétaux ligneux « dans le climat doux et humide du Sud-Ouest »[2].

La gestion en incomba jusqu’en 1964 à la station de recherches forestières de l’ENEF sous la conduite des ingénieurs généraux Rol puis Pourtet. Dès cette date, la détermination des espèces, l’établissement de plans et de fichiers sont entrepris. Une centaine de sujets remarquables par leur croissance est numérotée en 1942 puis régulièrement mesurée. Un volume de 1000 m³ de bois correspondant à des arbres dépérissant, renversés par le vent ou abondamment représentés, est extrait. L’espace libéré permet la plantation de bouquets de 50 à 500 sujets d’espèces de reboisement, entre 1941 et 1958. Pour la plupart d’entre elles, ces plantations existent encore aujourd’hui : elles occupent le vallon et le versant est ; ce sont des cryptomerias, épicéa de Sitka, copalme, sapin de Vancouver… On procéda également au curage de l’étang, initialement créé à des fins piscicoles et à la réfection de la digue, à la restauration du réseau d’irrigation de la pépinière, au reprofilage des allées. On réalisa également des murs en pierres sèches. Tout ce travail fut facilité par la présence d’un ouvrier de l’arboretum d’Amance en Lorraine replié à La Jonchère pendant la guerre. La surveillance du domaine était assurée alors par le Garde de l’Administration des Eaux et Forêts domicilié à La Jonchère.

Ce n’est qu’à partir de 1938 que l’on put parler véritablement d’arboretum qui reçut le nom d’Henri Gérardin.

En 1963, la station de recherches forestières sélectionna une vingtaine d’arbres remarquables par leur vigueur et leur forme, deux sapins de Céphalonie, treize sapins de Vancouver, quatre sapins de Nordmann, trois douglas verts, pour y prélever des greffons nécessaires à l’établissement de vergers à graines. Les sapins de Vancouver, tsugas hétérophylles, faux cyprès de Lawson…, produisaient de grandes quantités de cônes que les grimpeurs recueillaient au sommet des arbres et des milliers de semis repiqués sur place (80 000 semis récoltés en 1947). La plaquette de présentation de l’O.N.F. indique que « le bruit court » que pour éloigner les écureuils voraces, « il fallut recourir aux armes à feu afin d’effrayer et maintenir à distance les prédateurs. » L’intérêt de l’arboretum pour la récolte de graines déclina dans les années 1970. A partir de 1967, c’est l’Ecole Nationale de Génie Rural des Eaux et Forêts qui devint propriétaire du lieu et sa gestion fut confiée au Service Régional de la Forêt et du Bois. La surface passe à 11 hectares et des visites sont organisées à destination des enfants et des groupes. Si les habitants des alentours peuvent s’y promener, l’arboretum reste fermé au grand public.

Un témoignage publié par Catherine Bariat dans Racontez-moi La Jonchère indique : « Ma maman avait travaillé aux pépinières. Elle plantait des petits sapins, semait, sarclait, enlevait l’herbe. Là-bas, trois ou quatre personnes travaillaient en tant que saisonniers. » Mais il n’y a pas mention de date.

En 1982 l’arboretum est touché par la tempête : « Le vent s’est engouffré à l’intérieur et l’a dévasté. Certaines espèces ont complètement disparu. »[3]

En 1988, « l’arboretum de La Jonchère Saint Maurice » est inséré dans la forêt domaniale des Monts d’Ambazac et sa gestion en incombe à l’Office National des Forêts. Il est ouvert au public à partir de 1990. L’année suivante, des plantations d’arbres et d’arbustes – identifiés et étiquetés – enrichissent la collection, conçue par l’O.N.F. comme « un herbier vivant ». En dehors de son aspect pédagogique et de son intérêt touristique, l’arboretum est alors envisagé comme important pour une recherche scientifique évolutive.

Le 27 décembre 1999, lors de la tempête qui frappe la France, des vents de près de 140 km /h y commettent d’irréparables dégâts. En 2000, le ministre de l’agriculture et de la forêt, Jean Glavany, constate de visu les dégâts de la tempête sur l’Arboretum et présente les mesures gouvernementales aux instances forestières limousines, à la salle des fêtes de La Jonchère ; la fondation L’Oréal et d’autres mécènes permettent sa réhabilitation et la plantation de nouvelles espèces.

Début 2015, L’arboretum était fermé au public, des travaux étant engagés afin de garantir la sécurité des visiteurs et une trentaine d’arbres géants repérés par l’O.N.F. étant abattus. « Agés de 70 à 80 ans, ils étaient en fin de vie assurait Claire Godet, responsable de l’unité territoriale ouest Limousin, ils montraient des signes de dépérissement notamment à cause de la canicule qui a touché des tsugas hétérophiles, des sapins de Vancouver, des mélèzes et deux cèdres de l’Atlas. La question de leur abattage se posait pour que le public soit accueilli en toute sécurité (…) Après la tempête, des arbustes et des feuillus ont été introduits, de même qu’un arbre à mouchoirs. L’objectif est de voir comment ces essences vont se développer dans ce lieu qui reste un laboratoire ». Les travaux d’abattage ont été spectaculaires compte tenu de la hauteur et de la circonférence des arbres, comme le souligne Philippe de la Guéronnière qui s’est chargé des opérations. « Les cèdres mesuraient 35 m pour un diamètre au pied de 1,30 m et un volume de 15 m3. Les arbres ont été ébranchés jusqu’en haut, les branches descendues avec une corde pour éviter toute chute sur les élagueurs puis ils ont été étêtés. Nous devions aussi ne pas endommager les arbres et arbustes à proximité lors de leur chute »[4].

