02 Mai

Au chevet des vignerons du blayais, en attendant un éventuel plan de soutien à la viticulture

Didier Guillaume a annoncé le dévoilement d’un prochain plan de soutien de la viticulture française. Celle-ci doit faire face à une double crise économique due aux exportations en berne et à l’épidémie de coronavirus qui a impacté tous les marchés et notamment celui de la restauration. Etat des lieux dans le Blayais et réactions face à ce plan de soutien.

Nathalie Feydieu du château Le Taillou © Jean-Pierre Stahl

Dans le Blayais, comme partout à Bordeaux, les vignerons ressentent désormais durement le confinement. Ainsi Nathalie Feydieu du château le Taillou a vu sa clientèle particulière bouder sa salle de dégustation, celle-là  même où son grand-père Yvan faisait déguster et qui est restée dans son jus. Bouder ? C’est un bien grand mot, c’est plutôt une clientèle fidèle qui vient chez elle, mais là cette clientèle est contrainte depuis le 17 mars de rester à la maison…

« On ressent un certaine désaffection de nos clients parce que par nature ils sont confinés et je pense que les gens ont peur d’être contaminé » commente Nathalie Feydieu ; « donc du coup plus de passage à la propriété et au delà de cela toutes les manifestations qui étaient programmées, en commençant par le Printemps des Vins de Blaye et toutes les autres opérations de promotion, et tous les salons, ont du être stoppé pour le moment ».

Sur le mois de mars on retrouve une perte d’à peu près 30%, mais sur le mois d’avril on frôle les 90%, le mois d’avril est quelque chose de terrible pour nous, donc il faut réagir et s’adapter à une situation qui risque de durer encore un peu » Nathalie Feydieu château Le Taillou.

Et de détailler cette adaptation dont elle a su faire preuve : « c’est faire des livraisons, on en fait beaucoup plus au niveau local ce qu’on ne faisait pas habituellement, dans un rayon d’une cinquantaine de kilomètres, parfois on est à l’initiative d’une petite tournée, parfois on déclenche un petit tour parce que des clients se sont manifestés et ont besoin de se réapprovisionner. »

Ils sont ainsi 450 vignerons à cultiver fièrement quelques 6000 hectares et à produire en Blaye Côtes de Bordeaux quelques 280 000 hectolitres de vin (37 millions de bouteilles), la moitié en cave particulière, la moitié en coopérative. Parmi eux, Nicolas Carreau des châteaux l’Escadre et Crusquet-Sabourin, 82 hectares, à Cars. Même s’il ne fait pas du vrac, il est touché lui-même par les difficultés actuelles liées au coronavirus et aux échanges qui ne se font plus:

L’extérieur du chai du château Crusquet-Sabourin © JPS

Concrêtement, c’est une commande qu’on avait reçue des Etats-Unis, on était content, on avait réussi à préserver certains marchés sur les Etats-Unis…Une commande qu’on avait reçue avant la crise du coronavirus et qui est en attente, donc là on entrepose cela comme on peut, au milieu des cuves, pour le moment cela ne gêne pas mais on ne pourra pas vendanger dans ces conditions là »

« C’est un peu un symbole de la situation actuelle, c’est à dire que on est à l’arrêt on a mis l’activité sur pause…Pareil, là on a un marché sur Taiwan qui n’est pas parti non plus, qui est toujours dans le chai ».

Marché américain en berne du fait des taxes de 25%, marché asiatique en baisse également, cela fait 2 ans que Bordeaux subit une crise commerciale. En prime, il faut y ajouter l’arrêt des commandes à destination des cafés et des restaurants (les HCR comme on les appelle), mais aussi une baisse au niveau de la grande distribution avec des foires aux vins pas folichonne en septembre-octobre et quasi absente en mars-avril…

La commande de 60 000 bouteilles attend d’être expédiée aux Etats-Unis © JPS

« Là, on a les vins qu’on livre tous les mois aux particuliers par l’intermédiaire de nos agents, il est évident qu’avec le confinement les agents n’ont pas pu faire leurs livraisons habituelles, donc cela s’est effectivement entassé…On espère pouvoir reprendre prochainement à partir du 11 avec le déconfinement… »

Face à cette situation compliquée voire difficile pour certains, très certainement terrible pour d’autres, des mesures d’aide seront les bienvenues. « Sur la viticulture, il y a un vrai problème » a reconnu jeudi soir sur CNews Didier Guillaume, le Ministre de l’Agriculture. “Je vais annoncer dans les jours qui viennent un plan national de la viticulture avec Bruno Le Maire parce que l’Europe n’a pas été au rendez-vous de ce secteur” a-t-il dit.  Les coopératives viticoles françaises, italiennes et espagnoles, qui représentent la moitié de la production européenne, avaient demandé à la Commission européenne “l’ouverture sans délai d’une distillation de crise européenne de 10 millions d’hectolitres dotée d’un budget exceptionnel européen de 350 millions d’euros”. La Commission avait reconnu le problème, permis ces distillation, mais sans débloquer de fonds supplémentaire…Tout est sur la table pour être discuté en France et en Europe.

Nicolas Carreau dans ses chais © Jean-Pierre Stahl

« Ce sont des marchés à l’arrêt pour beaucoup, donc des trésoreries qui commencent à devenir difficiles, on est là dans une période où il y a beaucoup de travail dans les vignes donc des salaires à payer tous les mois, des charges qui restent toujours les mêmes et par contre des rentrées d’argent qui s’arrêtent, donc des situations très compliquées, c’est en plus la période où le vin sort pour le marché du vrac pour tous les contrats avec les négociants et là aussi on constate une très très forte baisse de l’activité… » commente Nicolas Carreau.

« Le vin reste dans les chais pour le moment, il faut qu’il sorte, cette  solution de distillation n’est pas forcément satisfaisante, on travaille toute l’année dans nos vignes pour produire de beaux vins ce n’est pas pour les voir partir distiller…Cela nous fend le coeur mais c’est certainement la meilleur solution pour au moins continuer à vivre, rentrer la prochaine vendange et repartir quand cela repartira… »

Bernard Farges, président du CIVB, exposera les attentes de la filière bordelaise, il sera lundi dans le 12/13 invité du JT de France 3 Nouvelle-Aquitaine.

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Philippe Turpaud, Xavier Granger :