04 Mai

Bernard Farges s’exprime sur le plan de soutien à la viticulture : « le gouvernement va devoir faire comme il fait auprès d’autres filières… »

Invité ce midi du 12/13 sur France 3 Nouvelle-Aquitaine, Bernard Farges, le président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux a confirmé que la filière vivait des heures difficiles avec des baisses de commercialisation de 30% en mars et bien davantage pour certaines propriétés jusqu’à 90 % en avril. Il attend des allègements de charges et un plan d’aide à la distillation de crise, qui devrait être annoncé par le Ministre de l’Agriculture.

Bernard Farges, le président du CIVB invité ce midi dans le 12/13 de © France 3 Nouvelle-Aquitaine

Jérôme Piperaud : « On vient de le voir avec notre reportage, les vignerons souffrent, avez-vous déjà chiffré le manque à gagner pour la filière depuis le début de l’épidémie ? »

Bernard Farges : « Difficile de chiffrer en valeur, mais nous savons déjà les baisses sur les vente du mois de mars: pour Bordeaux, c’est -30% et toutes les régions viticoles françaises sont dans ces conditions là…Nos amis champenois constatent des baisses de 80% en grande distribution, donc c’est un choc terrible dès mi-mars que nous avons vécu… Le mois d’avril, ma collègue l’a rappelé (dans le reportage), certaines exploitations sont à -90% de commercialisation, c’est vraiment très très dur et cela enchaîne avec des difficultés sur des marchés internationaux, notamment avec les Etats-Unis liées aux taxes Trump. »

Jérôme Piperaud : « Vous demandez à Didier Guillaume, le Ministre de l’Agriculture, un plan de soutien, concrètement quels sont vos souhaits, qu’est-ce-qu’il faut que le gouvernement fasse ?

Bernard Farges  : « Le gouvernement doit faire comme il fait auprès d’autres filières, il doit faire en sorte que les entreprises, et un maximum d’entreprises puissent être encore présentes dans quelques mois, parce que nous aurons besoin de commercialiser. Cette filière du vin est une filière qui rapporte beaucoup d’argent à la France, elle emploie beaucoup de monde plus de 500 000 emplois en France et plus de 50 000 sur le département de la Gironde, donc c’est une filière qui était source de profit pour la Maison France, jusqu’à il y a quelques semaines. »

Nous avons besoin que l’Etat vienne alléger les charges patronales, sur les salaires puisque la vigne continue de pousser, nous avons toutes nos équipes qui travaillent dans les vignes, une vigne en avance en plus en ce moment et donc nous avons besoin de beaucoup de main d’oeuvre et nous continuons à financer nos salariés. »

Jérôme Piperaud : « Justement pour la main d’oeuvre pour la prochaine vendange, il va y avoir des protocoles sanitaires à respecter, comment cela va se passer ?

Bernard Farges : « Les vendanges, c’est dans quelques mois, nous ne savons pas encore comment cela va se passer pour les vendanges, la situation d’aujourd’hui c’est le travail dans les vignes, c’est quand même plus faciles de travailler dans les vignes en respectant des distances que dans certains métiers ou dans certaines usines sans doute. Toujours est-il que nos équipes travaillent, nos salariés travaillent, nos exploitants viticoles et viticulteurs travaillent avec le respect de ce qui nous est demandé pour éviter la propagation du virus. »

« Nous avons aussi un certain nombre d’autres demandes, cela a été dit dans le reportage et notamment la distillation de crise, et nous attendons dans la semaine une intervention du Ministre de l’Agriculture, telle qu’il l’a annoncée il ya quelques jours, probablement avec le ministre le l’Economie, pour annoncer un plan de soutien à la viticulture. »

Diffusé ce midi dans le 12/13 de France 3 Nouvelle-Aquitaine

Coronavirus: du prosecco au chianti, le vin italien boit la tasse

Restaurants et bars fermés, fêtes et mariages interdits, morosité n’incitant pas à trinquer: du prosecco au chianti, les producteurs de vin italien subissent de plein fouet l’épidémie de coronavirus avec une nette chute des ventes.

© Chianti agriturismo Toscane

La péninsule s’enorgueillit d’être le premier producteur mondial de vin (avec 47,5 millions d’hectolitres l’an passé), juste devant la France (42,1 millions) à qui elle a ravi ce titre en 2015. Une grande partie est vendue à l’étranger, ce qui a permis au pays d’engranger l’an passé 6,4 milliards d’euros (contre 9,8 milliards pour la France qui reste le premier exportateur en valeur).