En 2016, l’O.N.F. a souligné un autre intérêt de l’arboretum : « Aujourd’hui, notre air est pollué, nos sols se sont modifiés, les événements climatiques extrêmes sont de plus en plus fréquents. Il y a 132 ans, quand furent amenés les 1ers sujets, personne n’évoquait ces grands dérèglements. C’est aussi pour toutes ces nouvelles raisons que nous devons redonner à l’arboretum sa véritable vocation scientifique et pérenniser la mémoire des fondateurs en enrichissant les collections. L’observation  du  comportement des sujets les plus anciens  et  des  nouveaux nous  guidera  dans  nos choix  pour  constituer  les éléments  des  forêts  de demain. »[5]

(c) L. Bourdelas

 

La pépinière départementale de La Jonchère, issue d’une longue tradition

 

            En 1907, à l’occasion d’une réunion des félibres limousins où il reçoit le prix de l’Eglantine, l’écrivain Jean Nesmy, qui publiera dix-neuf ans plus tard Les quatre saisons de la Forêt, prononce un discours où l’on peut entendre : « Et c’est ici qu’une tristesse monte quand l’esprit réfléchit. Hélas! Hélas! les barbichets s’en vont, les coiffes-fleurs, les coiffes papillons, qui faisaient, comme on voit, les femmes si jolies; s’en vont aussi, s’en vont les bois de châtaigniers! Mais vous veillez, et votre cœur s’inquiète. Voici que, grâce à vous déjà, un peu du mal recule : chaque année vous faites au barbichet un jour de gloire à votre jour de fête ; hier, vous honoriez l’arbre à la Jonchère, vous occupant, pour nous garder nos horizons de feuilles, de remplacer du moins, si la science ne peut le sauver, le châtaignier qui meurt. Et quand l’arbre aura vécu, vous, les félibres, que je salue et que je remercie, vous l’aurez transformé, rameau par rameau en lauriers pour couronner les vôtres, et vous conserverez ainsi le dernier châtaignier, le grand châtaignier d’or du Limousin. »[6] Le poète Jean Rebier avait pour sa part déploré « les vieux châtaigniers dont la race agonise (qui) paraissent vers le ciel tendre un poing révolté. »

En 1920, dans Lemouzi, Ch. Le Gendre écrivait : « Il y a quelque vingt ans, le pittoresque du pays était plus saisissant parce qu’on rencontrait presque partout de grandes châtaigneraies constituées par de vieux arbres au tronc creux, n’en portant pas moins de vigoureuses branches dont le large feuillage ombrait un tapis de fines mousses douces au pied. Entre ces vénérables centenaires se profilaient de longues allées où le promeneur solitaire pouvait rêver, sans être troublé par d’autre bruit que le cri du pivert annonçant la pluie prochaine, du geai protestant contre la présence d’un étranger le forçant à fuir, ou encore — à la maturité des fruits — par quelque maraudeur venant chercher à bon compte un plat de châtaignes blanchies. Combien peu il en reste aujourd’hui de ces belles châtaigneraies donnant un caractère tout spécial à notre Limousin ! Dans certains coins la maladie de l’encre a triomphé de l’énergique vitalité de ce bel arbre, ailleurs l’âpreté en gain a conduit beaucoup de propriétaires à détruire le châtaignier pour le vendre aux industriels fabricants d’extrait et lui substituer d’autres cultures dont il espère un produit plus élevé. »[7]

Dès le début des années 1920, les Congrès de l’Arbre et de l’Eau reprennent, organisant des rencontres entre professionnels et politiques, entre reboiseurs, pépiniéristes et particuliers, les écoles participent aux distributions de plants grâce à des subventions spécifiques, une Commission départementale de reconstitution de la châtaigneraie mise en place en 1909 se réunit à nouveau, soutenue par le ministère de l’Agriculture et du ravitaillement, distribuant subventions et plants[8]. En 1925 est créée à La Jonchère une pépinière départementale, sur un terrain d’une superficie de 3 ha 38 ares, qui se prête à la culture du châtaignier et des plants forestiers, route de La Jonchère aux Adoux (aujourd’hui lotissement des Chevailles). L’objectif est notamment d’importer et planter des variétés de châtaigniers du Japon résistant à une maladie qui s’est développée : l’encre, apparue en 1860. Le service forestier de la Charente offre à celui de la Haute-Vienne 200 000 semis de pins sylvestres qui pourront être délivrés aux planteurs dès l’automne 1926[9].

A l’automne 1927, 54 050 pins sylvestres, 32 750 épicéas, 3 250 douglas et 400 pins noirs sont délivrés. En 1945, une pépinière du fonds forestier national est jumelée avec la pépinière départementale, et il sort 10 millions de plants forestiers de ces deux pépinières, entre 1951 et 1975. En 1965, la superficie est augmentée d’un hectare cinquante. Douze ouvriers sont employés à La Jonchère. En 1975 est lancée la pépinière de Peyrat-le-Château, dont tous les semis proviennent de La Jonchère.

(c) L. Bourdelas

 

Cette constitution d’une pépinière publique était dans la continuité d’une ancienne tradition dans le département et à Limoges. Pajot de Marcheval, intendant de Limoges, avait été le premier qui forma à Limoges une pépinière[10]. En 1758, il couvrit de mûriers blancs tout le terrain situé au sud-est de la ville, qu’on appelait Les Charseix. De là, ces arbres furent transplantés dans les cimetières ou distribués aux cultivateurs. Ce fut sous les auspices de ce même intendant que la Société d’agriculture prit naissance. Elle établit au lieu de Cordelas, sur la route de Boisseuil, une pépinière d’arbres fruitiers et d’arbres d’alignement ; leur succès ne fut guère plus marqué que celui des mûriers. Turgot, son successeur, fit une nouvelle pépinière d’arbres d’alignement pour complanter les grandes routes ; il fit venir d’Angoulême un jardinier instruit, Clément Jarri, qui les cultiva. Cette pépinière, formée sous le boulevard nord-est de la ville[11], donna beaucoup de bons sujets. Il fut établi une autre pépinière de ce genre dans l’enclos des Jacobins, faubourg Manigne[12]; c’est de là que sortirent les ormes qui furent plantés sur les fossés de la ville. Ensuite, Turgot ayant acquis, au nom du roi, un emplacement pour y bâtir des casernes, une partie de ce terrain fut employé en pépinière, pour des frênes, des peupliers d’Italie et des ormes. Ces trois espèces y prospérèrent également ; il y avait en 1789 environ dix mille pieds d’arbres tous vigoureux, à savoir: 2.500 frênes, 2.400 peupliers et 5.000 ormes. On pouvait en tirer 600 arbres annuellement. Une partie a été transplantée sur des routes, une autre partie distribuée aux propriétaires de fonds ruraux. La Révolution a détruit cet établissement.

