18 Fév

Notes pour servir à l’histoire du théâtre à Limoges et en Limousin, introduction (1)

Billet pour le Cirque-Théâtre de Limoges (c) Photothèque Paul Colmar

 

« Ici c’est Limoges » vous propose une série de notes pour servir à la riche histoire du théâtre à Limoges et en Limousin. Les sources utilisées sont en partie indiquées ci-dessous et en notes de bas de page. Des citations sont extraites de la presse depuis le XVIIIème siècle, de travaux antérieurs d’historiens et d’érudits, de publications sur divers sites et de témoignages inédits. Si, toutefois, le lecteur repère des sources non explicitement mentionnées, qu’il n’hésite pas à nous le signaler.

On se reportera également avec profit, sur ce blog, à la tentative de recension des auteurs dramatiques limousins et aux publications déjà faites à propos de l’histoire du théâtre à Limoges. Les notes publiées ici sont complémentaires. 

 

Bibliographie complémentaire aux notes de bas de page

BACKES C., Anthologie du théâtre français du 20e siècle, folioplus classiques, Gallimard, 2011.

BOURDELAS L. (Dir.), Analogie, revue d’art et de critique et La Lettre d’Analogie, Limoges, 1985-1998.

BOURDELAS L., Du pays et de l’exil – Un abécédaire de la littérature du Limousin, Les Ardents Editeurs, 2008.

BOURDELAS L., Histoire de Limoges, Geste Editions, 2014.

CARRIAT A., Dictionnaire bio-bibliographique des auteurs du pays creusois et des écrits le concernant des origines à nos jours, Société des Sciences naturelles et archéologiques de la Creuse, Aubusson, 1988 (rééd. de 1964).

Collectif, Corrèze, Christine Boneton, 2017.

Collectif, Creuse, Christine Bonneton, 2007.

CORBIN A., Archaïsme et modernité en Limousin au XIXème siècle, 1845-1880, La rigidité des structures économiques, sociales et mentales, PULIM, 1998.

DUTREIX J.L. et JOUHAUD J., Fêtes et spectacles à Limoges à la Belle Epoque 1900-1914, Editions Flânant, 2003.

FERRER J.M., La vie d’un théâtre de province en France au XIXème siècle. Le théâtre de Limoges de 1840 à 1870, Mémoire de maîtrise d’histoire, Université de Limoges, octobre 1985.

HENRARD N., Le Théâtre religieux médiéval en langue d’oc, Droz, Genève, 1998.

JANNOT I. (rédactrice en chef), « Le théâtre et ses auteurs », Machine à feuilles n° 5,

mars 1999.

PRECICAUD M., Le théâtre lyrique à Limoges 1800-1914, Pulim, 2001.

SOUTENET E., Chroniques 1900 Limoges à la Belle Epoque [à propos d’Hemma-Prosbert], Editions Culture & Patrimoine en Limousin, 2012.

YON J.-C. (Dir.), Le Théâtre français à l’étranger au XIXe siècle: Histoire d’une suprématie culturelle, Nouveau Monde Editions, 2008.

 

Sites internet les plus consultés

Bfm Limoges (collections numérisées) ; Ciné-Club de Caen ; L’Empreinte ; Les Francophonies en Limousin ; Le site officiel de l’Académie Giraudoux ; Gallica ; IPNS ; Marchoucreuse ; Masquarades ; Médiapart ; La Montagne ; Le Point ; Le Populaire du Centre ; Scène Nationale Aubusson ; Théâtre Antoine ; Théâtre du Cloître ; Théâtre-Documentation.com ; Théâtre de L’Ecale ; Théâtre de L’Union ; Urbaka ; Théâtre de La Grange ; Théâtre contemporain.net.; Wikipédia (avec recoupements).

 

Remerciements

A Paul Colmar. A tous ceux qui ont témoigné pour ce travail.

Au très précieux Pôle Patrimoine de la BFM de Limoges, à Laure Fabry et à tous les bibliothécaires qui y œuvrent avec compétence et serviabilité.

A Marie-Noëlle Agniau ; Gérard Frugier ; Olivier Bailly ; Chris Dussuchaud ; Pascal Jeanoutot ; Frédérique Meissonnier ; Jean-Louis Roland ; Georges Chatain ; Jean-Philippe Villaret ; Christophe Lagarde ; Pascal Léonard.

