Michel et Dany Rolland viennent de céder une partie des leurs parts du célèbre laboratoire Rolland qui devient « Rolland & Associés ». Les fidèles collaborateurs Julien Viaud, Mickaël Laizet et Jean-Philippe Fort ont ainsi acquis 60% au sein de la structure. Un passage de témoin en douceur, même si Michel Rolland n’a pas raccroché les gants, pas question de retraite, à 72 ans il a toujours de l’énergie et de la verve. Côté Châteaux lui consacre une interview Parole d’Expert.
Jean-Pierre Stahl : « Bonjour, Michel Rolland, on a appris en début de semaine ces changements opérés au laboratoire Rolland, est-ce cela veut dire que Michel Rolland a raccroché les gants ? »
Michel Rolland : « Malheureusement, au grand dam de certains, NON… (rires). Cela ne veut rien dire, j’avais depuis 20 ans au sein de la structure des collaborateurs qui ont toujours été fidèles, les 3 qui aujourd’hui sont devenus mes associés (Jean-Philippe Fort, Mickaël Laizet et Julien Viaud), un est là depuis 30 ans, l’autre depuis 22 ans et le troisième depuis 14 ans, eux ils vont être moins tranquilles…En fait, on a fait une société.
« Michel Rolland a quand même 72 balais, à ce moment-là ou on pense à l’avenir ou on continue et on ne s’occupe de rien… Mes ex-collaborateurs deviennent donc mes associés et vont continuer à porter le flambeau Rolland pour qu’il continue à flotter sur les vignobles… »
JPS : « Ce sont bien 60% des parts du laboratoire qui ont été cédés ? »
Michel Rolland : « Oui, on a cédé 60% de la société avec Dany, absolument. Tout cela est du juridique et de l’évaluation. Cela a pris à peu près un an de discussions et de mise au point, enfin plus de mise au point. On ne s’est pas battu, ni frité sur les détails, on l’a fait de manière très nette et propre. »
JPS: « Qu’est ce que cela représente le laboratoire Rolland ? »
Michel Rolland: « C’est une vingtaine de pays, 230 consulting, un chiffre assez important d’analyses, c’est une affaire qui marche plutôt bien. Elle méritait de continuer à marcher et à évoluer dans ce sens. »
JPS : « Vous en êtes à vos 48e vendanges et vinifications, qu’est ce qu’on peut dire au bout de toutes ces années du leg de Michel Rolland ? »
Michel Rolland: « Je ne sais pas si j’ai apporté quelque chose, mais je l’ai fait avec beaucoup d’énergie, d’enthousiasme et de passion. On ne fait pas ce métier sans passion…sur le plan viticulture et oenologique… »
« Quand vous êtes général et que vous connaissez deux guerres, vous avez la chance de ramasser des étoiles, et en temps de paix, c’est différent. Vous voyez, dans les années 70, c’était plutôt médiocre à Bordeaux, e puis dans les années 80-90-2000, cela a évolué. J’ai surfe sur une vague et profité d’une situation où les gens avaient besoin d’améliorer leur vin et j’étais là. C’est pour cela qu’on existe. J’ai un peu pris le leadership avec de bonnes réflexions et cela a été aussi l’avantage d’être en tête. »
JPS: « Durant toutes ces années, est-ce qu’on peut parler d’évolution du goût avec la présence de Robert Parker et avec votre expertise, on a souvent parlé de vins body-buildés et aujourd’hui cela a évolué à nouveau, c’est plus sur le fruit…? »
Michel Rolland : « C’est la plus énorme des conneries qu’on ait pu dire durant ces 45 années de travail. Le goût Parker, on l’a inventé. Beaucoup de personnes n’arrivaient pas à la cheville de Robert Parker. Cela les rendaient nerveux… C’est en fait de la connerie franco-française ou bordelo-bordelaise qui n’existe pas ailleurs dans le monde. Du moment où Parker notait bien, cela faisait vendre et rendait le(s) voisin(s) jaloux et idiot(s).