De son côté, Mgr Duplessis d’Argentré, évêque de Limoges, jetait les fondations de son superbe palais épiscopal ; il n’avait pas encore élevé les murs du jardin, lorsqu’il envoya Léonard Bouzogne chez les Chartreux de Paris pour apprendre à cultiver et à tailler les poiriers en espalier; celui-ci rapporta les meilleures espèces connues, et sous sa main elles réussirent parfaitement. Lorsque les jardiniers virent ces beaux fruits, ils s’empressèrent de les multiplier.

En 1771, François Peite s’établit à Limoges et fut le premier qui travailla pour son compte ; avant lui, les amateurs du jardinage tiraient quelques arbres fruitiers d’Orléans. Ces arbres, élevés sur un sol calcaire, ne réussirent pas toujours en Limousin. Peite en fournit lui seul un nombre important. Il continua son commerce jusqu’à son décès, survenu en 1808, quoiqu’il eut déjà donné les leçons de son art à David Peite, son fils aîné, auquel succéda André Peite. Clément Jarri s’étant retiré des pépinières publiques, a également travaillé pour son compte et a fourni autant d’arbres que François Peite ; il a laissé une famille nombreuse qui s’adonna à cette production.

L’agronome, magistrat, professeur d’histoire naturelle et propriétaire Jacques-Joseph Juge de Saint-Martin établit une plantation dans les jardins limougeauds intra muros de l’ancien couvent des Grands Carmes[13]. La Société d’agriculture de Paris, dont il était correspondant, lui donna une médaille d’or, dans sa séance publique tenue le 29 décembre 1790, « pour avoir mis les cultivateurs de son voisinage à portée de se procurer, chaque année, des milliers de pieds d’arbres de différentes espèces, et qui n’avoient jamais été cultivées dans ce canton. »

Le préfet Texier-Olivier fonda pour sa part, au début du XIXème siècle, une pépinière départementale dans les jardins de l’abbaye de la Visitation, à Limoges, formant ainsi une belle promenade, très fréquentée[14] .

La Société Gay-Lussac disposait d’une petite pépinière à Naugeat : « là, sur un espace restreint, les jardiniers avaient fini par faire venir 25 000 plants qui étaient rétrocédés à perte dès que les arbres avaient trois ans. »[15]

 

(c) L. Bourdelas

 

Des souhaits de création d’autres arboreta en Limousin ont parfois été émis. Ainsi, en juillet 1922, lors du Congrès de l’Arbre et de l’Eau, sous la présidence de M. Garrigou-Lagrange, les participants se rendent à Meymac, où, après une réception officielle par la municipalité, ils se rendent « à la magnifique pépinière du Jassoueix créée par M. Miné. Là a été célébrée, avec le concours de plus de 4oo enfants des écoles, par des rondes, des défilés et des chants, la ravissante fête de l’Arbre et de l’Oiseau. M. R. de Clermont a éloquemment recommandé aux enfants de respecter les oiseaux et a confié à leur garde le refuge que l’on va créer au Mont Besson. Des médailles ont été distribuées à des instituteurs et des cultivateurs. Dans une dernière assemblée, divers vœux ont été émis tendant à assurer la circulation des salmonidés des eaux du Limousin, à créer sur le plateau de Millevache (sic) un arboretum spécial et une forêt d’Etat modèle… »[16]

 

 

La forêt limousine aujourd’hui : du bois à l’attrait paysager et touristique

 

 

Au début du XXème siècle, la forêt limousine avait considérablement reculé. « Un guide de 1890 assure qu’entre Gentioux et Pigerolles, il n’y avait à cette époque qu’ « un seul arbre, un chêne très vieux et rabougri, dans toute la région. » Il était célèbre dans tout le pays, et connu sous le nom « d’arbre à cocu ».[17] Mais elle a aujourd’hui regagné beaucoup de terrain perdu, notamment sur les hauteurs. Eliane Palluet, professeur à l’Ecole forestière de Meymac, indique que « si localement (Plateau de Millevaches, bordure nord-est du département de la Corrèze), les résineux dominent nettement le paysage, les deux tiers de la surface occupée par la forêt limousine sont composés de feuillus (hêtres, chênes, châtaigniers, etc.). »

Le châtaignier, jadis travaillé par les feuillardiers (activité ayant décliné après la dernière guerre mondiale) et recherché comme bois d’œuvre (cercueils, charpentes), occupe encore 13% de la surface boisée, généralement en dessous de 700 mètres d’altitude, abondant à l’ouest de la région, dans « la châtaigneraie limousine ». Le chêne pédonculé a progressé sur l’ensemble du Limousin en s’installant sur les terres abandonnées par l’agriculture – aidé par le magnifique et coloré geai des chênes, oiseau planteur friand de glands. La chênaie limousine représente environ 40% de la surface forestière régionale. Le hêtre apparaît au-dessus de 500 mètres, souvent associé au chêne ; mais n’étant plus vraiment utilisé comme combustible, il n’occupe que 6% à peu près de la forêt.

Au sud-est de la région essentiellement, le pin sylvestre couvrait, au début du XXIème siècle, 54 000 hectares. Dans les reboisements, on lui a préféré l’épicéa commun, en particulier dans les parties les plus élevées et fraîches. Mais à la fin du XXème siècle, c’est le douglas vert qui est devenu la première essence de reboisement – son bois est recherché pour la construction et la menuiserie.

Il est évident qu’aujourd’hui, la forêt et l’arbre participent de l’attractivité touristique de la région. Lorsque Christian Beynel, professeur d’histoire et géographie à Limoges, consacre une thèse à la forêt et à la société de la montagne limousine à la fin des années 1990, il cite, parmi ses exemples de valorisation, l’arboretum de La Jonchère, dont le succès « a donné aux responsables de cette municipalité l’idée de mettre en valeur ce massif à des fins touristiques. L’école forestière de Meymac a réalisé au printemps 1996 un parcours de découverte, les essences sont présentées par des panneaux. La signalétique est essentielle ainsi que la confection d’un guide, car reconnaître des essences rares, surtout d’arbres adultes n’est pas toujours aisé. »[18]

 

 

La poète Marie-Noëlle Agniau à

l’arboretum de La Jonchère

(c) L. Bourdelas

 

La forêt et les arbres limousins comme source d’inspiration littéraire

 

« …des châtaigneraies, des bosquets de chênes se rejoignent

par les files d’arbres bordant les chemins creux aux haies touffues. »

