L’hôpital général de Limoges (Bfm Limoges)
Les années 1690 – 1714 sont terribles pour le Limousin. Les problèmes graves s’y succèdent : gelées fortes et tardives, pluies continuelles, entraînent des crises agricoles et donc alimentaires. Ainsi, l’hiver 1709-1710, dix-sept jours d’une froid extrême font éclater les arbres, cause la mort des pauvres, des oiseaux, du gibier que l’on voit gisant sur le sol durci ; on se réfugie dans les caves pour avoir moins froid. Disettes et épidémies s’accroissent. L’intendant Bernage écrit : « plus j’ai approché de Limoges plus j’ai trouvé de misère et de disette… J’ai été effrayé en abordant ici de la prodigieuse foule de pauvres. » De nombreux mendiants gagnent la ville. Ils y meurent parfois de froid et de faim. Les bourgeois s’inquiètent, on limite les aumônes pour pallier aux risques d’abandons des terres, de sédition et d’épidémie.
L’activité économique décline, le commerce souffre de plus du mauvais état des routes. La crise financière menace et pourtant la fiscalité est forte. La contestation gagne la province, des incidents ont lieu à Limoges on s’en prend à l’intendant, les commerçants font parfois la « grève des boutiques ». En 1702, suite à des rumeurs à propos d’un nouvel impôt, des émeutes éclatent à Limoges : on y voit des paysans, des pauvres, des femmes et même des enfants. Mais les compagnies bourgeoises matent la révolte ; un émeutier est pendu, une femme est fouettée au pilori, marquée au fer, certains sont bannis. Trois ans plus tard, on appelle à se rassembler contre la gabelle. Paysans et pauvres de Limoges se regroupent, armés de pistolets, fusils et autres armes. La maison du fermier de l’octroi est incendiée, le feu gagnant quatorze autres maisons du faubourg Montmailler. La bourgeoisie, elle-même surchargée d’impôts, n’intervient pas.
C’est aussi le temps où l’on pratique certes la charité (les consuls mettent parfois à la charge des habitants un certain nombre d’indigents), mais où l’on « renferme » les mendiants à l’hôpital général (ainsi le 5 décembre 1661, les sergents de police arrêtent les mendiants qu’ils rencontrent dans les rues et les y conduisent). Au milieu du XVIIème siècle, le prêtre Martial Maldent de Savignac est à l’origine de celui-ci, ayant fait entreprendre des travaux de réfection de la partie de l’hôpital Saint-Gérald à conserver et la construction de deux ailes nouvelles. Les sœurs hospitalières de Saint-Alexis, communauté fondée par Marie de Petiot, et les Prêtres de la Mission gèrent le lieu. On fait travailler les enfermés misérables, on veille à leur « salut », il est interdit de se parler entre hommes et femmes, de blasphémer, de s’aviner, de chanter des chansons profanes, de circuler librement, sous peine du fouet, du carcan ou de la prison. Les prostituées ou les femmes infidèles peuvent aussi être enfermées au Refuge, près de l’hôpital ; parmi les humiliations subies, indique Georges Vérynaud : « se mettre à genoux, demander pardon en public, lécher la terre, porter des habits salis, aller en cellule au pain sec et à l’eau, avoir les cheveux rasés. » L’hôpital reçoit aussi les enfants abandonnés, dont la vie est souvent bien courte. Ici, c’est bien « surveiller et punir », pour reprendre le titre de l’ouvrage de Michel Foucault et il faut attendre la fin du XIXème siècle pour que l’hôpital se consacre exclusivement aux soins des malades.
La population se serre à l’intérieur des remparts. Des logements ont été construits partout où c’était possible, les maisons sont en bois et torchis (ce qui facilite les incendies), on élève des animaux dans les cours. Certes, il y a des andeix (des places où se tiennent des marchés) mais la ville est obscure et sale, l’équipement sanitaire insuffisant, on fait ses besoins dans la rue. Les eaux usées, envoyées directement dans les rues, aboutissent dans des ruisseaux et canaux collecteurs. De temps à autre, on ouvre les étangs de la Motte (eux-mêmes remplis d’immondices) pour un grand nettoyage à travers les rues en pente. L’ensevelissement du corps des notables dans les églises rend malsaine l’atmosphère de celles-ci. Des épidémies dysentériques surviennent régulièrement et tuent les plus faibles, comme les enfants. La démographie stagne. Même la maison communale menace ruine : en décembre 1695, les consuls en font dresser l’état des lieux, elle est inhabitable et trop obscure pour y travailler. En 1710, son mur de clôture s’écroule, ce qui provoque enfin des travaux de réfection et de décoration. En février 1715, un incendie ravage le quartier des Combes.