Il convient de signaler ici que Michel Cassan a consacré une thèse de doctorat d’Etat, Le temps des guerres de religion en Limousin, vers 1550 – vers 1630, en 1993, à qui je dois les précisions qui suivent. Il y montre l’implantation tardive du protestantisme en Limousin mais sa diffusion vigoureuse vers 1555-1564. Les protestants (marchands, artisans) se réunissent dans les caves de Limoges ou nuitamment dans les bois environnant. Des pasteurs prêchent au bois du Moulin blanc, à la Borie, à Montjovis, à La Couture. Ils se saisissent même des églises Saint-Cessateur et Sainte-Valérie, s’installent rue des Combes. Des nobles de la vicomté de Limoges, des villes, rejoignent la Réforme. Limoges, cependant, ne se rallie pas au calvinisme, sans doute parce que les consuls catholiques y sont aux prises avec un seigneur protestant – Henri d’Albret, roi de Navarre –, qui tente d’amoindrir leurs droits. En avril 1560, les habitants de la ville constatent que les images de la Vierge et de saint François placés sur la façade des cordeliers ont été brisées et se trouvent confrontés à plusieurs reprises à l’iconoclasme : statues de la Vierge décapitées à travers les rues de la ville ou attaques contre les reliques de saint Martial. Par ailleurs, lorsque Jeanne d’Albret, en visite à Limoges en 1564 fait récupérer une chaire de l’église Saint-Martial pour le prêche des pasteurs dans son logis, les catholiques y voient une provocation. Le calvinisme ne progresse pas comme il l’aurait souhaité et entraîne des répliques catholiques : l’épiscopat encourage et codifie le culte des saints et de leurs reliques, des laïcs promeuvent de nouvelles formes de dévotion, notamment christocentrique. Michel Cassan note que le Limousin reste « une citadelle du catholicisme ».
Les guerres de religion – et leur triste cortège de meurtres et de violences – frappent pourtant la province de 1567 à Noël 1594 – les événements limousins étant liés à la conjoncture nationale. A Limoges, on renforce les fortifications (deux kilomètres d’enceinte ponctués de 22 tours), on les modernise également, sous la direction du sieur de Chambery, envoyé par Henri III, et la milice bourgeoise redouble de vigilance. D’ailleurs, malgré les attaques qu’elle subit – comme celle de Monluc en 1568 qui pille la Cité, l’Entre-deux-villes et brûle les bancs des bouchers –, la ville du Château résiste. Dans le même temps, autorités consulaires et présidiales se mobilisent pour garantir la paix civile. Néanmoins, en octobre 1589, les ligueurs s’emparent de la Cité avec le soutien de l’évêque Henri de la Marthonnie et s’en prennent aux huguenots, sans aller cependant jusqu’au sang. Ils sont imités au sein du Château où les ligueurs (surtout marchands, artisans, parmi lesquels des bouchers) molestent consuls et représentants du roi – ceux-ci conservant cependant le contrôle des principales portes de la ville, de l’hôtel de ville et de la milice. Après un combat de rues, faisant quatre morts et des blessés, les principaux responsables sont arrêtés, huit exécutés, cent-vingt doivent s’exiler – au moins jusqu’en 1596. S’en suit une décennie au moins d’agitation, jusqu’à l’émeute dite de la Pancarte en 1602 – du nom d’un nouvel impôt royal sur les marchandises – qui rappelle, semble-t-il, les troubles du temps de la Ligue. S’en suit la déposition par le roi Henri IV des consuls qui n’ont pas su dépasser les clivages et leur remplacement. Désormais, seuls cent prudhommes choisis par les consuls sortants pourront élire les nouveaux consuls – de fait, des notables. Le pouvoir royal l’emporte progressivement.
La Contre-Réforme se développe ensuite en Limousin, d’abord promue par des laïcs, puis par les religieux. A la fin du XVIème siècle, les jésuites s’installent ainsi à Limoges et financent le collège, situé près de Saint-Pierre, par une souscription à laquelle contribuent fortement les plus aisés des habitants du Château. Les écoliers – placés sous le régime de l’externat – viennent de tout le Limousin, du Quercy, de l’Angoumois : les classes sont donc chargées, parfois jusqu’à cent élèves, qui rejoignent ensuite le clergé, la magistrature, l’administration. En 1629 est achevée la grande chapelle. Progressivement, l’établissement s’agrandit et prend la physionomie qu’il conserve jusqu’à sa rénovation en 1964. Suite à l’expulsion de France des jésuites en 1762, ce sont des prêtres séculiers qui gèrent le collège.
La communauté protestante, qui n’a pas de pasteur, décline et vit, selon Michel Cassan, « dans un climat d’insécurité » au XVIIème siècle. Les anciennes abbayes limougeaudes sont réformées. De nouveaux établissements religieux s’implantent, souvent dans la Cité ou hors des remparts : les Récollets de Sainte-Valérie (1596), les Carmélites (1618), les Ursulines et les grandes Claires (1620), les Petits-Carmes (1623), les Oratoriens (1624), les Filles de Notre-Dame (1634), les Filles de la Visitation (1644). Des institutions charitables, aussi : la Providence (1651), l’Hôpital avec l’ordre des sœurs de Saint-Alexis (1659), les Clairettes (1659), le Séminaire (1666), les Sœurs de la Croix (1687). Les confréries, qui se concentrent dans les grandes églises de la ville, sont aussi nombreuses : de Saint-Martial ou de Saint-Aurélien ; confréries de pénitents (Noirs, Bleus, Blancs, Gris, Feuille Morte et Rouges), pratiquant une morale austère et faisant du prosélytisme, participant aux processions ; Compagnie du Saint-Sacrement, qui surveille le comportement des habitants de la ville. Les sources attestent aussi de cas de « sorcellerie » – ceux qui sont convaincus de pratiques magiques sont exécutés – et de séances d’exorcisme, comme celle au cours de laquelle une jeune servante aurait poussé des cris horribles et tourné la tête de façon anormale.