04 Déc

Notices pour servir à l’histoire du théâtre en Limousin (26): le festival des francophonies

Chaque automne, Limoges accueille le beau festival bigarré, inventé par Pierre Debauche en 1984, mêlant théâtre, musique, danse et littérature (avec des résidences d’auteurs dans une maison qui leur est dédiée), dirigé tour à tour, après Monique Blin, par Patrick Le Mauff, Marie-Agnès Sevestre, Hassan Kassi Kouyaté.

Monique Blin (c) M. Blin

 

Monique Blin, après des études théâtrales à l’Université du Théâtre des Nations à  Paris, participe en 1966 à la création du Théâtre des Amandiers à Nanterre où elle travaille pendant 17 ans aux côtés de Pierre Debauche puis de Raoul Sangla. Sa passion pour les auteurs s’affirme à l’occasion de sa direction du Festival ; elle ouvre à Limoges la maison des auteurs où quatre-vingts se succèdent pour des résidences de trois mois de 1988 à  2000. Ses fonctions à Limoges l’amènent à voyager à travers le monde à la recherche de nouveaux  talents et d’auteurs en émergence. Sous son impulsion, le Festival devient un lieu incontournable pour de nombreux artistes des pays du Sud qui trouvent enfin l’occasion de se faire connaître et reconnaître. Elle se souvient : « J’ai participé à la naissance de ce festival dans une région que j’ai appris à connaître et à aimer pour ses qualités humaines et fraternelles, pour sa curiosité et son accueil en direction de la culture des autres. Nous avons reçu un accueil très chaleureux de la part de nombreuses communes dans le Limousin ; les artistes étaient accueillis dans les familles, des contacts ont perduré pendant plusieurs années, des actions de coopération se sont nouées. A l’occasion de l’un de mes déplacements en Afrique, je proposais à un journaliste de la région et à un élu de m’accompagner pour comprendre les situations vécues sur le terrain. C’est ainsi que la ville de Saint-Junien a envoyé une camionnette dentaire au Burkina Faso. En 1988, nous avons commencé à organiser des résidences d’écriture. La ville de Limoges a mis une maison à notre disposition avec quatre studios, face à nos bureaux, pour accueillir tout au long de l’année des auteurs du Nord et du Sud, pour partager ce temps en commun et échanger leurs expériences. L’éditeur belge Emile Lansman a publié plusieurs livres issus de ces résidences. Nous avons accueilli pour la première fois en France des artistes comme Robert Lepage (Canada-Québec), Wajdi Mouawad (Liban-Québec), Sony Labou Tansi (Congo- Brazzaville), Michel Marc Bouchard (Canada–Québec), Gao Xing Yang (Chine), prix Nobel de Littérature, Wolé Soynka (Nigéria), prix Nobel de littérature, Wéré Wéré Liking  et Souleymane Koly Kourouma (Côte d’Ivoire). 80 auteurs sont venus à Limoges entre 1984 et 1999 pour présenter leur travail. »

 

Les souvenirs de théâtre de Denis Triclot, de la Limousine aux Francos

« Les lois du succès au théâtre sont précises, incontournables, seulement personne ne les connaît. » (attribué à Louis Jouvet)

Denis Triclot (au centre), du temps de La Limousine (c) D. Triclot

 

« A part ma pratique de spectateur, rien ne me destinait plus au théâtre qu’aux autres activités professionnelles exercées précédemment, au sein d’un institut de sondages, dans un groupe semencier international, ou dans la presse quotidienne régionale. Alors qu’au début de l’été 1988, je m’apprêtai à quitter Limoges pour prendre à Paris la direction d’un mensuel mutualiste, j’apprends qu’Arlette Téphany et Pierre Meyrand, nommés depuis janvier 1986 à la direction du Cendre dramatique national du Limousin cherchent un administrateur. Plusieurs rencontres, y compris dans le froid d’été limousin avant et après des représentations, et au final une décision rapide : j’intégrerai l’équipe en septembre 1988.

Mon parcours professionnel antérieur m’avait amené entre autres à exercer des responsabilités de gestion, mais aussi à être très présent sur les problématiques des publics, de leur fidélisation, Je pouvais apporter aussi à l’équipe du Centre dramatique une bonne connaissance du tissu régional et de ses réseaux. Mais pour ce qui est de la gestion d’une entreprise culturelle, de la vie courante d’un théâtre, je n’avais pas de formation. Grâce à la confiance audacieuse d’Arlette et de Pierre, à l’accompagnement et aux conseils de Jacques Téphany, et à l’indulgence de l’équipe, je fus vite dans le bain : ma première saison, toujours hors les murs, lancement et suivi du chantier de la rue des Coopérateurs, premières émotions aussi de voir toute la fabrique du théâtre jusqu’à la représentation. Ici, c’est lieu de créations.

