06 Jan

Lemouzi : organe mensuel de l’Ecole limousine félibréenne, juillet 1901, Le Boucher, par Edouard Michaud, poète, écrivain et dramaturge limousin.

Boucherie Antoine Juge, place des Bancs, Limoges (c) Paul Colmar

 

 

Au peintre M. Roly.

 

 

Comme son aïeul lointain

Qui vit Henri quatre et comme

Son fils tout fier de son teint,

Il pend, il tranche, il assomme.

 

Il est court, robuste et net,

Sans un poil de barbe et porte

Sabots clos et blanc bonnet

Pour pendre au seuil de sa porte.

 

Rose ainsi qu’un fin gigot

Sa lèvre ergote et patoise,

Et d’un iris indigo

Il vous pénètre et vous toise !

Sa femme, pâle et les doigts

Pris à l’or éteint des bagues,

Surveille en bandeaux étroits

L’étal de ses regards vagues.

 

Il est traditionnel.

Il boit au roi de la fève

Et brûle un tronc pour Noël,

Hanté d’un primitif rêve.

 

Il est l’autrefois. Il a

Le respect des écus, l’ordre,

Sa foi qu’on lui planta là

Comme un roc… où l’on peut mordre.

 

Il a sa chapelle à lui

Dont l’ogive est un œil terne,

Sa rue enfin gravé où luit

Un jour succinct de poterne.

 

0 sa rue ! un coin resté

De ce moyen âge énorme,

Délicat en vérité

Et charmant s’il fut informe.

 

Les toits y sont hauts et bas

Et les murs semblent des ventres

De bons bourgeois lents et gras,

Et les boutiques des antres;

 

Et l’on serait peu surpris,

Par un soir de lune pleine,

D’y heurter quelque clerc gris

En souliers à la poulaine.