Joseph Nouaillac, Histoire du Limousin et de la Marche limousine, 1943

 

Lorsqu’au milieu du XIXème siècle, Henri Alexandre Flour de Saint-Genis décrit la Haute-Vienne, il précise qu’ « à mesure que les montagnes s’abaissent et s’étendent vers l’ouest, elles se couvrent de forêts ; on voit sur leurs crêtes et les penchants les plus élevés le bouleau et le hêtre ; viennent ensuite le charme et le chêne qui demandent une exposition moyenne. Le châtaignier occupe ordinairement les coteaux. »[19] Quant à Matthieu, le libraire parisien réfugié en Creuse dans le roman Une lointaine Arcadie de Jean-Marie Chevrier, lorsqu’il escalade Le Puy, près de La Faye, où « la forêt avait repris possession des lieux », il embrasse au sommet le Berry au nord, le Bourbonnais vers l’est, l’Auvergne au sud et vers l’ouest « la vue était arrêtée par une forêt immense qui se perdait dans les replis ombrageux »[20]. Enfin, dans Miette de pierre Bergounioux, cette description corrézienne : « L’arbre a conquis les vallons, gravi les pentes, coiffé les sommets. Les hauteurs ont perdu leur nuance gris-bleu – le noir épais des vieilles photographies. Elles portent le vaste manteau des forêts, d’un vert sombre, profond, immuable »[21]

On pourrait multiplier les exemples littéraires qui montrent que depuis longtemps, la forêt, l’arbre, sont en partie constitutifs du paysage limousin.

Ils sont sources d’inspiration des poètes et des écrivains du Limousin, dans leur riche diversité [22]. A les lire, on pourrait presque écrire sans exagérer que ce sont même des marqueurs identitaires de cette littérature néanmoins ouverte sur l’universel. Ainsi, lorsque Jean-Pierre Thuillat concocte en 1980 un dossier sur les poètes d’Occitanie d’expression française et occitane pour la revue Poésie 1, il publie notamment un poème de Georges-Emmanuel Clancier intitulé « Arbre mon univers », dans lequel l’auteur du Pain noir écrit : « Arbre je crois en toi »[23], un véritable manifeste. Dans le poème suivant, « Terre secrète », il poursuit : « Mon pays de crépuscule est là/Derrière l’arbre de tous les jours ». Et, encore plus loin : « La forêt est passée sur l’autre rive, puis encore des forêts, des jours pluvieux de forêts, des soleils de forêts, des nuits, des mois de forêts. » Trente-quatre ans plus tard, lorsque Marie-Noëlle Agniau cherche  – en ouverture de son livre Capture un nouveau mot pour dire son attachement au Limousin (ce sera le verbe s’enlimousiner), elle évoque aussi « la sombre mélancolie des forêts »[24]. En 1977, Thuillat, qui allait fonder la célèbre et pérenne revue de poésie Friches, avait écrit lui-même un poème intitulé Introduction à la solitude de l’arbre : « … les bouleaux qui grimpaient aux collines/n’ouvraient leurs branches/que pour moi. »[25] La forêt régénératrice, sujet récurrent chez les auteurs limousins : « Sous l’éventail des feuillages je retrouve/des amours que n’ont pas altérés l’habitude », même s’il sait que « vivre/ne dépend pas d’un paysage ».

C’est quelque chose que Pierre Bergounioux sait bien, lui qui partit en exil, oublia les rêves de descendre en radeau vers l’océan[26], échappa pour aller voir, apprendre et respirer ailleurs, à « l’humide solitude des aulnes comme autant de porches ombreux (qui) emplissent leurs hôtes d’amertume et d’humeurs noires. »[27] Un sujet qu’il n’aura de cesse de développer, d’enrichir, de commenter : le départ du Limousin, le déracinement, géographique et ontologique, comme l’arrachement de l’arbre à sa terre nourricière. Une évasion, une émancipation sans doute, mais aussi un éternel retour qui fait œuvre. Chez lui comme chez Richard Millet (les forêts) et Pierre Michon (le marronnier des Cards), importance, donc, de l’arbre, qui se déploie autant au-dessus qu’au-dessous, dans la terre comme dans la profondeur intime[28]. Un autre exilé, Jean Giraudoux, fut attentif à l’arbre, y compris, dans Les Provinciales, à la chute des feuilles mortes : « l’automne s’étendait au-dessous des tilleuls comme un filet de soie qui ouate les chutes. Je m’étonnais que les oiseaux pussent arriver jusqu’à terre. » Pas facile de s’en défaire de ces arbres ! Ils se défendent, même, comme dans L’amour des trois sœurs Piale, de Richard Millet, lorsqu’un hêtre écrase les deux jambes en tombant sur l’une des sœurs, « faisant sauter la tronçonneuse dont le moteur s’était emballé près de sa joue qu’elle coupa jusqu’à l’os avant de se bloquer contre une souche et de caler comme si elle avait enfin eu ce qu’elle voulait : un peu de sang de cette jeune femme (…) comme si d’autre part, la tronçonneuse se fût soudain alliée à l’arbre qu’elle avait combattu, entamé, atteint au cœur, alliée aussi à la forêt toute entière afin de marquer la jeune forestière »[29].

Un autre grand écrivain limousin, Alain Galan, a livré une possible clef du mystère limousin : autant que de bois, ce pays impossible où les chemins ne mènent nulle part, serait celui des lisières[30].

Lorsqu’en 1999, l’écrivain et critique d’art Patrick Mialon dit Le ravissement du monde, il parvient à écrire « ce que disent les arbres » : « A bout de branches, à bout de feuilles, avec leur foisonnante ondulation, leurs frémissantes caresses et cette langueur intarissable, dans le matin et dans le soir et jusqu’au bout de la lumière, les arbres profèrent exquisément. Ils perdurent et profèrent. »[31] Deux ans après lui, c’est un poète-réalisateur de cinéma, Damien Odoul, qui retourne en Limousin dont il était parti pour tourner Le Souffle, un film rural et sauvage qui lui valut la reconnaissance de la critique et d’être récompensé à Venise. Il profite du séjour pour écrire de Faux haïku d’un occidental pas très orthodoxe que Lucien Souny a la bonne idée d’éditer. L’arbre est présent, dès le début : « beauté du sous-bois/au soleil/kaléidoscopique » ; ailleurs, une vache et son petit « à l’ombre d’un chêne/attendent la tombée du soir ». Et puis : « chemin boisé/le sel de la terre/je somnole sous les orties ». Il est là, le ravissement du monde, dans ces doux paysages à la Watteau, à la Rousseau. Ce que pense aussi le grand poète Joseph Rouffanche, dont l’imagination magnifie l’arbre, symbole d’enracinement et d’abri. « Nul doute que Les Elégies limousines fassent une place enviable aux arbres emblématiques du terroir dont elles portent le nom : noisetiers et châtaigniers qui, unis aux genêts, composent un espace dans lequel se déploient les gestes et les jeux de l’enfance »[32].

