Blockhaus pendant l’Occupation, place Denis Dussoubs
(c) P. Colmar et Histoire de Limoges, Geste Editions, 2014
Le 3 septembre 1939, c’est la déclaration de guerre au IIIème Reich. Ceux qui sont mobilisés le sont sans joie – le souvenir de 14-18 hante encore les mémoires. La « drôle de guerre » commence. Progressivement, les réfugiés d’Alsace et de Lorraine arrivent à Limoges, le plan d’évacuation des régions frontalières le prévoyant depuis avant le conflit. A Brachaud, quatre canons de 75 sont installés pour assurer une éventuelle défense anti-aérienne. Rue Jules Noriac, on prévoit la distribution de masques à gaz, qui n’a finalement pas lieu. On attend.
Et puis, le 10 mai 1940, c’est l’attaque allemande, la percée du front, L’étrange Défaite, pour reprendre la célèbre expression de Marc Bloch. Des prisonniers originaires de Limoges sont envoyés en Allemagne, pour travailler dans les usines et les champs. Les réfugiés belges, hollandais, français venus du Nord, de Picardie, affluent. La population de Limoges double, ce qui ne va pas sans créer des problèmes et des tensions : on s’installe comme on peut, où l’on peut : square des Emailleurs, certains vivent dans leurs voitures, ailleurs, on couche sous tente ou à la belle étoile. Le 31 mai, sous un chaleureux soleil, Léon Betoulle, le maire, accueille à l’Hôtel de Ville les ministres et parlementaires belges qui fustigent (dans la salle des mariages) la capitulation du roi Léopold III. Ceux-ci – qui étaient environ 170 – se sont retrouvés là, avec femmes, enfants et divers assistants, après bien des vicissitudes ; on leur a concédé des bureaux à la mairie, des locaux dans un casino désaffecté, le président du Sénat occupe à la Préfecture la chambre réservée au Président de la République. On a pavoisé l’Hôtel de Ville avec les drapeaux français et belges. Le 19 juin, trois avions allemands larguent des bombes sur et autour de la gare : trois personnes sont blessées dans la cité des Coutures ; sur un quai de la gare, un sous-officier est tué, d’autres victimes blessées. Le 22, c’est la signature de l’armistice entre l’Allemagne et la France, selon la volonté de Philippe Pétain. Le 25, une cérémonie est organisée à Limoges : à 11 heures, les autorités déposent une gerbe au monument aux morts de 1914-18 encore situé square de la Poste. Le clairon sonne Aux morts. Une délégation de Belges réfugiés est présente, la foule nombreuse. Le 10 juillet, l’Assemblée Nationale (Chambre des députés et Sénat) attribue les pleins pouvoirs constituants au maréchal Philippe Pétain. La nouvelle constitution devant « garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie. » 649 suffrages sont exprimés, dont 80 contre – parmi eux, les corréziens Jean-Alexis Jaubert (Parti radical), François Labrousse (Gauche démocratique), le Haut-Viennois Léon Roche (S.F.I.O.). Léon Betoulle (S.F.I.O.) vote pour, comme d’autres parlementaires limousins et parmi 90 de la S.F.I.O. Beaucoup accueillent l’appel à Pétain – dont les portraits et affiches ornent bientôt la ville – puis l’armistice du 22 juin comme un soulagement, d’autant plus que Limoges se situe dans la zone non occupée par les Allemands. Mais en mars 1941, Vichy substitue à Betoulle le candidat de droite aux municipales d’avant-guerre : André Faure. En visite dans la ville les 19 et 20 juin 1941, le vieux maréchal reçoit un accueil en apparence triomphal de la population, comme le montrent les films tournés à cette occasion, où l’on voit les Limougeauds massés tout au long du parcours (on avait amené par bus des habitants de toute la Haute-Vienne, et les scolaires n’avaient pas le choix…). La propagande peut alors s’en donner à cœur joie, comme dans Le Courrier du Centre du 18 juin (Le Populaire a cessé de paraître), qui affiche un portrait du Chef de l’Etat accompagné d’un « Vive Pétain », et affirme que « La France a enfin un homme à aimer ». Georges Jubin évoque le « miracle Pétain », R. Maroger précise que la corporation des bouchers remettra les clefs de la ville au maréchal, et appelle la population à venir nombreuse : « Que vos clameurs lui montrent que Limoges et le département aspirent à prendre largement et loyalement leur place dans l’organisation de la France nouvelle. » Le programme est annoncé, comprenant les visites des usines Haviland (porcelaine) et Heyraud (chaussures), les associations de jeunesse et professionnelles se mobilisent, les enfants des écoles répètent leurs chansons de bienvenue. Le voyage semble être une réussite. L’avenue qui mène du Champ de Juillet à la place Denis-Dussoubs porte le nom de Maréchal-Pétain. En octobre 1942, c’est l’amiral François Darland qui visite la ville : une foule nombreuse assiste à la prise d’armes au champ de Juillet, tout comme à son arrivée à l’hôtel de ville – mais les commentaires privés, parfois défavorables, vont bon train. Les premiers convois de prisonniers rapatriés commencent à arriver gare des Bénédictins. En 1942 a également été inaugurée, place Fournier, la statue de Jeanne d’Arc, œuvre du royaliste d’Action Française Maxime Real Del Sarte, Grand Prix national des Beaux-Arts en 1921.
Limoges accueille dès l’été 1940 trois quotidiens parisiens : Le Journal et L’Action Française – sur le départ pour Lyon – et La Croix. Ce dernier est de fait dirigé par Alfred Michelin, qui a noué des liens amicaux avec Georges Ardant, le vicaire général de l’évêque Rastouil. Du 15 juillet 1940 au 20 juin 1944, l’imprimerie Charles Lavauzelle permet la parution du journal. Une cinquantaine d’employés sont venus s’installer dans la ville avec leurs familles. La rédaction est installée 3 place de l’Ancienne-Comédie. Il faut souvent jouer avec la censure, exercée à Limoges par Marcel Pays, ancien journaliste du quotidien Excelsior, et remédier à la pénurie de papier. Le 17 janvier 1941, le Ministère de l’Intérieur supprime Le Populaire du Centre – qui ne renaîtra que le 7 septembre 1944 – et le 7 février, apparaît L’Appel du Centre, favorable au régime, dirigé par Jean Clavaud.
A suivre …