À partir de 1964, Jean-Pierre Laruy (pseudonyme de Jean-Pierre Lévy, 1941-1987), ancien étudiant en khâgne à Henri IV et en philosophie à La Sorbonne et élève de la rue Blanche est, avec Georges-Henri Régnier, le codirecteur du Théâtre du Limousin. Après plusieurs années de présence régulière en Limousin, l’équipe constituée autour des directeurs est devenue, à l’initiative du ministère de la Culture, une troupe nationale permanente. Georges-Henri Régnier, codirecteur, ayant été appelé à la direction du théâtre de Bourges (1972), Jean-Pierre Laruy est demeuré seul pour assurer, à Limoges, la direction du Centre Théâtral du Limousin devenu Centre dramatique national du Limousin, qu’il dirige jusqu’en 1983. Entre 1961 et 1983, Jean-Pierre Laruy met en scène quelque 80 spectacles, dans lesquels il peut aussi jouer (et même faire office de traducteur ou composer la musique, avec aussi Yves Desautard ou Pierre-Jean Leymarie) : Beckett, Claudel, Molière, Pirandello, Sartre, Marivaux, Sophocle, Tennessee Williams, Musset, Ionesco, Vitrac, Giraudoux, Balzac, Strindberg, Hugo, etc. La pièce La Mouche verte, qu’il a écrite avec Daniel Depland, a été éditée en 1981 par L’Avant-Scène théâtre. Les spectacles sont joués parfois au théâtre municipal de Limoges, au Centre culturel municipal Jean Gagnant et dans divers lieux du département (comme le parc Charles Sylvestre, à Bellac, qui accueille Pétronille tu sens la menthe, chansons de la période 1900-1930). La comédienne Andrée Eyrolle se souvient aussi : «On allait dans les villages, mais on ne se contentait pas de jouer, on restait huit jours au même endroit, on organisait des parades avec des tracteurs, on écoutait les gens, on inventait avec eux.» Laruy se produit encore au théâtre de la Visitation, rue François Chénieux à Limoges. La Visitation est une ancienne chapelle construite au XVIIIème siècle par Joseph Brousseau. Le couvent est devenu, à la Révolution, tribunal puis prison insalubre. Il abrite aussi durant les premières décennies du XIXème siècle la bibliothèque municipale, une école d’enseignement mutuel, et la pépinière départementale. L’armée s’y installe ensuite, ce qui n’empêche pas l’accueil de spectacles dans la chapelle. En dehors de ses propres mises en scène, Laruy invite d’autres artistes, comme Jean Alambre, auteur et chanteur, qui met en scène, en 1976 Le massacre des Primevères. Néanmoins, le nombre d’abonnés fléchit.
Au début 1975, l’Etablissement Public Régional vote un crédit de 400 000 francs destiné à l’achat d’un matériel mobile permettant des actions d’animation culturelle itinérantes et régionales (460 places) ; ce sera la mission des Tréteaux de la terre et du vent, associés au Centre Dramatique du Limousin, dirigés par Hassan Geretly – d’origine égyptienne, diplômé des Universités de Bristol et de La Sorbonne, il est rentré en Egypte en 1982, où il a été assistant de Youssef Chahine, puis a fondé la compagnie théâtrale El Warsha – avec Daniel Hanivel pour secrétaire général. Pendant une semaine, les Tréteaux s’installent dans une ville limousine d’où rayonnent de multiples activités : parades, marionnettes, ateliers théâtre, spectacles. La troupe joue par exemple « Mistero Buffo » de Dario Fo ou « Village à vendre » de Jean-Claude Scant. Le public suit, en nombre, parfois enthousiaste, parfois dérouté : ainsi, du 26 janvier au 20 mars 1976, 15 000 habitants limousins assistent aux animations. Le Populaire du Centre se félicite : « A l’heure de la faillite, des économies galopantes, la bonne vieille faculté de résistance d’une région qui n’a encore point trop perdu de ses valeurs et de sa vérité, est sans doute un espoir. Il faudra qu’on le comprenne en haut-lieu. » Parmi les journalistes d’alors : Paul-Henri Barillier, devenu par la suite l’un des actifs animateurs de la vie culturelle limougeaude. L’aventure participe du mouvement d’alors « Vivre et travailler au pays », sans doute symbolisé par le combat des paysans du Larzac. Malheureusement, le Secrétariat à la culture n’aide pas l’entreprise qui se dissout et renaît plusieurs fois, obligeant à un perpétuel et difficile travail de remobilisation.
Des troupes nouvelles apparaissent : le Théâtre de l’Evènement, créé par des militants cégétistes, le Théâtre de l’Ecale (né dans les milieux du P.S.U. et de la C.F.D.T.) et le Théâtre de la Fête (une équipe d’agit-prop qui réagit sur l’évènement).