 

Contre-marque, Cirque-Théâtre de Limoges (c) Photothèque P. Colmar

 

«  En vérité, s’il y a bien de mauvais auteurs, il faut convenir qu’il y a

encore plus de mauvais critiques. Et quand je pense au dégoût que les poètes dramatiques

ont à essuyer, je m’étonne qu’il y en ait d’assez hardis pour braver  l’ignorance de la

multitude et la censure dangereuse des demi-savants qui corrompent quelquefois

le jugement du public. »

Lesage, Histoire de Gil Blas de Santillane

 

« Nous voulons de la vie au théâtre, et du théâtre dans la vie. »

Jules Renard, Journal

 

« Le théâtre n’est pas un jeu, c’est là ma conviction. »

Albert Camus, Le Malentendu Théâtre

 

 

AVANT-PROPOS

 

           

Dans le Roman de Thèbes, ouvrage écrit à la fin du XIIème siècle à la cour de Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre, et inspiré de la Thébaïde – poème épique latin de Stace, composé au Ier siècle –, dont les personnages principaux sont Étéocle et Polynice, les fils d’Œdipe, le mot « théâtre » signifie le « lieu de tournois ». Ce n’est qu’en 1398 qu’on le trouve avec la  signification de « salle de spectacle » et « genre de comédie » et au XVème siècle avec le sens de « lieu dramatique ». Mais, on le sait, théâtre vient du  grec ancien :θέατρον, « theatron », qui désignait également la scène ou le plateau, c’est-à-dire toute la partie cachée au public par le rideau. Selon Aristote, il serait issu du dithyrambe lors des fêtes en l’honneur de Dionysos, dieu du vin, des arts et de la fête, à l’époque archaïque. Le théâtre, c’est le souvenir d’Eschyle, de Sophocle, d’Aristophane ; de Plaute, de Térence, de Sénèque. C’est celui des miracles, des mystères et des farces médiévales. Et puis c’est Shakespeare, Racine, Corneille, Molière, Marivaux, Beaumarchais, Victor Hugo, Edmond Rostand, et tous ceux qui suivirent. Le théâtre, c’est Calderon, Goldoni, Goethe, Ibsen, Tchékov, Ionesco et tous les autres.

Le théâtre, c’est vivant, polémique – c’est la bataille d’Hernani –, divertissant, intelligent, poétique, émouvant. Le théâtre, depuis toujours, ce sont des femmes et des hommes de talent, passionnés, courageux, des aventuriers à la fabuleuse mémoire qui nous font rire, pleurer et réfléchir, dans toute leur diversité : les comédiens, les metteurs en scène, les régisseurs, mais aussi les éclairagistes, les costumières, les musiciens, les mimes, les décorateurs, les ouvreuses… La plupart vont jusqu’au bout d’eux-mêmes, comme ce 17 février 1673 où Molière s’effondra sur scène en jouant Le malade imaginaire. Ce sont à la fois des fous et des sages. On voudrait citer tant d’auteurs. Lorca : « le théâtre, c’est la poésie qui se lève et se fait humaine. » Barrault : « le théâtre est le premier sérum que l’homme ait inventé pour se protéger de la maladie de l’Angoisse. » Jouvet : « rien de plus futile, de plus faux, de plus vain, rien de plus nécessaire que le théâtre. »

Le public est impatient avant la représentation, comme dans la chanson de Charles Aznavour :

 

« Viens voir les comédiens

Les musiciens

Les magiciens

Qui arrivent ».

 

Le spectateur donne son manteau, prend un programme, cherche sa place, éteint son téléphone (parfois lorsqu’il sonne), écoute, rit, parle, commente, salue ou évite, éternue, se mouche et se racle la gorge, pleure, chante, siffle, applaudit, sort, claque les portes, revient, effleure la main de sa voisine, le spectateur s’ennuie, s’endort, ronfle ou fronce les sourcils ; parfois, il a le texte de la pièce sous les yeux pour vérifier on ne sait trop quoi ; il sort fumer à l’entracte, ou boire un coup, parfois, il ne revient pas ; il fait des ovations ou demeure indifférent ; le spectateur lit des critiques.