Présence et enracinement de l’arbre, qui profère, marqueur identitaire, dispensateur d’un ravissement du monde. Le chartiste et philologue Paul-Louis Grenier (1879-1954) l’a superbement chanté, lui aussi, en occitan, parmi ses poèmes puissants et beaux, inspirés par les temps anciens et les légendes[33] : « les arbres des prairies,/dont les troncs ridés/cachent plus d’un trésor » et ceux comparés à des fées « habillées de feuilles ». Il est ici question des châtaigneraies, des frênes, des chênes et des hêtres. Parfois, l’arbre « en ses rameaux balance un son plaintif », mais la mélancolie peut être chassée car « verts sont les bois pleins d’oiseaux chanteurs » – chez Grenier, l’arbre toujours est peuplé d’oiseaux. Arbre de joie et de magie : « Il est un bois où une étoile/dans les nuits d’été s’abrite/et embellit de sa lumière/les arbres hantés/par ses rayons enchantés. » Un rayon d’étoile que l’on retrouve l’hiver, qui délivre les arbres de leur prison de neige. Quant au sapin, « géant noir », « ses branches sont des mandibules/qui remuent de-ci et de-là ». Ici, tout est dit du pouvoir inspirateur des arbres limousins : « Fantômes d’arbres pleins de corneilles/qui se racontent leurs fables/tissées d’ombres et de neige ».

Et puis il y a Jean Nesmy, de son vrai nom Henri Surchamp (1876-1959), qui fut un homme des bois et en nourrit son œuvre : il appartenait à une famille terrienne et accomplit ses études au collège de Brive, puis à l’Institut national agronomique, avant d’entrer à l’administration des Eaux et Forêts. Il fut un apôtre du retour à la terre. Connu dès avant la Première Guerre mondiale, collaborateur de revues littéraires, il est l’auteur de romans publiés chez Plon ou Grasset. Il publie à Paris en 1927 Les Quatre saisons de la forêt et La féérie des bois. Le premier ouvrage est superbe, avec 66 illustrations gravées sur bois de G. Dardaillon. Primé et salué par la critique, ce texte est poétique, beau et lyrique. En 1929, A l’ombre des châtaigniers met en scène des Limousins avec beaucoup de justesse. Dans les Contes limousins, Jean Nesmy rend hommage aux châtaigniers, qui « sont pour le promeneur le relais d’ombre après l’étape à la lumière ; pour le poète, le lieu le plus exquis pour y mener son rêve ; pour le paysan, l’arbre à pain qui toujours fait crédit, et jamais ne se lasse et jamais ne demande (…) Ce sont pourtant leurs bois qui font par-dessus tout la douceur limousine, la douceur limousine plus douce qu’aucune autre douceur. » Charles Silvestre (1889-1948) aussi sut dire la beauté de cet arbre tutélaire, par exemple dans L’amour et la mort de Jean Pradeau (Plon) : « les châtaigniers branchés si bas qu’ils paraissent drapés tels des patriarches, en des houppelandes de feuilles ».

Châtaigniers chantés aussi – mais différemment – par Maurice Rollinat, protégé de George Sand et poète gothique du Chat Noir : « Vivent ces châtaigniers, monstres et patriarches,/Lugubres frères noirs en leur difformité,/Horrifiant l’endroit par la solennité,/Le morne et le croulant de leurs rameaux en arches ! »[34] Jean Gibeau, félibre mainteneur, ne les oublie pas non plus, ces châtaigniers emblématiques , « tout creusés, tout tordus, torturés par le mauvais temps », et s’en sert pour délivrer sa morale : « il ne faut pas tuer tout ce qui est vieux ». Il rend aussi hommage au blanc bouleau, aux hêtres fiers, aux sombres pins et au chêne hautain, « le roi de la forêt ». « Ainsi, tous les arbres de nos bois chantent pour le pays » et délivrent un message essentiel : « Paysans, paysans limousins, comme nous, enracinez-vous dans votre terre, écoutez-nous, braves amis, écoutez-nous et vous serez maîtres du pays. »[35]

Les auteurs occitans l’ont chanté, l’arbre. Ainsi Marcela Delpastre – la Marcelle qui avait fait de Germont en Corrèze le centre du monde – a-t-elle su dire « la paix à peine balancée des arbres » dans son Prélude à l’enfant prodigue de 1975[36]. Le Limousin, ici, peut-être, comme terre de repentance et de réconfort ? Comme, furtivement, au début du Pain noir de Georges-Emmanuel Clancier : « le matin passe vite quand on flâne dans la châtaigneraie en face de la métairie : une châtaigneraie en pente douce avec de hauts, larges, vieux arbres croulants. »[37]

Plus tard chez Delpastre, ce sera le lyrique Chant des arbres nombreux : « l’innombrable forêt des arbres innombrables » comme métaphore du pays, suivi du Chant des racines profondes : « Etre ces liens comme des cordes. Etre ces câbles qui tiennent au sol l’arbre debout,/l’arbre du bel équilibre. » Jusqu’au Chant de l’arbre nu, en conclusion : « Rien n’est plus beau que l’arbre nu,/l’arbre – la croix et le pendu –/qui tient la terre au ciel, qui lie/le ciel avec la terre au vent de tous les vents. » On a trouvé l’essence même du Limousin, c’est un arbre : « C’était un arbre (…) Qui battait pavillon comme les autres arbres ».

