15 Jan

Le clocher de la cathédrale Saint-Etienne de Limoges

(c) L. Bourdelas

Il me semble que depuis l’incendie de Notre-Dame de Paris, certains ont appris à mieux regarder ces grands et beaux monuments de pierre surgis d’une époque dont elles sont les fastueux témoins. Un temps où l’on voulait construire toujours plus haut et où la fabrication et la mise en place des rosaces, des verrières coloriées, permettait à la lumière – que l’on pensait divine – d’entrer à pleins flots dans l’édifice. Le temps des cathédrales, pour reprendre l’expression du grand médiéviste Georges Duby, dont les œuvres viennent d’entrer à La Pléiade, où il montra la nécessité de saisir l’art médiéval dans sa dimension sociale, idéologique et spirituelle.

Ces temps-ci, toutefois, un regret : lorsqu’on entre en ville, la nuit tombée, par les Casseaux (qui devraient être la plus belle porte de la ville) ou lorsqu’on essaie de l’apercevoir au bout de la Vienne, depuis le pont sur l’A20, on ne voit plus la cathédrale vraiment éclairée, en tout cas on ne distingue plus le clocher si caractéristique. Le grand vaisseau gothique est sombre, lui dont la voûte aspire à côtoyer les lumineuses étoiles. M. Didier Frank, du Service des Réseaux Urbains à Limoges, m’en a donné l’explication : « les éclairages de mise en valeur de la cathédrale ne fonctionnent plus du fait des travaux de réfection de l’étanchéité des terrasses et des garde-corps de la nef menés par la DRAC. En effet, les armoires de commande se situant sur ces terrasses ont dû être déposées. Les travaux sont prévus jusqu’en 2021. » Nous nous sentons un peu orphelins de cette mise en lumière, mais nécessité fait loi et la cathédrale datant du XIIIe siècle, nous aurons la patience d’attendre deux ans.

C’est le 1er juin 1273 que le doyen du chapitre cathédral, Hélie de Malemort, posa solennellement la première pierre de l’édifice, mais le chantier dura plusieurs siècles. Son clocher conserva sur trois niveaux la tour-porche du XIe siècle, l’entrée ouest de la précédente cathédrale romane. La flèche fut détruite une première fois en 1483 par la foudre, puis remplacée par une toiture pyramidale recouverte de plomb, foudroyée en 1571 ! Elle ne fut jamais refaite. Longtemps, clocher et nef furent séparés, la cathédrale n’étant pas achevée. Les peintures ou photographies d’époque montrent le clocher comme une vieille sentinelle écartée de ce qu’elle doit garder. Les travaux reprirent en 1875, grâce au volontarisme de Mgr Duquesnay. L’architecte Bailly décida de conserver la tour-porche, un projet de reconstruction d’une flèche fut envisagé mais non retenu. L’évêque Renouard consacra le bâtiment achevé le 12 août 1888.

Un siècle plus tard, l’anniversaire fut célébré en grandes pompes par Yann Kersalé, l’un des pionniers en France de la mise en lumière architecturale qui, avec « Mouvance de pierres » magnifia la cathédrale Saint-Etienne de ses éclairages colorés et magnifiques, recréant même la flèche. Nous fûmes de nombreux Limougeauds, cet été-là, à venir contempler ce spectacle magique. Trente ans plus tard, on attend donc avec impatience le moment où l’on pourra dire devant le monument la célèbre phrase de la Genèse : Fiat lux. Et la lumière sera.

 

(Publié dans Le Populaire du Centre)