 

Laurent Bourdelas collégien au Centre culturel Jean Gagnant de Limoges dans une représentation en russe de L’ours de Tchékhov (c) J.M. Bourdelas

 

Comment m’est venu ce goût immodéré pour le théâtre ? Une propension naturelle et héréditaire, sans doute, à faire le clown, dès mon plus jeune âge. Dès sept ans, en 1969, je mimais les Wallace Collection chantant Daydream, avec un manche à balai pour micro dans l’appartement familial non loin de la cathédrale de Limoges. A peine plus tard, je montai sur la scène de la kermesse paroissiale de Saint-Paul-Saint-Louis, rue Malesherbes. Et il y avait l’épreuve des récitations ! Dès l’école primaire, il fallait apprendre – avec maman – des fables de La Fontaine et d’autres textes, au gré des envies du maître et des instructions ministérielles ; mon sentiment était partagé : j’étais dévoré par le trac mais, une fois désigné et sur l’estrade, je brillais devant mes camarades. J’ai eu la chance d’avoir des professeurs formidables nous communiquant ce savoir et cette passion du théâtre, dès le collège Donzelot. Ainsi Madame Guillou nous faisant jouer Les Fourberies de Scapin (j’étais Octave) et Knock. Jusqu’en classes préparatoires au lycée Gay-Lussac de la capitale limousine, au pays de Pourceaugnac, je n’eus que d’excellents professeurs de lettres et de latin qui nous enseignèrent les richesses et les subtilités de cet art. Et puis, à la maison, on regardait (religieusement) « Au théâtre ce soir », émission de télévision de Pierre Sabbagh, commençant par les trois coups du brigadier et s’achevant par la célèbre phrase : « les décors sont de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell ». Je me souviens encore de ma première pièce au Grand Théâtre de Limoges, Les Fourberies de Scapin (aussi !), dépoussiérée par la Comédie Française, à laquelle ma mère m’avait amené. Quelle joie ! J’accompagnai aussi un certain temps un ami de mon père, Jacques Ruaud – par ailleurs compositeur – qui faisait la pige à L’Echo du Centre et m’inculquait quelques rudiments de critique. Plus tard, il y eut Les Séquestrés d’Altona mis en scène par Laruy au Théâtre de la Visitation et puis, surtout, le moment Debauche. J’avais changé de statut ; depuis 1983, j’animais une émission culturelle, Analogie, qui aboutirait à une revue littéraire. Je me formais à la critique théâtrale « sur le tas », et cela devint l’une de mes passions. C’est à cette époque que le comédien Damien Odoul me proposa d’être le vice-président de la Ligue d’Improvisation Théâtrale du Limousin (la Lili), ce que j’acceptai avec enthousiasme. Les matches me procurèrent beaucoup de plaisir. Plus tard, je devais même me livrer à quelques mises en scène, et certains de mes textes furent adaptés sur les planches, tout en étant « compagnon de route » de quelques compagnies ou même du Festival des Francophonies. Le théâtre, une passion, que j’ai aussi essayé de transmettre à mes élèves.

Mais pourquoi écrire sur le théâtre en Limousin ? Début 2014, un comédien parisien sur le retour prononça sur un plateau de télévision ces paroles d’une confondante sottise à propos de Limoges : « C’est LA ville où il ne faut pas aller au théâtre [car les spectateurs] ne viennent pas. » Cela me révolta, comme d’autres Limougeauds. Mais surtout, cela me donna l’envie d’écrire sur ce « Limousin terre de théâtre », de montrer la vivacité théâtrale de cette région et pas uniquement dans la période contemporaine. Car si le théâtre s’est redynamisé après la Seconde Guerre mondiale et encore plus singulièrement dans les années 1970-80, il avait existé, sous diverses formes et avec des succès divers, depuis bien plus longtemps – certes encore plus dans la capitale régionale. J’en donne ici des preuves, exhumant certains articles et informations parfois oubliés. Il suffit – pour se rendre compte de cette activité – de lire les journaux et revues conservés à la Bibliothèque Francophone Multimédia. Déjà, en 2008, écrivant sur les écrivains limousins[1], je m’étais aperçu du nombre relativement important d’auteurs dramatiques.  Mais ce n’est pas exactement ici un travail historique exhaustif. Il n’y aurait malheureusement pas la place de citer tous les comédiens, toutes les troupes. Parfois même, il est difficile de retrouver des traces. J’ai donc pris des exemples, des parcours, illustrés par les témoignages précieux de certains et par quelques critiques que j’ai moi-même pu écrire. A chacun de compléter avec ses propres souvenirs et ses expériences.

 

Le Pompier : Voulez-vous que je vous raconte des anecdotes ?

Mme Smith : Oh, bien sûr, vous êtes charmant.

Elle l’embrasse.[2]

 

A suivre…

 

 

[1] Du Pays et de l’exil, Un abécédaire de la littérature en Limousin, Les Ardents Editeurs, postface de Pierre Bergounioux.

[2] Eugène Ionesco, La cantatrice chauve, Gallimard.