30 Mai

Philippe Hébrard : « le rapport qualité-prix est très bon à Bordeaux, on a toutes les armes pour redémarrer »

Le directeur de la cave de Rauzan-Grangeneuve est plutôt optimiste, ce qui tranche de la morosité d’autres acteurs: avant le confinement, les chiffres étaient repartis à la hausse; là les gens devraient repartir à l’achat et rechercher le bon rapport qualité-prix; pour lui Bordeaux a toutes ses chances.

Denis Baro et Philippe Hébrard, le président et le directeur des Caves de Rauzan Grangeneuve, en février 2019 © Jean-Pierre Stahl

Jean-Pierre Stahl : Bonjour Philippe Hébrard, comment va la cave de Rauzan, est-ce que vous vivez aussi une période difficile ?

Philippe Hébrard : « Ces deux derniers mois ont été extrêmement compliqués, à Bordeaux le Covid a accentué des difficultés dans une filière qui n’allait pas bien déjà… Mais, moi je fais partie des gens optimistes : la veille du confinement, les chiffres pour Bordeaux montraient qu’il y avait un redémarrage avec +22% en sortie de chais, on était enfin sur des chiffres qui repartaient à la hausse.

On avait été pénalisé sur le millésime 2017, du fait du gel et de la perte de récolte (cf -40%) on avait perdu des marchés, comme ce qu’avaient pu vivre d’autres régions viticoles. Mais là, on était en train de reprendre des parts de marchés. Je sais que durant le confinement les gens ont consommé plus de vin. Ils vont acheter moins chers que précédemment; le rapport qualité-prix est très bon à Bordeaux, on a toutes les armes pour redémarrer… »

JPS : « Et pour Rauzan spécifiquement, est-ce que les cuves sont pleines comme pour certains, où en êtes vous ?

Philippe Hébrard : « Sur le 2018, tout est vendu. Et on a vendu ou on positionne 75% de la récolte 2019. En même temps, d’habitude ce sont 95% à cette de la récolte qui sont vendus. Il est évident qu’il faut que tout redémarre car on ne va pas pouvoir tenir trop longtemps, même si en coopérative on a les reins assez solides. Il va falloir revoir sans doute le potentiel de production : on a parlé de distillation, mais il va peut-être falloir reparler d’arrachage car les surfaces ont énormément augmenté dans les années 90 et certainement un peu trop. On a surplanté et donc il va falloir réajuster si on veut que les gens continuent à vivre de la viticulture dans le Bordelais. »

JPS : « Et en volumes pour vous, quelle est la conjoncture ? »

Philippe Hébrard : « On a perdu 40% sur les sorties du mois d’avril, ce qui n’est pas si mal par rapport à d’autres secteurs de l’activité économique. Depuis le début d’année, on est à -20%, dans le contexte de coronavirus c’est pas si mal que cela; il y a eu une période difficile à passer, avec des aides de trésorerie, mais on est loin d’être les seuls.

Il faut relativiser car chez nous on n’a pas eu de malade grave ni parmi les salariés ni parmi les adhérents et c’est pas mal. »

JPS : « Concernant vos marchés, comment les dispatchez-vous ? »

Philippe Hébrard : « 75% sont placés auprès du négoce bordelais. Pour les autres 25%, on travaille en direct avec différents réseaux professionnels. On travaille en majorité à l’export de manière positive avec des pays comme le Canada, les USA: les Nords-Américains ont consommé plus de vin durant le confinement, les magasins sont restés ouverts et cela se reflète dans les ventes. Chez les Américains, les achats se font souvent quelque temps avant la dégustation, ils n’ont pas forcément de cave comme en France.

« On a donc progressé à l’export, en grande distribution on s’est maintenu, et cela s’est écroulé pour la restauration. A noter également des signaux très encourageants sur la Chine, il y a un redémarrage à noter sur la Chine. »