Jean-Claude Roulet, dans Paraula d’amor, a suivi la lyrique Marcelle en proclamant : « Paix sur le monde/nuit pleine d’oiseaux/l’haleine des arbres/sur ta peau. » Ici l’amour perdu s’accroche à l’arbre[38]. Qui avait compris avant lui que les arbres exhalent un souffle parfumé ? Dans un récit d’amour poétique, Thuillat a écrit : « Nous disons aux feuillages/de nous apprendre la patience. »[39] Ailleurs, Pierre Courtaud mentionne « ces arbustes/Au feuillage liquide »[40]. Il est question de fragilités. Le poète sait les (d)écrire, sans doute, comme André Duprat lorsque vient l’hiver : « Les arbres grimacent/craquent/grincent/La branche rhumatisante/Voici l’hiver/L’humidité des écorces. » [41]

Le poète limousin aime la forêt, on l’a dit. Il y marche, elle l’inspire. Le chanoine Charles Chalmette l’écrit dans ses Poèmes du soir : « De très vieux arbres, de grands chênes,/Font à mes yeux l’azur terni./Loin du monde, loin de ses haines,/Je poursuis un rêve infini. »[42] Mais aussi Jean Maison, marcheur-poète qui « s’immerge dans la lutte./Rencontre guerrière que la forêt rend improbable/Que la forêt surmonte/Mais qui demeure source. »[43] C’est Baudelaire, toujours, dans le temple des Correspondances. Mais c’est aussi l’amour qui surgit : « A travers le feuillage/Je distingue vos bras nus. » La forêt, l’arbre, l’amour, comme au tout début de La Révolution de Robert Margerit : « dans ce nid de feuillages, près de l’eau calme et sombre sous les ormes, l’amour était né pour eux »[44]. Jean-Pierre Thuillat précise les lieux de ses promenades : « il n’est question d’explorer que des bois de feuillus, chênes de préférence, ou des taillis de châtaigniers que domine ça et là le dôme d’un hêtre centenaire. »[45] Quand il raconte où trouver des cèpes en automne dans les sous-bois, c’est du poème dont il parle : « le plaisir tient de la conquête. Il se savoure et se mérite. Nulle faveur à l’amateur. Il y faut du savoir, du flair, du goût, de la rigueur. De la persévérance. De la ténacité. » A la fin, comme dans les belles Nouvelles d’Inadieu de l’écrivain et metteur en scène Max Eyrolle, c’est le poète qui se fait arbre : « il me suffit de fermer les yeux pour être tilleul »[46] ; et, comme dans un poème que dédie Gérard Frugier à son père, « la nuit tend ses draps bleus dans les arbres de l’âme »[47].

Comme l’écrit André Duprat, « le chêne tient compte du temps ». Et si, par malheur, l’arbre vient à être déraciné – par exemple par la tempête de 1999 –, c’est l’écrivain, le poète, qui en souffre ; ainsi Marc Boisseuil : « Je me souviens de ce matin de fin du monde après cette nuit d’effroi, de fracas, de déracinement d’arbres centenaires ». Lorsqu’il voit à terre dans son parc le Magnolia grandiflora, il ne peut résister : « Comme je m’en approchais, soudain le souffle court, mes jambes se dérobèrent ; à son imitation je me suis effondré. »[48]

 

(c) L.Bourdelas

 

La Forêt

 

Les gens du monde s’imaginent que les bois ne sont peuplés que de trois ou quatre espèces dominantes, comme le chêne, le hêtre, le sapin ou le châtaignier ; ils ne se doutent pas qu’à côté de ces races princières il y a le menu peuple des arbres dont les physionomies sont tout aussi originales. Il y a le charme, par exemple, cousin-germain du hêtre ; ceux qui n’ont pas vu une futaie de charmes ne peuvent se faire une idée de l’élégance de cet arbre aux fûts minces et noueux, aux brins flexibles, au feuillage ombrageux et léger. Et le bouleau ! que n’aurait-on pas à dire sur cet hôte des clairières sablonneuses, avec son écorce de satin blanc, ses fines branches souples et pendantes où les feuilles frissonnent au moindre vent ? En avril, toutes les veines du bouleau sont gonflées d’une sève rafraîchissante ; nos paysans enfoncent un chalumeau à la base du tronc et y recueillent un breuvage limpide et aromatique. J’en ai goûté une fois, et, grisé par cette pétillante liqueur, je me suis couché au pied’ de l’arbre, en proie à une délicieuse hallucination. Il me semblait que dans mes veines circulait et fermentait la sève des plantes forestières et que moi-même j’allais verdir et bourgeonner. J’étais devenu un bouleau ; l’air jouait mélodieusement dans mes ramures couvertes de chatons en fleur ; les fauvettes chantaient dans mes feuilles et les sauges odoriférantes s’épanouissaient à ma base. C’était un enchantement.

Je ne nommerai que pour mémoire l’érable à l’écorce rugueuse et aux feuilles tridentées, le frêne aimé des cantharides, le sycomore, riverain des sources vives, le tremble au feuillage argenté ; mais je ne veux pas quitter le sujet sans dire tout le bien que je pense du tilleul, qui peuple nos taillis de son épaisse, frondaison. Le chêne est la force de la forêt, le bouleau en est la grâce ; le sapin, la musique berceuse ; le tilleul, lui, en est la poésie intime. L’arbre tout entier a je ne sais quoi de tendre et d’attirant ; sa souple écorce grise et embaumée saigne à la moindre blessure ; en hiver, ses pousses vertes s’empourprent comme le visage d’une jeune tille à qui le froid fait monter le sang aux joues. En été, ses feuilles en forme de cœur ont un susurrement doux comme une caresse. Allez vous reposer sous son ombre par une belle après-midi de juin, et vous serez pris comme par un charme. Tout le reste de la forêt est assoupi et silencieux ; à peine entend-on au loin un roucoulement de ramier, la cime arrondie du tilleul, seule, bourdonne dans la lumière. Au long des branches, les fleurs d’un jaune pâle s’ouvrent par milliers, et dans chaque fleur chante une abeille. C’est une musique aérienne, joyeuse, née en plein soleil, et qui filtre peu à peu jusque dans les dessous assombris où tout est paix et fraîcheur. En même temps, chaque feuille distille une rosée mielleuse qui tombe sur le sol en pluie impalpable, et, attirés par la saveur sucrée de cette manne, tous nos grands papillons des bois, les morios bruns liserés de jaune, les vulcains diaprés d’un rouge feu, les mars à la robe couleur d’iris, tournoient lentement dans cette demi-obscurité comme de magnifiques fleurs ailées.