Tous les grands millésimes étaient bodybuildés…1947, 1929,1928 ou même 1871...souvent des années chaudes aussi. C’est la plus impressionnante connerie qu’on ait pu dire, c’est typiquement franco-français, et avec cela ces imbéciles ils ont « tué » de façon mesquine et absurde l’image de Bordeaux. Non franchement, il faut arrêter d’être bête, ce que l’on vient de passer là montre les limites du journalisme et on peut tout perdre. Oui je l’ai suivi au jour le jour. On critique Parker, moi je critique le journalisme. »
JPS : « Quel est l’avenir maintenant de Michel Rolland ? »
Michel Rolland: « L’avenir, il est derrière moi maintenant. Je continue à faire ce que j’aime, c’est pour cela que j’ai mis mes collaborateurs dans le coup. C’est du boulot à s’occuper de tout cela, dans les affaires j’aimais moins la gestion.
J’adore déguster, je déguste bien et même avec les années. Je dois déguster encore dans une quinzaine de pays, dont la France. Tant que mes jambes me le permettront, eh bien je le ferai. Je ne pense pas qu’ils aient l’intention de me virer tout de suite…Je pense que j’ai un peu d’expérience à faire profiter ».
JPS : « C’est vrai Michel que vous êtes reconnu pour être non seulement un grand dégustateurs des baies de raisin mais aussi un expert au niveau des vinification, bref un champion! «
Michel Rolland : « Oui, c’est la recherche de maturité. Pourquoi les grands 1947 ou plus anciens 28 et 29 étaient si réussis, si grands, alors qu’à l’époque il n’y avait pas d’oenologie, pas de technique. Si on reprend leur histoire, c’était mûr, avec des années chaudes et de petits rendements, excepté sur le 82 où il y a eu de bons rendements.
« Mais c’est quoi la maturité, alors que personne ne savait ce que c’était ni la mesurer… J’ai été un des premiers à le faire, à goûter les raisins et à voir à quoi cela ressemblait… C’est sûr que quand c’est mûr, c’est mûr. Quand on a un raisin pas mûr, il n’a pas d’appel. On recherche la maturité et pas la surmaturité. Globalement cela fait progresser les affaires. »
JPS : « J’imagine vous êtes confiné, à Bordeaux ?
Michel Rolland : « Oui confiné à Bordeaux, mais il y a toujours un peu d’énergie et je commence à m’emmerder car j’aime bien quand même voyager un peu. Depuis deux semaines, je vais quasiment tous les jours au laboratoire et dans les vignes… Ça va bien, la pousse cela va pas mal et en avance… Cela risque d’être une année précoce. »
JPS : « Enfin, Michel quel est votre regard sur le millésime 2019, qu’on n’a pas encore pu dégusté du fait d’une semaine des primeurs reportée…? »
Michel Rolland : « Le 2019, le pauvre, on va lui attribuer le covid, l’inconvénient il risque d’être associé pendant un moment à cette période…
« C’est un très bon millésime, on a de très jolis vins; j’ai goûté et redouté plus de 200 vins avec mes collaborateurs, juste pour nous, car effectivement on n’a pas fait cela avec les grands dégustateurs habituels… Il y a des vins superbes à tout niveau, même en Bordeaux Bordeaux Supérieur et pour les satellites de Saint-Emilion.
« J’espère que le millésime n’aura pas trop à en pâtir, quant au commerce je pense qu’on ne va pas partir sur un marché débridé et acheteur. Moi, j’ai déjà vu cela sur de grands millésimes comme le 90, c’est déjà arrivé avec le contexte de la guerre du Golfe, également sur le millésime 2001 qui est arrivé juste après le 2000, alors que le 2001 était souvent meilleur, oui on a déjà vécu cela, cela risque de polluer un petit peu au départ, mais ce 2019, c’est un bon millésime. »
Merci à Michel Rolland pour cette interview pour Côté Châteaux.Toujours un grand moment avec un grand Monsieur du Vin.