Pierre Meyrand et Arlette Téphany épaulé par Jacques, le frère, aiment le fonctionnement en troupe. Pas une troupe permanente, mais un groupe d’acteurs, Caroline Bigueur, Dominique Vidal, Ariane Ascaride, Gil Baladou, Michel Lebret, Claude Lévêque, Robert Sireygeol, Alain Frérot … et de collaborateurs artistiques comme Stéphane Vilar à la composition de musiques de scène, ou Claude Lemaire à la création de costumes. Alternant jeu d’acteur et mise en scène, les deux directeurs dirigent vraiment « du plateau », générant une empathie profonde avec le public. En parenté proche avec la famille et l’esprit de Jean Vilar, mais aussi conscients des évolutions de la vie sociale et politique.

A l’inauguration de la salle de la rue des Coopérateurs, des limousines de luxe accueillent le public, aux côtés de beaux spécimens de la race bovine. Le premier logo de La Limousine reprend cette thématique. Ce jeu autour du distingué et du populaire constitue à mes yeux, pour l’époque, un des beaux exemples de communication réussie.

[Les bons souvenirs] Bien sûr les Brecht, les Corneille, Une Ardente patience d’Antonio Skarmeta, Les Affaires sont les affaires d’Octave Mirbeau, synonyme des trois récompenses aux Molières, mais mon trésor presque intime reste une représentation magique donnée, lors de la création du Soir des rois, d’après Shakespeare en plein air à St-Auvent. « Et les papillons de nuit, eux-mêmes participent à la fête, amoureux qu’ils sont des projecteurs… Le charme d’une entreprise résolument tournée vers le bouffon et la sagesse poétique» (Centre France 17 juin 1990).

[Moins bons souvenirs] Les conditions du départ d’Arlette Téphany et Pierre Meyrand, remerciés avec peu d’égards : rapport d’inspection du Ministère de la Culture non communiqué aux intéressés, sans possibilité de présenter des observations (pratique heureusement modifiée depuis), édiction d’une règle de conjoncture de trois mandats de trois ans maximum, vite abandonnée.

En janvier 1996, Silviu Purcarete, metteur en scène roumain très apprécié dans son pays et dans de grands festivals de théâtre internationaux arrive à la direction du Centre dramatique national qu’il rebaptise Théâtre de l’Union. Le choix est pour moi ouvert entre suivre Arlette Téphany et Pierre Meyrand ou accompagner le parcours de Silviu Purcarete. Je tranche en faveur d’une expérience dont je pressens le caractère inédit. L’économie du spectacle vivant, la troupe permanente, le répertoire (le fait de garder plusieurs pièces susceptibles d’être présentées en alternance et sur plusieurs saisons), la formation de l’acteur, les esthétiques, dans beaucoup de domaines essentiels, la tradition et la réalité théâtrales sont bien différentes entre l’est et l’ouest de l’Europe. Silviu Purcarete n’est pas un homme de modèle, bien trop conscient des imperfections de celui qu’il a connu et pratiqué et bien trop réfractaire à toute théorisation. Nous avançons pas à pas. Silviu n’est pas acteur, mais metteur en scène, il s’exprime à la scène et par la scène. Sa relation au public est ainsi différente de ses prédécesseurs. Le texte n’est qu’un des éléments du spectacle, constitué de signes, visuels, sonores, tout aussi décisifs. Dans l’Orestie, sa première création à Limoges, Silviu proposera Les Choéphores dans une version quasiment sans paroles. Des images, des images, rapporte Georges Banu, professeur et essayiste d’origine roumaine. « Elles persistent et ouvrent l’horizon…Elles libèrent et invitent au voyage que les voiles blancs si chers à Purcarete ne cessent pas d’évoquer. Ainsi il réactive le vieux rêve du théâtre – navire, navire de l’imaginaire. »

[Je me souviens de] La Cantatrice chauve de Ionesco. Dont Silviu demande la re-création en France à son ami, Gabor Tompa et sollicite l’administrateur que je suis pour un rôle de figuration comme maître de cérémonie. Me voilà pour quelques temps sur un plateau et derrière, pendant le spectacle à manipuler les lampes pour des effets d’ombres chinoises. Jamais je n’ai côtoyé mes partenaires comédiens et techniciens d’aussi près. J’apprends énormément. Mais trêve de nombrilisme, le spectacle vaut par ses idées lumineuses de mise en scène, par le jeu des acteurs. Quelle fantastique trouvaille que ce rembobinage final en accéléré ! Qui plus est, en parfait accord avec le final proposé par Ionesco.

