Les 15 et 16 août 1864, le quartier insalubre des Arènes, le pourtour des places d’Aine et de la Motte, aux rues étroites et aux maisons à l’ossature en bois et aux façades de torchis et de pisé, est la proie des flammes. Si de 1793 à 1864 on a déjà recensé 815 incendies et 5631 feux de cheminées, celui-ci est particulièrement violent, avec l’embrasement de 109 maisons et met à la rue plus de 2 000 personnes. Les quatre-vingt pompiers mobilisés, renforcés par ceux de Périgueux, Argenton, Saint-Marcel et Châteauroux, arrivés par trains spéciaux, ne sont pas assez nombreux et leur matériel n’est pas assez performant – on peine à trouver les clefs d’un réservoir d’eau, les camionneurs sont réquisitionnés pour aller puiser de l’eau dans la Vienne. Heureusement, s’il y a quelques blessés, personne ne périt.
Laforest en a fait le récit (118 pages émaillées de considérations religieuses et de citations grecques, sans oublier l’évocation de la ruine incendiée sous Néron, avec mentions des faits de bravoure), édité par Chapoulaud frères, à Limoges, dès 1864. Il raconte qu’une grande partie des Limougeauds se sont rendus le soir du 15 au Champ de Juillet pour assister à un feu d’artifice donné pour l’Assomption et la fête de l’Empereur et que lorsque la population arrive sur place, comme « une armée frappée dans les ténèbres », l’incendie bat son plein, attisé par le vent. La sécheresse a tari les fontaines. Le narrateur indique que c’est Madame Cance, habitant au bas de la rue des Arènes, qui a mal éteint un flambeau, pressée d’aller assister à la fête en compagnie de son époux. Le feu prend dans une corbeille de chapeaux de paille de leur boutique ; s’en suit une explosion de gaz. Lorsque l’incendie prend de l’ampleur, il faut aller chercher les pompiers, dont beaucoup sont au Champ de Juillet. C’est le capitaine Regnault qui prend la direction des secours, à l’arrivée des pompes à eau. Mais les tonneaux sont rapidement vides, il faut les remplir, alors que le feu se propage, se transformant en « un large fleuve » qui se nourrit de tous les produits inflammables des boutiques. Le 11ème Régiment de dragons, la gendarmerie, des agents de la sûreté, des hommes d’équipe de la gare, rejoints par le clergé, sont accourus. Ils enlèvent à dos d’homme 400 kg de poudre qui menace d’exploser chez l’armurier Geanty. De même évacue-t-on, sur ordre du maire Othon Péconnet, présent sur place, les tonneaux d’alcool d’un autre commerce ou les produits pharmaceutiques des officines Larue-Dubarry. Hommes, femmes et enfants qui voient progresser le sinistre tentent de sauver ce qu’ils peuvent chez eux. « Une lumière immense noyait la ville dans ses sinistres clartés […] l’incendie, par l’effet de la réverbération, formait au-dessus de la ville comme une coupole de feu. » Dans l’église Saint-Michel-des-Lions – comble – où l’on a sorti la châsse du chef de saint Martial, s’élève le Miserere, puis, vers sept heures du matin, une procession débute à travers la ville, conduite par l’évêque Félix : Limoges renoue avec sa tradition. Dans la matinée, les hommes du 3ème Régiment d’artillerie de Bourges arrivent pour déblayer les ruines fumantes – mais l’incendie couva encore près de trois semaines.
La France et la famille impériale s’émeuvent du drame ; des secours financiers sont envoyés. Le comte Reille, envoyé par Napoléon III, distribue ainsi, de la main à la main, 20 000 francs. Le roi d’Espagne envoie 5 000 francs, le prince Jérôme-Napoléon et la princesse Clotilde, 2 000 francs (tout comme le comte de Chambord). L’archevêque de Paris 30 000 francs recueillis lors de quêtes diocésaines. Le nonce fait parvenir 5 000 francs de la part du pape. Encouragés par les souscriptions ouvertes dans les journaux nationaux et régionaux, des particuliers ont adressé directement des secours au maire de Limoges.
Le sinistre est suivi d’une reconstruction avec trois rues parallèles percées entre la place d’Aine et de la Motte, bordées d’immeubles de trois étages en pierre. Vingt-cinq ans plus tard, une nouvelle rue relie la place de la Motte à celle des Bancs.
Lors des travaux de réaménagement de la place de la Motte, en 1995, une importante collection de porcelaines et de faïences fondues et déformées par le feu fut retrouvée à l’emplacement des caves incendiées.