A la fin du XVIIIème siècle, le pourcentage d’hommes sachant signer se situe plutôt, à Limoges, dans une fourchette de 30 à 57% selon les paroisses. Les campagnes alentour sont souvent peuplées d’ignorants et d’analphabètes. La langue française est essentiellement parlée dans les villes ou les châteaux. L’enseignement primaire est peu développé.
Paul d’Hollander a parlé d’un « frôlement des Lumières » à Limoges : certes, création en 1759 de la seconde Société d’agriculture de France, existence d’un journal, la Feuille hebdomadaire de la Généralité, mais ces deux initiatives doivent d’abord aux intendants. Il n’y a pas d’académie littéraire ou de peinture. On souscrit peu pour L’Encyclopédie. Au début de 1782, un maître de musique allemand, Wendensen, ouvre une école de chant et de cours de musique (violon, alto, guitare) pour les enfants. Mais il lui faut bientôt quitter la ville, criblé de dettes, faute de succès. Il existe toutefois une société théâtrale d’amateurs issus de la bonne société limougeaude, dont l’une des représentations suscite la polémique en 1784 : en effet, « les belles dames ne rougirent pas de se donner en spectacle au public », ce qui déplaît au clergé – des bourgeois accusent alors celui-ci de fanatisme. La société souhaiterait d’ailleurs créer une salle de spectacles théâtraux et de concerts, un restaurant-brasserie, une bibliothèque laïque ouverte même aux femmes ; mais le projet échoue, faute de souscripteurs. En mai 1784, la foule se presse sur la place d’Orsay, sans doute plus par goût du sensationnel que par curiosité scientifique, pour voir le géomètre Dupont, de passage dans la ville, faire s’envoler un ballon de papier que l’on retrouve du côté de Saint-Priest-Taurion. Un autre savant de passage tente une nouvelle expérience en réussissant le lancement de deux ballons le 18 juillet 1785 depuis la place Tourny. En 1788, un nommé Desraine ouvre un café rue de la Promenade et installe dans l’une des salles un cabinet littéraire où sont consultés journaux et gazettes. La même année, les bourgeois se pressent à deux conférences de Dupont, secrétaire du duc d’Orléans, venu exposer sa technique pour écrire aussi rapidement que l’on parle. La société des gens de lettres ouvre un cabinet de lecture rue Manigne, dans une salle de la maison des Oratoriens. A l’Académie des nouvelles, fondée en 1772, on pense que la noblesse et le clergé devraient payer l’impôt. Au moment de la préparation des Etats Généraux, diverses brochures circulent à travers la ville, dont une Requête des femmes pour leur admission aux Etats Généraux qui révèle l’existence de quelques féministes préfigurant Olympe de Gouges à Limoges.
La nouveauté vient sans doute de l’installation de la franc-maçonnerie à Limoges – une histoire bien étudiée par Michel Laguionie. L’implantation daterait du milieu du XVIIIème siècle, les séances se tenant dans la tour Pissevache. En 1767 est fondée par Jean-Baptiste Pétiniaud de Beaupeyrat la loge des Frères Unis. Progressivement, la maçonnerie se développe dans la ville, à travers plusieurs loges affiliées au Grand Orient. Y adhèrent des négociants, des hommes de loi. Parmi eux, ceux que nous avons vus à l’origine de l’industrie porcelainière à Limoges. Les idées d’égalité, de liberté, de tolérance, de progrès, la philanthropie, y sont exprimées, mais les maçons de la ville restent modérés. Selon Michel Laguionie, « la Franc-Maçonnerie a bien joué un rôle dans la préparation des événements, dans le renversement des valeurs ; elle a été, plus ou moins consciemment, un des leviers de cette Révolution… »