Progressivement, la mairie de Limoges devient un bastion républicain, puis de la gauche. C’est notamment le cas avec l’élection du socialiste Emile Labussière en 1896.
Les « troubles », « évènements », « révolte » de 1905 ou « printemps rouge de Limoges » ont durablement marqué les mémoires ; ils ont été étudiés et commentés depuis longtemps, dès l’époque, en particulier par la presse, et par les historiens – encore il y a peu : Vincent Brousse, Dominique Danthieux et Philippe Grandcoing, avec la collaboration des membres de l’association Mémoire ouvrière en Limousin, qui évoquent et expliquent une « crise paroxystique », dans un contexte d’agitation ouvrière et syndicale, nourrie aussi par l’anticléricalisme et l’antimilitarisme. Les grèves et manifestations se multiplient à Limoges. Tout se cristallise en 1905 au sein de l’entreprise de Théodore Haviland, lorsque le 27 mars, trois peintres sur porcelaine sont renvoyés puis réintégrés. Les employés se plaignent de M. Penaud, directeur d’atelier jugé autoritaire et harceleur envers les femmes, que le patron défend. Le 5 avril, c’est le lock-out décidé par le syndicat des patrons porcelainiers, l’Union des fabricants : les usines sont fermées, ce qui provoque le chômage de 10 000 personnes.
Très vite, les ouvriers, le peuple, manifestent, drapeau rouge levé, en de grands cortèges qui vont des usines aux domiciles de contremaîtres ou de directeurs, tandis que la bourgeoisie s’inquiète devant pareil spectacle. Le 15, un millier de manifestants envahit l’usine Haviland et brûlent la voiture de Théodore, le menacent, saccagent plus ou moins les lieux. Impuissant, le maire Emile Labussière est dessaisi par le préfet qui appelle en renfort l’infanterie et les chasseurs à cheval. Des heurts ont lieu, des barricades sont dressées, des armureries sont pillées, les cortèges se forment, se disloquent, se reforment. Comme le note Michel Kiener, « tout Limoges [est] dans la rue », femmes et enfants des quartiers populaires. Cadavre emblématique et prémonitoire : une jument morte est utilisée pour ériger une barricade. Une bombe explose devant le domicile de Charles Haviland, rue Cruveilher – un acte qui semble porter la marque des anarchistes ou des socialistes-révolutionnaires. Le 17, un cortège nombreux se rend à la préfecture pour demander la libération de quatre activistes emprisonnés, avant de se retrouver au Champ de Juillet, puis de rejoindre l’Hôtel de Ville. Suite au refus du préfet, des manifestants se rendent devant la prison, place du Champ de Foire, dont ils enfoncent les portes. Le général Plazanet fait charger les dragons, mais les émeutiers résistent. Un bataillon du 78ème Régiment d’Infanterie, venu de la caserne de la Visitation, démantèle les barricades ; des pierres sont jetées depuis le Jardin d’Orsay sur les fantassins, qui répliquent avec leurs armes. Camille Vardelle, jeune ponticaud ouvrier en porcelaine, est tué. Le conseil municipal décide alors de lui organiser des funérailles publiques le 19 avril : des milliers de Limougeauds forment cortège de son domicile rue du Pont Saint-Martial jusqu’au cimetière de Louyat. Une autre forme de manifestation qui s’exprime ici par le deuil – regroupant représentants locaux et nationaux des syndicats, des organisations de gauche, des francs-maçons. Le 21 avril, un accord est conclu entre les patrons et les employés (qui ne sortent pas victorieux), mais des faits expriment la tension sociale qui règne à travers Limoges : en mai, un christ en croix est brisé et entraîne une cérémonie d’expiation épiscopale ; des bouchers interviennent pour défendre la croix de la place Saint-Aurélien ; provocations diverses opposent soldats et ouvriers.