Boucherie Antoine Juge, place des Bancs, Limoges (c) Paul Colmar
Au peintre M. Roly.
Comme son aïeul lointain
Qui vit Henri quatre et comme
Son fils tout fier de son teint,
Il pend, il tranche, il assomme.
Il est court, robuste et net,
Sans un poil de barbe et porte
Sabots clos et blanc bonnet
Pour pendre au seuil de sa porte.
Rose ainsi qu’un fin gigot
Sa lèvre ergote et patoise,
Et d’un iris indigo
Il vous pénètre et vous toise !
Sa femme, pâle et les doigts
Pris à l’or éteint des bagues,
Surveille en bandeaux étroits
L’étal de ses regards vagues.
Il est traditionnel.
Il boit au roi de la fève
Et brûle un tronc pour Noël,
Hanté d’un primitif rêve.
Il est l’autrefois. Il a
Le respect des écus, l’ordre,
Sa foi qu’on lui planta là
Comme un roc… où l’on peut mordre.
Il a sa chapelle à lui
Dont l’ogive est un œil terne,
Sa rue enfin gravé où luit
Un jour succinct de poterne.
0 sa rue ! un coin resté
De ce moyen âge énorme,
Délicat en vérité
Et charmant s’il fut informe.
Les toits y sont hauts et bas
Et les murs semblent des ventres
De bons bourgeois lents et gras,
Et les boutiques des antres;
Et l’on serait peu surpris,
Par un soir de lune pleine,
D’y heurter quelque clerc gris
En souliers à la poulaine.