Il existe, dans les années 1880, un journal dont le siège est 10 rue des Grandes Pousses à Limoges, Le Limousin littéraire (artistique, scientifique, industriel, agricole & commercial) paraissant le dimanche. Quelques chroniques théâtrales y sont signées par un certain « Nothing », qui nous renseignent parfois sur la programmation, les comédiens et la salle. Ainsi, le 26 septembre 1886, écrit-il : « M. Duriez, le sympathique Directeur de notre théâtre, dont on a pu déjà apprécier les louables efforts, nous revient avec une troupe intelligemment choisie, autant que nous en pouvons juger quant à présent. Nous retrouvons avec satisfaction de vieilles connaissances de l’an dernier, qui ont laissé un excellent souvenir parmi nous : MM. Fontenelle, premier comique, Durnany, comique, et Mme Marie Lermil, ingénuité, que le public limousin sera heureux d’applaudir encore. Nous ne doutons pas que pareil succès ne soit assuré aux autres artistes déjà applaudis sur d’autres scènes. Nous ne pourrions assez féliciter M. Duriez de l’heureux choix qu’il a fait des Danicheff pour l’ouverture de notre saison théâtrale fixée au jeudi 30 courant et nous lui souhaitons de grand cœur tout le succès qu’il mérite. » Les Danicheff est une comédie en quatre actes par Pierre Newski, représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l’Odéon, le 8 janvier 1876. Le 3 octobre, le critique renchérit : « si le public Limousin a eu lieu d’être satisfait des débuts de la saison théâtrale sur notre scène, M. Duriez, notre sympathique directeur, ne doit pas moins s’estimer heureux du succès qui, dès le premier jour, a couronné ses louables efforts. Les Danicheff, interprétés d’une façon très convenable, ont pleinement satisfait la salle qui était comble, et nous n’hésitons pas à affirmer qu’avec la réduction du prix des places adoptée par la direction, il en sera ainsi tant que M. Duriez saura, comme il nous y a déjà accoutumés, choisir avec discernement les pièces qui conviennent à son public et les acteurs chargés de les interpréter. Hier, comme jeudi, la salle était comble, avec Bigame, pièce en trois actes de P. Billaut et A. Barré[1]. Ce soir, la Salle sera encore trop petite, car tous voudront assister à la représentation brillamment préparée de La Closerie des Genêts, drame en 7 actes[2]. » Le journal dominical nous apprend que l’on joue aussi Victor Hugo à Limoges, en 1886 toujours : « il semble qu’on ne pourra, bientôt, plus dire que les grandes pièces du répertoire des maîtres soient le privilège exclusif des Parisiens; et comme obéissant à un désir de décentralisation artistique dont nous voulons tout d’abord lui adresser nos meilleures félicitations, M. Duriez a eu le louable courage de nous servir l’un des chefs-d’œuvres de Victor Hugo. C’était beaucoup oser que de vouloir présenter sur notre scène et avec les ressources que l’on sait, Ruy-Blas (…) Le bel enchaînement à la fois philosophique et poétique du drame s’est déroulé devant nous d’une très bonne façon et l’importance du sujet avait réellement pénétré nos artistes qui, nous n’hésitons pas à le dire, se sont tous surpassés. »
Isle – château Val d’Enraud – Photothèque P. Colmar
Le 1er août 1914, alors que la France et le monde vont basculer dans une guerre meurtrière, on lit dans Limoges illustré : « Une nouvelle et dernière représentation de la Comédie-Française au Val-d’Enraud aura lieu le 2 août. Elle comprendra l‘Aventurière, la célèbre comédie en 4 actes d’Emile Augier, une des plus belles du répertoire de la Comédie Française. Mlle Marcelle Gémiat incarnera l’héroïne de la pièce, Dona Clorinde. Ce sont là des attractions hors pair que nous devons à M. Cazautet[3], le distingué et dévoué créateur de notre théâtre de la Nature limogeois. » Les derniers feux, sans doute, de la « Belle époque ».
[1] Il s’agit d’un vaudeville de 1886. L’orthographe du nom de l’un des auteurs étant plutôt Bilhaud.
[2] Drame de Frédéric Soulié (1846).
[3] Il dirigea le Cirque-Théâtre municipal.