L’adjudication d’une partie des locaux de l’annexe du théâtre de Limoges a lieu le jeudi 14 décembre 1905 à l’hôtel de ville. Elle a donné les résultats suivants : le premier lot, comprenant un magasin et plusieurs appartements, sis au deuxième étage, a été adjugé à M. Tharaud, négociant, au prix de 2 510 francs. La mise à prix était de 1 800 francs. Le deuxième lot, comprenant les locaux du premier étage et plusieurs appartements au deuxième, a été loué par le Cercle d’études commerciales au prix de 2 020 francs, sur la mise à prix de 2 000 francs.
Avec l’augmentation de la population limougeaude, le théâtre municipal s’avère trop petit dès 1880 environ. Dans Le Limousin littéraire du 9 mai 1886, on signale néanmoins que la salle « est entièrement remise à neuf » (M. Duriez est le directeur). Pourtant, « au début du XXe siècle, il focalisait les critiques : « dans un état lamentable (murs effrités, escaliers vermoulus) », « peu confortable, dépourvu de toute sécurité », « acoustique déplorable, fournaise pestilentielle, scène trop exigüe »… »[1].
Le 31 décembre 1906, dans un article du Courrier du Centre consacré aux débats à propos du budget au conseil municipal de Limoges (présenté par J.B. Marquet), on peut lire quelques propos intéressants à propos du théâtre, signés par un certain A.M. – même si l’argumentaire évoque en partie la musique. Après le départ d’Emile Labussière, le nouveau maire est François Chénieux, chirurgien, « républicain progressiste », situé à droite. C’est un « humaniste cultivé lisant les auteurs latins comme les avancées littéraires de son époque. Ayant beaucoup voyagé en Europe et en Afrique, c’était un conteur admiré au cercle Turgot. Ses poèmes étaient pleins de charme comme celui de «Vision du couchant sur le Nil » écrit en 1906 lors d’un voyage en Égypte. »[2]
« Votre rapporteur ne s’affecte pas de la décision prise par le conseil d’Etat et qui a trait à la non-édification du cirque, car lui-même s’était permis quelques critiques de la même nature que celles formulées par le conseil d’Etat. Ce n’est, en effet, que respectueux des délibérations des conseils antérieurs, et soucieux de voir aboutir enfin les projets élaborés par ses devanciers qu’il s’est rallié à l’édification de ce monument; et, messieurs, il m’a été permis de constater que beaucoup parmi vous partageaient mon sentiment à ce sujet. Peut-être commettons-nous une erreur, et, certainement, si l’on envisage la chose au point de vue de l’esthétique, il n’est pas douteux qu’à la sortie de la gare, un cirque en planches bornant l’horizon, détruisant la perspective des boulevards aboutissant à l’hôtel de ville est d’un très mauvais effet. A un autre point de vue, cette décision entraînera une perte de travail, travail sur lequel comptait une partie de notre population. Mais je ne pense pas qu’il soit dans vos intentions d’abandonner dans l’emprunt la somme affectée à l’édification du cirque ; je vous demande, au contraire d’en faire état en partie pour l’agrandissement du théâtre. Vous donnerez ainsi satisfaction au travail; vous en donnerez une non moins grande au public, à ce public qui aime le théâtre, et qui ne peut y avoir accès faute de places en rapport avec ses moyens. Ici, messieurs, je vous dois une explication de laquelle découlera la reprise d’une proposition que je vous présentai en son temps, c’est-à-dire lors de la discussion de la subvention théâtrale. Je fus l’adversaire acharné de cette subvention, à tel point que quelques critiques s’étant mépris sans doute sur les motifs de ma protestation, prétendirent et écrivirent même que je n’aimais pas le théâtre. Ils préjugeaient mal, et si j’avais eu quelque goût pour la polémique, si je n’avais craint de les encombrer de ma prose je leur aurais dit, qu’habitué pendant de longues années de l’odorant et confortable « poulailler », j’avais fait là mon éducation théâtrale sans pose, bien entendu, avec les moyens dont je disposai à ce moment. De ce superbe point de vue si bien disposé à la propagation des maladies, fussent-elles pestilentielles, j’ai pu constater que, même avec la subvention, on ne pourrait donner aucune satisfaction au public et, quelle que soit la subvention que vous accordiez, je persiste à penser que nous faisons surtout des mécontents. Un moyen s’offre donc de satisfaire la population limousine : c’est d’agrandir le théâtre de créer un grand nombre de places dites populaires, à un prix abordable pour les familles. Que se passe-t-il en ce moment, vu l’exiguité de notre théâtre ? Une grande partie de la population, désireuse d’assister à une représentation, les familles surtout, se présentent au guichet pour prendre des places et invariablement, on leur répond : « II ne reste plus à prendre que des fauteuils, des loges ou des balcons ». Ce qui prouve, une fois encore, que malgré la subvention, serait-elle décuplée, vous n’accorderiez qu’une faible satisfaction à ce public qui seul en supporte la contribution. Donc l’agrandissement du théâtre s’impose, soit par une transformation partielle, soit par une réédification générale. Eh bien Messieurs ! Il ne suffit pas de détruire la cage, il faut aussi élever l’oiseau qui doit y chanter. Permettez-moi cette figure peut-être banale, mais qui reproduit bien l’expression de ma pensée. En effet, si pour une scène et une salle comme celles que nous possédons, l’orchestre est suffisant, il n’en sera plus de même lorsque vous aurez un plus grand espace.