 

  1. Theuriet

Bulletin de la Société d’horticulture et d’arboriculture de la Haute-Vienne, 1905, t. 38, p.p. 31-32.

 

(c) L. Bourdelas

 

La Forêt

 

Aux portes de Lemovica et près du champ pieux de ses morts, mystérieuse, à peine troublée par la voix lointaine des bûcherons, la forêt étend ses hautes futaies de chênes séculaires et de frênes dont les cimes altières se courbent par instant, sous le souffle léger des brises. Les touffes aiguës et luisantes des houx, les fourrés sombres des coudriers, les ovales sacrés des buis, près desquels aimait à se promener le Dante, prodiguent leurs parfums subtils et s’éveillent lentement sous le baiser du renouveau, sous la poussée pleine de sève.

Peu à peu sensible aux pépiements heureux des fauvettes, aux coups de sifflets moqueurs des merles, aux roulades capricieuses des rossignols, à toutes les mille voix du petit monde aérien, la nature se fait plus belle et semble m’inviter à la contempler. En ce féerique Paradou tant de plantes se mêlent, s’enlacent, s’enchevêtrent ! Là, des cytises fleurissent en lourdes grappes d’or -sous les épines des genévriers, où viendront brouter les chèvres gourmandes. Des baies vives, d’églantines, des fleurs azurées de clématites pendent en guirlandes soyeuses aux branches basses des mélèzes ou rampent sur les fines bruyères et les fougères délicatement dentelées. Au premier sourire du printemps, au cœur sensible de la forêt, mes regards ont des caresses de soleil et d’onde pure.

Dans ma solitaire promenade, j’admire comme il convient ces bijoux, ces dentelles, ces voiles diaphanes, ces ciselures et ces perles. Quelques arbres, heureusement touchés par la clarté suave et fraîche de ce ciel de mai, semblent, sous les caresses de la brise, de grands oiseaux verts qui sèchent leurs plumes. Des vignes-vierges, des chèvrefeuilles, des pampres grimpent au flanc des grands chênes majestueux comme Pan, Et, devant cette nature divine qui eut enchanté Corot, mes regards extasiés attendent l’apparition des Génies mystérieux de la forêt.

Et je vais, vagabondant de clairières en clairières, sur le sol diapré de modestes fleurs et coupé de petits ruisseaux; jaseurs dont les eaux limpides bondissent, roulent, murmurent, épandant sur leurs rives cette fraîcheur qui donne aux mousses les chatoiements du velours, aux muguets leur vernis discret, aux grandes digitales pourpres, aux célestes pervenches, aux renoncules dorées des couleurs plus merveilleuses encore.

Que la forêt est belle au printemps !

 

Louis-Pascal Réjou

            Lemouzi : organe mensuel de l’E̛cole limousine félibréenne, 1924 (A33,N231)- (A33,N238), p. 175

 

(c)L. Bourdelas

 

Hymne à la Forêt

Toi, qui dans un sol brut va récolter la sève,

Pour en tirer de verts rameaux souples et forts,

Esprit des bois sacrés, par qui l’arbre s’élève,

Et, sous nos yeux, s’achève

En féériques décors ;

Toi, qui prends au hasard la plus infime graine,

Et, sous le vent du soir, la dépose en lieu sûr,

Pour en faire jaillir la forêt souveraine

Où s’éteignent sans peine La lumière et l’azur ;

Esprit dispensateur des sources énergiques,

Qui va créant des oasis dans les déserts,

Serviteur du vieux Pan dont la flûte rustique

Donne un sein poétique

A l’immense univers ;

Oui, je te reconnais, ô vertu créatrice,

Esprit de nos forêts, animateur puissant,

Qui prends l’arbre au berceau sous ton aile propice,

Et t’en fais la nourrice,

Tout en le caressant ;

 

Tu donnes à chacun une âme différente,

Forte au chêne royal, gracieuse au bouleau,

Tu donnes au cyprès une âme indifférente,

Grise et qui s’apparente

Aux pierres du tombeau ;

 

Tu fais au peuplier une âme de poète

Qui tremble au moindre souffle et s’élève très haut,

Et tu donnes aussi la même âme inquiète

Au saule dont la tête Penche et pleure sur l’eau ;

Tu fais un front serein au hêtre où bat l’averse,

Tu donnes au thuya la majesté des monts,

Au châtaignier l’ampleur colossale et diverse

D’où son bon cœur nous verse

L’ombrage et les marrons ;

 

Tu donnes l’élégance aux acacias suaves ;

Tu donnes le sourire aux lilas odorants,

Tu donnes aux sapins des airs pensifs et graves,

Tu donnes des vertus aux petits comme aux grands ;

Et tous tes arbres sont des braves

Aux bras généreux, au cœur franc.

 

* * *

 

Forêt, je te salue, océan de verdure,

Immensité profonde; où l’aurore se perd,

Forêt, toi le plus beau joyau de la nature,

Qui t’emplis de murmure,

Comme la vaste mer ;

 

Forêt, je te salue, en qui l’esprit concentre

Tout ce qu’il a de beau, die robuste et de saint,

Ombrage intarissable où la poésie entre,

Non, comme dans un antre,

Mais comme en lieu divin ;

 

Salut, vieilles forêts légendaires de France,

Où vit le souvenir des choses d’autrefois !

 

Salut, jeunes forêts, porteuses d’espérance,

Joyeuse renaissance: Aurore des grands bois t

 

Depuis la forêt vierge, où l’effrayant mystère

Jette ses grandes peurs et tend ses noirs réseaux,

Jusqu’aux arbres épars de nos maigres plateaux,

Il passe un vent d’amour qui féconde la terre,

Pour le bonheur de l’homme et celui des oiseaux;

Salut, taillis épais où naissent les fontaines,

Où bondit l’écureuil, où l’oiseau fait son nid,

Et vous, les jolis plants issus des bonnes graines,

Allez, dans tous les sens, pour les Forêts prochaines

Assimiler votre âme à notre vieux granit ;

Il est encore en Limousin, et dans la Creuse,

Des plateaux souffreteux, dénudés et déserts,

Que seule égaie un peu la bruyère rieuse ;

Va, donc, vivifier la lande broussailleuse, Esprit sacré des bois qui parcours l’univers.

