06 Déc

Les auteurs dramatiques en Limousin (5)

Edmond Gondinet (atelier Nadar)

Jules Claretie

 

Les revues régionalistes fourmillent de petites pièces d’inégale qualité. On en trouve aussi à la Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges, comme celles écrites par Henri Baju à la fin du XIXème siècle, saynètes se déroulant dans la bonne société limousine et ne prêtant pas à conséquence, comme Le Veston de velours. Plus amusante (mais idéologiquement « chargée »), Le Préfet modèle, petite pièce destinée au Théâtre de l’Elysée, publiée en 1902 par l’historien limougeaud Louis Guibert, où il ironise notamment à propos des francs-maçons.

Chroniqueur au Figaro, Claude-Antoine-Jules Cairon choisit comme pseudonyme l’anagrame de son nom : Jules Noriac. Né à Limoges en 1827, mort à Paris en 1882, il est l’un des directeurs du Théâtre des Variétés puis des Bouffes-Parisiens avec Charles Comte, le beau-père d’Offenbach. Romancier, auteur d’un Dictionnaire des amoureux, il écrit des vaudevilles et divers livrets.

Fils du directeur de l’Administration des Domaines à Limoges, né en 1828 à Laurière (mort à Neuilly-sur-seine en 1888), Edmond Gondinet fit jouer sur les scènes parisiennes une quarantaine de ses pièces, dont certaines avec succès. Il collabora avec Labiche et Alphonse Daudet. Il écrivit aussi, avec Philippe Gille le livret de Lakmé, opéra en trois actes de Léo Delibes, d’après un roman de Pierre Loti. Celui où figure le si beau, si émouvant et proustien Duo des fleurs : « Dôme épais le jasmin à la rose s’assemble… ».

André Montaudon (1867-1951), natif de La Souterraine, homme de lettres (qui fut anobli par le shah d’Iran dont il était le précepteur des enfants), est l’auteur de Pas d’hommes, bouffonnerie en un acte (1909), Aux champs, saynète occitane en un acte (1911) et Yseult et Aubier, scène du Moyen Âge (1914). Notons au passage que parmi ses autres œuvres, on trouve la chanson Le petit vin gris du Berry. En 1991, l’une des légendes qu’il avait jadis consignée fit l’objet d’un sketch figurant en première partie du programme que « Les Saltimbanques » présentèrent notamment à Saint-Priest-La-Feuille (Creuse).

On le connaît sous son pseudonyme d’écrivain : Hemma-Prosbert. Pierre-Elie Halary est né à Janailhac (Bellevue) le  18 août 1840, fils de Jean Halary, propriétaire, et de Catherine Glandus. Il exerça la profession de notaire à Châlus. Il est décédé à Saint-Yrieix-La-Perche le 21 novembre 1916. Poète, écrivain, chroniqueur, il écrivit des pièces de théâtre. A la Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges, on peut consulter cinq volumes de son Théâtre, paru chez E. Flammarion (1908-1910). Ils contiennent : Vol. I : L’école du divorce, L’artiste et le brocanteur, L’araignée et les moucherons, Les droits du mari, Le parvenu, L’homme bien-pensant ; Vol. II : Judith, Charlotte Corday, Jeanne Darc ; Vol. III : La revanche de monsieur de Pourceaugnac, L’embarras du choix, Le pauvre honteux, Particule et accidents, Le mariage libre, Nul n’est prophète dans son pays et Le dramaturge d’emprunts ; Vol. IV : Jean-sans-terre, Préface limousine (essai historique), L’étang ; Vol. 5 : Préface sur la décadence des lettres et du théâtre, le droit d’adaptation et mes débuts littéraires, La réclame précédée d’une Conférence sur la réclame et le paradoxe du conférencier mondain, Arthur de Bretagne.