Le projet artistique de Silviu Puracrete intégrait l’organisation d’une école d’acteurs, associée au centre dramatique, en contact direct avec le plateau. Il s’agit de réunir un groupe d’une quinzaine de comédiens disposant d’une première expérience de formation et de leur permettre de se perfectionner, en vivant comme une petite troupe. Apprentissages réguliers, mais aussi stages d’apparence éclectique, voire contradictoires se succèdent. Le choix du nom est délibéré : il s’agit d’une Académie, où selon le sens premier, les apprentis acteurs évoluent dans un jardin promenade. L’image du jardin m’amena à suggérer comme site de l’Académie le bâtiment de l’ancienne colonie de vacances de la Ville de Montreuil à St-Priest-Taurion. Je revoie la première visite avec Silviu, lequel imagine tout de suite le potentiel du lieu, satisfait de pouvoir travailler à la fois en « boîte noire » et à la lumière du jour. Bien qu’impliquant de nombreux partenaires, la réalisation/réhabilitation/transformation est rondement menée. Un vrai succès d’ingénierie culturelle, diront certains. Pour ma part, avec les Coopérateurs, ce fut un privilège exceptionnel d’ouvrir en dix ans un deuxième lieu théâtral, de participer au lancement d’une nouvelle aventure.

La programmation des saisons, sous la conduite d’Alain Garlan, adjoint de Silviu donne une large place aux créations théâtrales internationales. Les spectateurs découvrent ainsi Fadel Jaïbi, Piotr Fomenko, Declan Donnellan, Eimoutas Nekrosius, Denis Marleau, le cirque de Pékin….L’Union même est inscrite dans des co-productions internationales, dont Silviu assure la mise en scène. De Sade est ainsi un grand projet avec l’Italie et L’Arena del Sole de Bologne, à l’occasion de Bologne, capitale européenne de la Culture […].

Le départ de l’administratrice du Festival des francophonies en Limousin ouvre alors en 2001 l’occasion d’une nouvelle expérience. Ma candidature est retenue par Patrick Le Mauff, récemment nommé directeur. Prise de poste juillet, deux mois avant le début du festival. Je n’ai jamais travaillé aussi intensément que pendant l’été 2001 ! Le festival me permet de poursuivre ce que j’ai toujours pratiqué, travailler auprès des artistes (par contrat, les directeurs des centres dramatiques nationaux doivent être artistes, et Patrick Le Mauff est lui même acteur et metteur en scène.)

Avec Marie-Agnès Sevestre, à partir de 2006, le binôme de direction fonctionne différemment, toujours au service des projets artistiques, avec une approche plus programmatrice : axée sur la génération d’actes de création, de l’écriture à la mise en scène, en passant par les lectures en comités spécifiques et en public, la circulation des textes, tout en s’efforçant de fédérer des partenariats.

[Ce qui m’a intéressé aux Francos] L’ouverture vers de nouvelles disciplines : la danse, la musique, les résidences d’écriture, les arts plastiques, la photographie. La confrontation festivalière d’esthétiques et de moyens, entre la Francophonie du Nord, souvent riche et la Francophonie du Sud, souvent pauvre. Limoges est le seul endroit au monde où une telle proximité existe. Ce n’est pas sans susciter des difficultés, mais à coup sûr, cela fait le plus souvent pour le spectateur, enrichissement personnel et apprentissage de la diversité, et pour la Ville et la Région ouverture au monde.

[Des difficultés] Les différences importantes de culture entre les pays francophones amènent parfois à s’interroger sur la pertinence à faire venir à Limoges, des spectacles sortis de leur contexte. Transposer un acte artistique du village sénégalais au centre culturel Jean-Gagnant n’est pas innocent, ne conduit pas au même spectacle, ni à la même réception. La réponse à cette problématique n’est pas univoque, certains spectacles pouvant, plus que d’autres, bénéficier d’un « accompagnement  spécifique». Une autre préoccupation est d’éviter les projets formatés pour plaire au public professionnel de programmateurs européens.

