Epique Equipe
Comment retracer en quelques pages 8 ans de folie de délires, d’emmerdes, d’amour et surtout d’apprentissage de la vie. L’envie, le désir, le virus, vint de la « Gratade « où nous avions Tatoo (Olivier) et moi pratiqué nos premières armes en faisant des petits concerts punks accompagnés par Jean Alain Gardet (ancien pianiste de Taï Phong – premier groupe de Goldman !) pendant que les clients dînaient – on peut parler à ce moment de grand n’importe quoi ! Ca commençait par des chansons trafiquées genre Nougaro et ça finissait dans un flot de ketchup et flocons de purée pour faire la neige et le sang ! Et là on s’est dit pourquoi pas notre resto ? Comme ça on fera ce qu’on veut, rejoints par Jean-Claude dit Coco, bref trois artistes réunis pour le … etc. etc. On rêvait d’expos, de concerts, de colloques, tout ce qui pouvait se faire dans un resto, on n’a pas été déçus !
Finalement on voulait juste avoir un travail et le chômage était déjà en vogue en 78 à Limoges. On a trouvé par hasard ce local rue des Grandes Pousses, rien que le nom était excitant ! Bien entendu pas de sous pour les travaux, ou si peu, il a fallu trois mois pour transformer cet atelier de réparation de balances en un semblant de restaurant avec la récup’ et surtout les potes, je ne cite personne il y en avait trop et la mémoire heu, en fait c’est surtout la mémoire ! Entretemps Tatoo avait quitté le navire pour faire l’école hôtelière.
L’ouverture : le tout Limoges (enfin notre Limoges) était là ! Tout gratos bonne ambiance ça commençait on avait l’impression que l’on était attendus. Premier Noël, sapin accroché à l’envers au plafond déco délire ! En avance sur notre temps ! Il fallait choquer, provoquer c’était notre marque de fabrique. Premières expos, en général des amis des arts déco, cela nous permettait de communiquer pour nous faire connaître, mais bon ce n’était pas vraiment utile au vue de l’affluence continuelle des débuts, faut dire qu’il n’y avait pas grand-chose à l’époque à Limoges. Les gens aisés disaient qu’ils venaient s’encanailler au Trolley et surtout nous étions la branchitude absolue !
Les concerts aussi étaient un évènement, pour l’affluence pas pour la recette ! Gendarmerie nationale (concurrent direct de Police), R.A.F., les frères Ranz etc. etc… Rock and roll ! et d’autres mais la mémoire fait défaut.
En tout durant ces huit années il y a eu au moins 150 expos de tous les styles, du plus classique au plus déjanté, il y avait un certain Charles Le Bouil qui dirigeait la revue N.D.L.R , il avait organisé une rencontre d’artistes (haut de gamme) dont le Trolley était un des lieux d’interventions : je me rappelle de Buren (ses colonnes n’était pas encore érigées) entre autres, la mémoire bon sang ! Libé et autres étaient venus pour l’occasion – le journaliste se pointe dans la cuisine pour se laver les mains, Coco, gauloise au bec en train de cuisiner, l’accueille assez froidement pendant le coup de feu, le mec s’est pris le bord de la hotte sur la tempe, aïe ! Ca saignait dru et Coco lui disant « la cuisine c’est privé » en lui tendant un torchon plus que douteux ! On ne l’a pas revu !
Les célébrités aussi sont venues en nombre Renaud, Little Bob Story, Bijoux, Guy Bedos…. p… de mémoire ! Renaud par exemple arrive avec son staff et le chien de son « pote » : il me donne une côte de bœuf pour Médor et lui, quand on lui demande ce qu’il veut manger, il répond « des nouilles ». Why not ?
Pour tenir ce rythme infernal il fallait un carburant et nous avions choisi le plus mauvais (héro) mais au moins on tenait la cadence : le matin, les courses (tôt car les grossistes ferment de bonne heure), ensuite la mise en place, salle plat du jour, nettoyage, desserts, factures, comptabilité, etc. etc … Et le soir pas avant 2 h du mat’, plus alcool, plus boîte de nuit (où nous allions gratuitement), beaucoup de sexe aussi, c’était une époque encore sans trop de capotes, sida, enfin ça commençait, bref nous étions très fatigués ! mais pas malheureux !
Voilà je pourrais en raconter encore et encore, mais comme je l’ai déjà répété la mémoire fait un peu défaut ! De toute manière ce qui s’est passé au Trolley doit rester au Trolley, gravé à jamais dans les murs qui – comme chacun sait – ont des yeux et des oreilles, ce sont eux les vrais témoins. Je viens d’apprendre que l’histoire s’est terminée en décembre 2013 par la fermeture des lieux, les gens qui nous connaissaient avaient l’habitude de dire qu’après notre départ le Trolley avait perdu son âme, du coup avec cet arrêt définitif c’était peut être vrai !
Fabien Lardin (janvier 2014)