Je ne prétends pas que nos artistes soient insuffisants comme valeur, mais ils le seront certainement comme nombre et à part quelques exceptions, il ne vous sera pas permis de composer l’orchestre nouveau avec les seuls artistes que vous posséderez à Limoges. Aussi messieurs, j’émets le vœu que la proposition que je vous soumettais l’an dernier soit mise à l’étude sans délai. C’est, je crois, l’un des moyens les meilleurs de faire revivre à Limoges la musique, cet art si apprécié, et qui cependant paraît bien délaissé. Les causes nous les rechercherons plus tard.
Ces conclusions de l’honorable rapporteur, qui traduisent avec un certain humour non dépourvu de charme l’impression personnelle de M. J.-B. Marquet, seront aussi les nôtres.
Il ne nous déplaît pas de voir un membre de la municipalité, autrefois hostile à la subvention théâtrale, convenir loyalement, après expérience faite, que la population limousine aime le spectacle, même tel que peuvent le lui offrir des directions dont les ressources sont pourtant limitées.
Cela, nous le savions, et c’est ce qui motiva la campagne entreprise par nous, il y a deux ans, en faveur du théâtre, campagne qui eut pour résultat de faire ouvrir des portes fermées depuis trop longtemps, à la grande satisfaction du public en général, et de ceux mêmes ou tout au moins de plusieurs de ceux qui continuent à se dire les adversaires irréductibles de notre scène.
Ces derniers se sont facilement convaincus, en maintes occasions, qu’en dépit des conditions forcément modestes dans lesquelles peuvent avoir lieu les représentions d’opéra-comique ou d’opérette, l’initiative hardie d’un directeur rempli de bonne volonté est heureusement secondée par ceux qu’il prétend intéresser et distraire.
Les salles sont en général bien garnies et les recettes sont assurées.
Voilà pourquoi, à défaut d’une proposition ferme ayant pour objet la reconstruction du théâtre, ce qui entraînerait notre ville à des sacrifices que son budget ne lui permet pas, hélas ! en dépit du « bon état de ses finances », que doit constater tout rapport qui se respecte, — et celui de M. Marquet est de ce nombre. — voilà pourquoi, disons-nous, le projet d’agrandissement du théâtre est de ceux dont, nous voudrions voir la réalisation prochaine.
Nous n’avons pas à développer les motifs nombreux qui militent en sa faveur. M. Marquet les a exposés en bons termes; nous nous bornerons donc, sans nous faire trop d’illusions, d’ailleurs, à joindre nos vœux à ceux du rapporteur, bien inspiré dans la circonstance. »
Salle Berlioz, Rêve de Valse – matinée gratuite – foule (05.11.1911) – Photothèque P. Colmar
Quelques travaux sont finalement effectués en 1908 et 1911. Après la construction du Cirque-Théâtre, il devient la salle Berlioz, détruite en 1953 après une longue période de désaffectation.
[1] J.L. Dutreix et J. Jouhaud, Fêtes et spectacles à Limoges à la Belle Epoque 1900 1914, Editions Flânant, 2003, p. 112.
[2] P. Vayre, « Trois directeurs de l’école de médecine de Limoges. Professeurs de clinique chirurgicale. Anciens internes des hôpitaux de Paris », Annales de chirurgie, Volume 129, n° 1, 2004, p. 52-56.