[Mes souvenirs de spectacle aux Francophonies] La période d’activité professionnelle n’est pas, dans un festival, le moment le plus approprié pour apprécier la représentation, l’esprit étant souvent occupé par des questions multiples de visas non délivrés, de contrôles divers et variés, de besoin de renforts inattendus… Alors pour citer quelques beaux moments :  la première venue en France du congolais Dieudonné Niangouna pour l’ouverture du Théâtre du Cloître à Bellac, la danse (de dos) des burkinabés Salia Sanou et Seydou Boro, et celle toute verticale du congolais DeLavallet Bidiefono, Junun, des tunisiens Fadel Jaïbi et Jalila Baccar, Les aveugles, de Maeterlinck par le canadien Denis Marleau, Ubu roi, de l’italien Marco Martinelli, avec son armée de palotins sénégalais et limougeauds.

[Un regret] Depuis le retrait de Pierre Debauche, l’absence dans la programmation du Festival, d’une mise en scène d’un texte contemporain francophone par le directeur du centre dramatique. Mais il ne faut pas désespérer, la coopération existe entre ces deux entités vouées à la création et peut évoluer….

[Les challenges] L’accueil des artistes étrangers ; visas, autorisations de travail, fiscalité… le sujet est complexe. Le fléchissement des subventions et des moyens, surtout ressenti à partir de 2006, qui réduit la « marge artistique » et rend le bouclage des budgets délicat. La période des changements de direction, où l’administrateur peut parfois se sentir bien seul, mais où il peut tout à la fois, s’engager et engager l’équipe dans un nouveau projet, remettre en cause des habitudes de travail, ouvrir de nouveaux chantiers, découvrir des horizons insoupçonnés.

[ce que j’aime au théâtre] la générosité, elle s’exprime aussi bien dans la tragédie que dans la comédie… »

 

En décembre 2002, Henri de Coignac délivre un rapport d’évaluation du Festival[1], dans le cadre de la Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement du Ministère des Affaires Etrangères, dans lequel il écrit : « Les  objectifs  ont  été  clairement  définis  et  les  activités  déployées  par  le  FIFL  sont  en cohérence  et  efficaces.  Le  festival  s’emploie  à  faire  connaître  et  à  diffuser  les  œuvres  des auteurs  et  des  artistes  de  l’espace  francophone.  Il  facilite  les  rencontres  et  favorise  les échanges  entre  auteurs,  metteurs  en  scène  et  comédiens  afin  de  promouvoir  l’écoute réciproque  et  de  stimuler  la  création.  Ses  productions  ou  coproductions  sont  la  résultante de ces échanges et sa référence appréciée (…) La  programmation  est  adaptée  aux  objectifs,  elle  privilégie  le  théâtre  tout  en  maintenant une  diversité  originale  et  nécessaire ;  la  danse,  la  musique  et  le  cinéma  sont  traités  en accompagnement des représentations théâtrales. L’articulation avec le pole francophone est satisfaisante et féconde, elle pourrait être approfondie avec l’université (…) L’implantation  du  festival  à  Limoges  a  donné  à  la  ville  une  dynamique  et  une  dimension nouvelle que l’industrie de la porcelaine, en déclin, ne suffisait plus à entretenir. Le festival a  imprégné  toute  la  vie  culturelle  limousine  et  suscite  de  nombreuses  réalisations  liées  à l’art  et  à  la  culture  francophone.  Le  pole  francophone  constitue  une  référence  pour  tous ceux qui s’intéressent à la francophonie en France et à l’étranger. Une véritable vocation de partenariat  avec  les  pays  de  l’espace  francophone  est  née  et  a  favorisé  de  multiples coopérations avec l’Afrique et plus particulièrement le Burkina. » Il concluait : « La  francophonie  a  mauvaise  réputation  en  France,  se  placer  sous  sa  bannière  est  un  pari dangereux.  Une  coterie  d’intellectuels  y  voit,  sans  le  dire  expressément,  une  tentative  de colonialisme  déguisé  et  refuse  de  considérer  que  cette  institution  jouit  d’un  grand  crédit auprès  de  nos  partenaires.  Cette  méfiance  rampante  est  insupportable,  elle  devrait disparaître. La célébration du vingtième anniversaire du festival en 2003 offre une excellente occasion au  Ministre  de  prendre  parti  et  de  rendre  à  l’entité  francophone  son  sens,  sa  valeur  et  sa dignité. »