Né en 1840 à Limoges (mort en 1913), auteur prolixe, romancier, historien de la Révolution française, chroniqueur au Figaro et au Temps, Jules Claretie consacra une grande partie de son existence au théâtre : il fit la critique théâtrale à L’Opinion nationale, au Soir, à La Presse ; auteur dramatique lui-même, président de la Société des Gens de Lettres et de la Société des Auteurs Dramatiques, il fut administrateur du Théâtre-Français à partir de 1885. En 1903, Les Affaires sont les affaires d’Octave Mirbeau remportèrent un véritable triomphe à la Comédie-Française, après avoir été en partie cause de la suppression du Comité de lecture par Jules Claretie en 1901[1]. Après ce premier succès, il est prêt à recevoir une autre pièce de Mirbeau, Le Foyer, satire mettant en scène un sénateur académicien, qui pratique la philanthropie dans son propre intérêt et en détourne les effets. Jules Claretie hésita toutefois à porter la pièce à la scène. Après un va-et-vient de la pièce de la Comédie-Française au Théâtre de la Renaissance, les auteurs gagnèrent le procès intenté à Claretie, qui parvint, avec sa diplomatie habituelle, à monter Le Foyer réduit à trois actes, en décembre 1908. Les premières représentations furent troublées par les manifestations des représentants de l’Action Française[2]. Dans sa pièce Bouddah (1888), Claretie faisait dire à l’un de ses personnages, revenant des colonies et contemplant des affiches de théâtre : « quand on a été sevré des acteurs de Paris, si tu savais ce que ces bouts d’affiches contiennent de promesses et d’allèchements !… » Elu à l’Académie Française le 26 janvier 1888, Claretie a été reçu le 21 février 1889 par Ernest Renan. Il avait coutume de dire : « Vous aimez les livres ? Vous voici heureux pour la vie. »

Le Corrézien André Chadourne (1859-1910) est un polygraphe, qui se fait connaître comme homme de théâtre, auteur de pièces (tragédies comme comédies), de livrets d’ouvrages lyriques et de poésie. Connu et apprécié à Montmartre, ses amis ont pour noms Jules Renard, Massenet, Paul Delmet, etc. À Brive, il crée et anime pendant de nombreuses années Le tout Brive. À Paris, André Chadourne, cofondateur de la Société des gens de Lettres, est une personnalité éminente de la vie parisienne de l’avant-guerre 1914-1918.

L’écrivain limougeaud Edouard Michaud écrivit également du théâtre : en décembre 1925 fut joué au Théâtre municipal de Limoges sa Province qui fit rire le public par son comique de situation mais constituait, d’après la critique, une condamnation impitoyable de la vie provinciale.

En 1919, l’abbé Charles Chalmette, connu à Limoges pour ses recueils de poésie très classiques, publie une pièce en un acte : Au Jardin de Versailles, où il fait revenir Corneille le jour du traité de paix de 1919. L’auteur du Cid explique ainsi la chose :

… Je méditais un poème inédit

Lorsque je vis Charron ; souriant, il me dit :

Une guerre a soudain fait tressaillir ta race ;

Des Rodrigues partout et partout des Horaces,

Et l’Amante immolant son amour au devoir.

Désirerais-tu voir ? – Je désirerais voir –

La page des héros n’est pas encore finie,

Il en est par milliers dignes de ton génie.

– Je voudrais voir cela. Monte, me dit Charron.

Nous passâmes le Styx en neuf coups d’aviron…

 

Et, à la fin, ce dialogue entre deux personnages :

 

– Pourquoi, Monsieur, tous ces clairons, tous ces tambours ?

 

– C’est que les Allemands ne sont plus à Strasbourg.

 

La pièce fut jouée pour la première fois par les élèves de l’Ecole Montalembert, le 6 février

 

1929 – on était ambitieux, à l’époque !

 

[1] En 1995, Pierre Meyrand, co-directeur du C.D.N.L. La Limousine, obtint le Molière du comédien pour son excellente interprétation d’Isodore Lechat dans Les Affaires sont les affaires. La pièce, nominée sept fois, eut aussi le Molière du théâtre public et celui du décor. Voir plus loin.

[2] Mouvement royaliste et nationaliste de Charles Maurras.