Les vignes sont plus résistantes à la sécheresse qu’estimé, révèle une étude dans le Bordelais et la vallée de Napa en Californie, mais seront de plus en plus vulnérables
au changement climatique qui accroît la fréquence des vagues de chaleur et la diminution des précipitations.
Photo d’illustration – Sophie Aribaud et Nathalie Despagne au chevet de la vigne, qui en 2015 avait un peu souffert de la sécheresse à Pomerol © JPS
« La vigne a un potentiel de résistance à la sécheresse plus grand qu’on ne le pensait et c’est un message plutôt optimiste » pour l’avenir du vin, résume Sylvain Delzon, scientifique de l’Inra, l’Institut national français de la recherche agronomique de Bordeaux, l’un des co-auteurs de ces travaux publiés mercredi aux Etats-Unis dans la revue Science Advances.
Cette étude, menée entre autres à partir de données portant sur les quinze dernières années, montre qu‘il n’y a aucune différence entre plusieurs cépages dans leur résistance physiologique pendant des sécheresses sévères, explique-t-il dans un entretien avec l’AFP.
S’appuyant sur des observations sur le long terme dans deux des plus grandes régions viticoles mondiales, le Bordelais à Saint-Emilion et la vallée de Napa en Californie, ces chercheurs ont pu pour la première fois déterminer que les vignes n’ont jamais atteint leurs seuils mortels de dysfonctionnement hydraulique.
Ce phénomène se produit quand les tiges des pieds n’arrivent plus à faire circuler la sève dans leur système vasculaire. Mais, soulignent-ils, la marge de sécurité face à la sécheresse reste faible en juillet.
En étudiant la régulation de la transpiration des vignes, première réponse au stress hydrique de plusieurs cépages, dont le Syrah et le Grenache, les auteurs ont démontré qu’elles adoptent le même comportement face au manque d’eau.
Outre une bonne résistance des vaisseaux de la tige à l’embolie vasculaire, ce mécanisme d’adaptation s’explique aussi par une plus grande vulnérabilité des feuilles
au dessèchement qui jouent le rôle de fusible.
« En perdant ses feuilles, la vigne réduit sa transpiration ce qui empêche la chute de sa capacité hydrique », précise Sylvain Delzon.
Cette étude a aussi permis de mettre en évidence un changement de vulnérabilité des vignes au manque d’eau en été et de voir qu’elles sont plus résistantes après des sécheresses fréquentes et intenses.
« Les vignes n’ont donc jamais atteint leur seuil de rupture pendant les épisodes de sécheresse du début du siècle », résument les scientifiques. Mais « le changement climatique va accroître le stress et réduire cette marge de sécurité hydrique », estime Sylvain Delzon.
« Quand ces seuils seront franchis il faudra irriguer », ajoute-t-il, précisant que dans le Bordelais l’irrigation est actuellement interdite par le cahier des charges des appellations contrôlées sauf pendant les trois premières années de la plantation.
Un certain stress hydrique est en effet indispensable pour assurer une maturation optimale du raisin et obtenir des vins de qualité, favorisant pour les rouges la synthèse des polyphénols.
« Dans le Bordelais certains cépages seront peut-être plus affectés que d’autres et c’est le travail que nous faisons actuellement pour le déterminer », précise Sylvain Delzon.
Dans la vallée de Napa, beaucoup plus sèche que la région de Bordeaux, les viticulteurs irriguent déjà leurs vignobles ce qui les rend encore plus vulnérables aux futures sécheresses car leur marge de résistance au manque d’eau est déjà très réduite, pointe-t-il.
« Nous sommes déjà dans un contexte où la production de vin, notamment en France, ne cesse d’être affectée » par le dépérissement de la vigne, indique le chercheur rappelant que 2017 a été la première année au niveau mondial où on a produit moins de vin qu’on en a consommé.
Ce dépérissement du cep de vigne est lié à une multiplicité de facteurs complexes comme des maladies, des pratiques agricoles ou encore la sécheresse liée au changement
climatique, note-t-il.
De surcroît, la consommation d’eau dans l’agriculture est énorme et devrait augmenter avec l’accroissement démographique, surtout dans des environnements plus arides. Ainsi 80% des ressources en eau douce de Californie sont actuellement consacrées aux cultures.
Avec le changement climatique, il est donc encore plus impératif de réduire l’eau utilisée dans les activités agricoles pour assurer une viabilité durable de l’agriculture et ce en développant des cultures plus résistantes à la sécheresse, font valoir les auteurs de ces travaux.
Avec AFP.