Depuis le 13 septembre 2008, le parvis situé devant la Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges s’appelle place Aimé-Césaire, en hommage à l’écrivain et homme politique martiniquais, à la fois poète, dramaturge, essayiste, et biographe. Il écrivit notamment la pièce Et les chiens se taisaient, en 1958, qui fut jouée au Festival des Francophonies en 1993 , dans une mise en scène du Haïtien Hervé Denis – c’est la vie d’un homme, d’un révolutionnaire, revécue par lui au moment de mourir au milieu d’un grand désastre collectif. C’est à cette occasion que François Mitterrand, président de la République, vint assister à un spectacle du festival pour la première fois.

 

Longue, langue, lune

 

C’est la nouvelle affiche des 21èmes Francophonies en Limousin: un bas de visage vert et une langue tirée comme le fit en son temps Mick Jagger[2]. Une belle langue rose, bien longue, une jolie langue maternelle, dont on ne devrait pas avoir honte et qui même devrait apparaître comme une langue résistante et en tout cas provocatrice. Une langue de Martiens, de fraternité partagée du Québec à l’Afrique et de Paris à l’Asie. Une langue rose aujourd’hui mais qui fut par le passé – et peut-être encore aujourd’hui – celle de la sombre colonisation: d’abord en France, en Bretagne ou ici, en Limousin, avant de s’expatrier en Algérie et ailleurs. Langue conquérante et aussi langue émancipatrice, langue de poètes, d’écrivains et de dramaturges, langue divergente à l’O.N.U. avant l’intervention américaine illégale en Irak. Langue menacée d’être langue morte.

Longue langue, Lune. Prévert écrivait: « De deux choses lune, l’autre, c’est le soleil. » La langue qui dit la lune, c’est celle des poètes et des incertains, celle de la nuance et du dialogue au crépuscule. C’est la langue de la douceur, et l’on rêve que cette douceur soit longue. L.B.

Hassan Kassi Kouyaté (c) Service de presse du Ministère de la Culture

En 2018, Hassan Kassi Kouyaté, comédien, conteur et metteur en scène burkinabé de 54 ans, né dans une famille de griots[3], devient le directeur du Festival, qu’il fréquente depuis qu’il était étudiant. Il apprécie le Limousin par ailleurs. Avec sa compagnie Deux Temps Trois Mouvements, il a créé une quarantaine de pièces de théâtre, en France et autres pays d’Europe, en Afrique, en Amérique Latine, dans les Caraïbes, etc. Avant Les Francophonies, il dirigeait la scène nationale Tropiques Atrium en Martinique. Il a aussi créé, assumé la direction artistique et/ou préside encore nombre de lieux de théâtre et festivals dans divers pays : le festival Yeleen au Burkina Faso, le festival des Petites formes et Caravane des Mots en Martinique, Théâtre Galante à Avignon, etc. Il est membre du collège de la diversité au ministère de la Culture et de la communication. Au moment de sa nomination, il a déclaré : « Je suis un directeur francophone, avec un projet francophone, attentif à la pertinence des contenus et des esthétiques. Mais je ne peux nier que je suis Africain. Mon attention est aiguisée quant à ce continent, qui a beaucoup à apporter. »[4] Hassan Kassi Kouyaté souhaite également développer Nouvelles zébrures, manifestation littéraire annuelle, lancée en 2006 qui se déroule en mars, entre deux éditions du Festival. A partir de l’édition 2019, à Limoges et aussi à Bruxelles ou Sarrant, dans des collèges ou lycées, sous la tente berbère (dans le jardin de la Maison des auteurs), dans des théâtres ou dans la rue, dix jours ont été consacrés à explorer de « nouveaux territoires d’écritures, du premier geste à la scène. » En juin 2019, le Festival des francophonies en Limousin change de nom pour devenir Les Francophonies – Des écritures à la scène, deux festivals de création de onze jours devant désormais jalonner l’année, l’un en mars, festival consacré aux écritures[5], les Zébrures de printemps, le second fin septembre-début octobre, festival consacré au spectacle vivant, aux arts visuels et à leurs artistes, les Zébrures d’automne.