Mais, « depuis un mois et demi, tout un canal de distribution, celui des hôtels, restaurants, traiteurs et cafés est fermé en Italie. Puis progressivement, il s’est fermé dans le reste de l’Europe et outre-Atlantique » à cause des mesures de confinement, « et les ventes de prosecco via ce canal sont désormais proches de zéro », se désole Lodovico Giustiniani, président de l’organisation agricole Confagricoltura en Vénétie (nord-est).

« L’autre canal, celui de la grande distribution (supermarchés), fonctionne encore, mais il ne peut compenser les ventes d’un canal complètement à l’arrêt », note-t-il.

Sa propre cave, Borgoluce, qui ne vend pas en grande distribution et est très présente à l’étranger (Etats-Unis, Canada, Sud-Est asiatique…), a subi une chute de… 90% de ses ventes en mars.

Et « la consommation que nous n’avons pas eue pendant ces deux mois, nous ne la récupérerons pas: les gens ne boiront pas en plus ce qu’ils n’ont pas bu à un moment donné », rappelle, comme une évidence, le vigneron.

 FORCE DEVENUE FAIBLESSE

Dans le Piémont (nord-ouest), l’inquiétude est également vive.

Pour le barolo, la situation « est très critique, car il est vendu à 90% dans la restauration mondiale, aujourd’hui fermée », explique à l’AFP Paolo Boffa, président de la coopérative Terre del Barolo.

Le barolo a misé depuis plusieurs décennies sur « la qualité maximale », et a été promu sur les cartes des meilleurs restaurants du monde, note-t-il. Mais ce qui était une force se révèle une faiblesse aujourd’hui.

Les lignes de mise en bouteille de la coopérative, qui compte 300 producteurs, continuent à fonctionner, grâce à d’autres vins comme le barbera ou le dolcetto, aux prix plus grand public, et qui connaissent « une bonne consommation dans la grande distribution en Italie et en Europe », souligne M. Boffa.

Mais là aussi, « ces ventes ne peuvent sauver le bilan de l’entreprise ».

Les producteurs, où qu’ils soient, réfléchissent aux mesures pouvant être prises alors que la prochaine vendange aura lieu dans quelques mois. Où la mettre alors que les caves sont encore pleines?

Les producteurs de barolo demandent à pouvoir stocker en dehors de la zone de production traditionnelle, ce qui leur est normalement interdit.

Ils réfléchissent aussi, comme les producteurs de prosecco, à réduire la production de leurs vignes.

Une décision « drastique » que le Consortium du vin chianti a lui déjà prise, en abaissant sa production de 20% au risque d’entraîner de « graves dommages économiques pour les entreprises », selon son président, Giovanni Busi.

Alors que selon lui de nombreux producteurs « sont au bord de la faillite », il déplore « la distance abyssale entre les annonces innombrables faites par le gouvernement (…) et la réalité » vécue par les entrepreneurs « qui se voient claquer la porte au nez par les banques ».

« SACRIFICES »

Certains producteurs envisagent par ailleurs de distiller une partie de la production, afin de la transformer en alcool (éthanol), qui pourrait par exemple être utilisé pour la fabrication de gel hydroalcoolique.

Les coopératives viticoles françaises, italiennes et espagnoles ont ainsi demandé à l’Union européenne « l’ouverture sans délai d’une distillation de crise européenne de 10 millions de hectolitres dotée d’un budget exceptionnel européen de 350 millions d’euros ».

La solution pourrait tenter des producteurs dont le vin se conserve peu, à l’image du prosecco, un « vin très jeune » que « l’on ne peut pas faire vieillir comme on le fait avec les vins rouges », souligne M. Giustiniani.

Une éventualité exclue en revanche pour les vins haut de gamme comme le barolo, qui peuvent se garder.

Alors que le gouvernement italien a fixé au 1er juin l’éventuelle réouverture des bars et restaurants, la filière, souligne M. Boffa, y voit « une grande et belle nouvelle », même si elle craint une faible affluence du fait de l’inquiétude d’être contaminé.

« Nous avons tous compris la gravité de cette épidémie et de la crise qu’elle engendrera pour nos familles. Mais nous, agriculteurs, sommes habitués aux sacrifices et une fois encore nous n’abandonnerons pas », souligne-t-il.

AFP