06 Sep

13, rue de Genève

 

  • Et maintenant, essayez de vous rappeler.
  • La ville ? C’était, je crois, une ville grise, au cœur de la France. Il pleuvait souvent…
  • Une ville grise ?
  • Oui… D’anciennes manufactures, des quartiers en forme de faubourgs, une gare désaffectée de laquelle, autrefois, on partait vers les Charentes…
  • Mais n’était-ce pas au début des années 70 ?
  • La première fois que je suis venu à Limoges, c’était à l’automne 1973…
  • Mais vous parlez de cette première rencontre comme si elle s’était déroulée à la fin des années 1930…
  • Aujourd’hui encore, quelquefois…
  • Pourtant, une sorte de géographie sentimentale, de nostalgie…
  • Oui, à cause d’un lieu. La magie d’un lieu…
  • Essayez encore… Avez-vous des bribes d’adresse, un nom ?
  • Attendez… Je me rappelle un petit manoir, entouré d’arbres, à peine visible entre les immeubles… Il y avait non loin, une voie de chemin de fer…
  • Où vous avez habité ?
  • Non, pas vraiment… C’était une sorte de no man’s land, un autre pays… La Suisse, peut-être… Un paysage tranquille dans lequel se promenaient des jeunes gens convalescents…
  • Un souvenir de maladie ?
  • L’enfance… Oui, je me rappelle, l’enfance. Ils essayaient de soigner leur enfance. Il y avait un Professeur, Sorenno, Soriano, oui, c’est cela, Soriano… Je crois qu’il s’appelait ainsi… C’était un éminent spécialiste qui avait bien connu Riquet à la Houppe et le Petit Poucet, Cendrillon et le Chat Botté… C’est pour cela, sans doute, qu’il habitait ce château singulier avec son parc peuplé de chevêches… Mais il n’est pas resté longtemps. L’année suivante, il est parti. Une vilaine histoire. On lui prêtait des… contes en Suisse, au 13 de la rue de Genève.

 

Alain Galan, écrivain, se souvint ainsi de son passage à la Faculté des Lettres de Limoges, naissante (Analogie, n°20-21, 1990).