Maison des auteurs Festival des francophonies

            La Maison des auteurs liée au festival accueille des résidences d’écriture. Des écrivains, se dédiant principalement à l’écriture théâtrale mais aussi à d’autres genres littéraires (roman, poésie et éventuellement traduction), viennent y faire un séjour de deux à trois mois. Ils bénéficient pour cela d’une bourse accordée par différents organismes (Centre national du Livre, CulturesFrance, Beaumarchais …). Cette Maison voit passer dans ses murs des auteurs d’expression française vivant en Afrique, en Amérique du Nord, au Proche-Orient, au Maghreb, dans l’océan Indien ou en Europe. En 20 ans, plus de 150 auteurs d’une trentaine de pays différents sont venus travailler sur leur œuvre personnelle, tout en participant à de multiples rencontres avec les publics. En effet, lectures, débats, animations littéraires, ponctuent leur temps de résidence. La Maison des auteurs est partenaire de quatre prix littéraires : le Prix Sony Labou Tansi des Lycéens, le Prix de la Dramaturgie de langue française de la SACD, le Prix ETC_Caraïbe et, depuis 2014, le Prix RFI Théâtre.

 

Le Prix Sony Labou Tansi des Lycéens

 

Depuis 2003, le Pôle de Ressources pour l’Éducation artistique et culturelle « Écritures contemporaines francophones et théâtre » a mis en place dans l’Académie de Limoges un comité de lecteurs lycéens du théâtre francophone. Ce prix est devenu aujourd’hui international. Il a pris son essor en Nouvelle-Aquitaine, accueillant plus de 700 lycéens des académies de Limoges, Bordeaux et Poitiers, tout en renforçant son rayonnement dans toute la France et à l’étranger. En 2018, plus de 1300 lycéens participent au vote. Ce prix permet aux lycéens de plusieurs pays de découvrir des œuvres théâtrales modernes, atypiques, incisives, et pertinentes où l’acte de lire n’est plus seulement un rapport au texte mais aussi un rapport au monde. Il porte le nom de Sony Labou Tansi, grand auteur dramatique congolais dont l’œuvre marque l’histoire de la littérature francophone et qui fut un compagnon du festival des Francophonies en Limousin dès ses débuts. Sony Labou Tansi est décédé en 1995.

Les lauréats :

2003 : Ahmed Ghazali – Le Mouton et la baleine, (éditions Théâtrales),

2004 : Carole Fréchette – Le Collier d’Hélène (éditions Lansman) et Wajdi Mouawad – Incendies, (éditions Actes Sud-Papiers),

2005 : Moussa Konaté – Un Appel de nuit, (éditions Lansman),

2006 : Marie-Christine Lê-Huu – Jouliks, (éditions Lansman),

2007 : Nasser Djemaï – Une étoile pour Noël, ou l’ignominie de la bonté, (éditions Lansman),

2008 : Ben Hamidou, Nacer Nafti, Gennaro Pitisci et Sam Touzani – Gembloux, à la recherche de l’armée oubliée, (éditions La Mesure du possible),

2009 : Suzanne Lebeau – Le Bruit des os qui craquent, (éditions Théâtrales),

2010 : Vincent Zabus – Les Ombres (éditions Lansman, 2008),

2011 : Manuel Antonio Pereira – Mythmaker, ou l’obscénité marchande(éditions Espaces 34, 2010),

2012 : Régis Duqué – Hors-la-loi, Lansman,

2013 : Jean-Marie Piemme – Dialogue d’un chien avec son maître ou de la nécessité de mordre ses amis, Editions Actes Sud-Papiers, en 2013.

2014 : David Paquet – 2h14,

2015 : Sarah Berthiaume – Yukonstyle (Canada-Québec), Editions Théâtrales

2016 : Guillaume Poix – Straight (France) Editions théâtrales

2017 : Léonore Confino (France) : Le Poisson belge, Actes Sud Papiers

2018 : David Paquet, Le Brasier, Leméac

2019 : Marine Bachelot Nguyen, Le fils, Editions Lansman

 

 

 

 

 

 

 

[1] http://www.oecd.org/derec/france/36484249.pdf

[2] J’écrivis ce billet pour la radio RCF le 18 septembre 2009.

[3] Le griot (ou djeli, djéli ou encore jali), aussi appelé barde est une personne qui officie comme communicateur traditionnel en Afrique de l’Ouest.

[4] Site du Populaire du Centre, 06/02/2019.

[5] Qui sait ? Peut-être sera-t-il même ouvert aux auteurs vivant en Limousin… ?