 

  1. BATIFOLIER.

 

(1) Ce petit poème de notre collaborateur et ami G. Batifolier, qui n’est pas seulement l’ami des insectes, mais aussi le grand ami de l’Arbre, a été lu et a obtenu le plus vif succès au Congrès de l’Arbre et de l’Eau, au mois de juin dernier.

Lemouzi : organe mensuel de l’E̛cole limousine félibréenne, 1931/01, p.  217-219.

 

 

 

[1]                      Site internet de La Jonchère-Saint-Maurice. Nombre des informations suivantes en proviennent également. Ainsi que de : O.N.F., Arboretum de La Jonchère, 1994 – précieuse plaquette de cent pages.

[2]                      T. 46, p. 154.

[3]             C. Bariat, déjà cité, p. 143.

[4]                      Info Magazine, Edition de la Haute-Vienne, 1er février 2015 (article de Corinne Mérigaud).

[5]                      La lettre de l’arboretum,  n°1, avril 2016.

[6]                      Lemouzi : organe mensuel de l’E̛cole limousine félibréenne, Brive, t. 129, 1907, p. 209.

[7]                      Lemouzi : organe mensuel de l’E̛cole limousine félibréenne, Brive, t. 205, 1920, p. 113.

[8]             P. Plas, F. Boumedienne, « Les évolutions de la châtaigneraie en Limousin-Périgord de la fin du XVIIIe au milieu du XXe siècle » in Paysage et environnement en Limousin, déjà cité, p. 196.

[9]                      G. Dumont, déjà cité, p. 428 et 430.

[10]                    Les informations données ici proviennent de P. Charbonnier, « Note historique des Pépinières établies à Limoges », Limoges illustré, 1907/08/01.

[11]                    Il s’agit du boulevard Carnot actuel. La pépinière occupait l’emplacement des jardinets de la place de la République ; elle ne disparut qu’en 1786.

[12]                    L’enclos des Jacobins occupait l’emplacement du Petit quartier de cavalerie, rue du Pont-Saint-Martial.

[13]                    H. Daussy et F. Pitou (dir.), Hommes de loi et politique (XVIe-XVIIIe siècles), Presses Universitaires de Rennes, 2007, p. 186.

[14]                    Statistique générale de la France, publiée par ordre de Sa Majesté L’Empereur et Roi, sur les Mémoires adressés au Ministre de l’Intérieur, par MM. Les Préfets. Département de la Haute-Vienne. M. L. Texier-Olivier, Préfet., Testu, Paris, MDCCCVIII, p. 156.

[15]           P. Plas, F. Boumedienne, « Les évolutions de la châtaigneraie en Limousin-Périgord de la fin du XVIIIe au milieu du XXe siècle » in Paysage et environnement en Limousin, déjà cité, p. 196.

[16]                    Lemouzi : organe mensuel de l’E̛cole limousine félibréenne, 1922, p. 182.

[17]                    E. Palluet, « Les bois et les forêts », in Le Limousin côté nature, Espaces naturels du Limousin, 2000, p. 64. Nous en tirons certaines des informations de ce chapitre.

[18]                    Déjà cité, p. 489.

[19]                    Lettres sur le Limousin, récit de voyage, Les Ardents Editeurs, 2013, p. 144.

[20]                    Albin Michel, 2011, p. 79.

[21]                    Folio Gallimard, 1996, p. 128.

[22]                    L. Bourdelas, Du pays et de l’exil Un abécédaire de la littérature du Limousin, postface de P. Bergounioux, Les Ardents Editeurs, 2008.

[23]                    Poésie 1, n° 79-80, septembre-octobre 1980, p. 28.

[24]                    Collection Multiples, Culture & Patrimoine en Limousin, 2014, p. 15.

[25]                    Le désert en face poèmes pour un pays perdu suivi de Introduction à la solitude de l’arbre, Traces et Cahiers de Poésie Verte, Saint-Yrieix-La-Perche, 1982, p. 96.

[26]                    L’arbre sur la rivière, Gallimard, 1988.

[27]                    V. Pélissier, Autour du Grand Plateau, Mille Sources, Tulle, p. 25.

[28]                    S. Coyault-Dublanchet, La province en héritage Pierre Michon Pierre Bergounioux Richard Millet, Droz, 2002, p. 187.

[29]                    Folio Gallimard, 1999, p. 286.

[30]                    Alain Galan et Emmanuel Ciepka, Lisières limousines, Editions Lucien Souny, 2011.

[31]                    Autres terres, Editions du Miroir, p. 24.

[32]                    S. Bernard-Griffiths, « La poétique de la nature dans Les Elégies limousines (1958) de Joseph Rouffanche », in « Joseph Rouffanche et la poésie post-surréaliste : un poète entre Terre et Ciel », Eidôlon, Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3, n° 56, septembre 2000, p. 54.

[33]                    P.-L. Granier, Obra poetica occitana, Edicions dau chamin de Sent Jaume, 2001.

[34]                    Paysages et paysans, Fasquelle, 1899.

[35]                    La chansou daus aubres, Imprimerie Perrette, Limoges& (avant 1941).

[36]                    Les petits recueils, Edicions dau chamin de Sent Jaume, 2001.

[37]                    « Le temps des métairies », Editions J’ai lu, 1976, p. 9.

[38]                    Collection Trobar, cahiers de Poésie Verte, 1987.

[39]                    Où l’œil se pose, fédérop, 2003.

[40]                    La chambre d’écriture, La main courante, 1983.

[41]                    Les eaux noyées, Editions Saint-Germain-des-Prés, 1981.

[42]                    Poèmes du soir, Imprimerie Thouron & Fils, Limoges, 1957.

[43]                    Consolamentum, Editions Farrago-Editions Léo Sheer, 2003.

[44]                    « L’amour et le temps », Phébus libretto, 1989, p. 9.

[45]                    La recherche des cèpes en automne sous la pluie, L’Arbre, 1998.

[46]                    Editions Lucien Souny, 1994, p. 9.

[47]                    « Mon père (I) », in Forge noire, Les Editions du Pont Saint-Martial, 2008.

[48]                    Ces archers qui tirent dans le noir, Les Ardents Editeurs, 2008, p. 20.