07 Avr

Ban du Millésime : « le 2015 est d’une grande pureté et d’une parfaite élégance », selon Emmanuel Cruse

C’était ce mercredi soir une nouvelle grande réception comme Bordeaux et la Commanderie du Bontemps savent les organiser. Le Ban du Millésime est la soirée en l’honneur des importateurs étrangers venus déguster le millésime 2015. « La perception du 2015 est cette année très bonne, » confirme le Grand Maître Emmanuel Cruse.

6 Chinois enchantés par leur semaine des primeurs © JPS

6 Chinois enchantés par leur semaine des primeurs © JPS

« Fantastique, c’est le meilleur millésime depuis longtemps. Vous savez, la Chine est un grand marché pour les vins de Bordeaux »,  voici l’impression  laissée par ce millésime 2015 sur Dai Sheng de Yong Li Hang venu de Wuhan, avec 5 autres collègues de Shangaï.

Un accueil en grande tenue pour les importateurs étrangers © JPS

Un accueil en grande tenue pour les importateurs étrangers © JPS

Ce soir-là, ce sont près de 600 personnes qui sont invitées au Ban du Millésime. Une soirée que la Commanderie du Bontemps organise avec le concours des propriétés et le négoce de Bordeaux. « Chaque château peut inviter deux clients étrangers mais le négoce un peu plus. C’est vraiment stratégique pour eux, » me confie Emmanuel Cruse, le Grand Maître de la Commanderie.

La perception du 2015 est très bonne, plus personne n’a de doute sur la qualité du millésime », Emmanuel Cruse

Emmanuel Cruse et Virginie Calmels, adjointe au maire de Bordeaux © JPS

Emmanuel Cruse et Virginie Calmels, adjointe au maire de Bordeaux © JPS

Et Emmanuel Cruse de poursuivre : « on voit des acheteurs qui n’étaient pas venu depuis 2009-2010; le carnet de bal est plus que rempli pour ce millésime 2015. Ca me fait doucement rire d’entendre que le système des primeurs est en péril, on est tellement en péril que tous les grands vins italiens, américains, australiens veulent tous être distribués par la place de Bordeaux, ce qui prouve le contexte. Il va peut-être falloir adapter nos mises en marchés primeurs. Les importateurs étrangers sont souvent gérés par des financiers, aujourd’hui les châteaux doivent aussi garder du vin pour alimenter le marché des livrables, même si cela chagrine le négoce. En tout cas les primeurs vont perdurer sans problème, je le pense », a t-il confié à Côté Châteaux. »

Une soirée au rythme des cors de chasse

Une soirée au rythme des cors de chasse

Et lors de son discours devant un parterre conquis : « 2015 est un grand millésime d’une grande pureté et d’une parfaite élégance. Même si la conjoncture économique est difficile, restons optimistes. Nos avons une position de leader. Bordeaux est souvent critiquée lors de ses ventes en primeurs,  mais Bordeaux est aussi enviée par tous ses concurrents étrangers qui veulent être commercialisés sur la place de Bordeaux. Stop au dénigrement, au Bordeaux bashing. »

Roland Quancard et Francis Boutemy © JPS

Roland Quancard et Francis Boutemy © JPS

Francis Boutemy, président du Grand Cercle Rive Gauche, dresse aussi un bilan positif : « nous avons eu 750 personnes à la dégustation des Pessac-Léognan et 900 aux 2 sites du Grand Cercle (Rive Droite et Rive Gauche) ». Roland Quancard, négociant (Maison Cheval Quancard)à ses cotés, relate la bonne expérience des dégustations au Grand Stade : « globalement les personnes sont assez satisfaites, les asiatiques sont présents et les américains sont là. On a un bon intérêt sur le millésime. »

Romain Trémolot de Cordier Mestrézat Grands Crus © JPS

Ronan Trémelot de Cordier Mestrézat Grands Crus © JPS

Ronan Tremelot de Mestrézat Grands Crus résume: « il y avait un a priori positif, maintenant les clients aiment se forger une opinion par eux-même, discuter avex les négociants et propriétaires de châteaux. On est dans la période post-Parket et ça a redonné un pouvoir de prescription aux opérateurs. Il y a beaucoup d’échanges et de discussions sur la qualité. En tout cas, la qualité du millésime est confirmée par les dégustations. Si toutes les planètes sont bien alignées, et on pourra aller très loin… »

Si les prix sont acceptables, on pourra faire une bonne campagne de primeurs » Ronan Trémelot de Mestrézat Grands Crus.

Dany Pochon, l'importateur Suisse toujours en quête de bons Bordeaux © JPS

Dany Pochon, l’importateur Suisse toujours en quête de bons Bordeaux © JPS

Enfin, Dany Pochon , le voisin suisse de la Vinotheque de la Charrière SA à La Chaux-de-Fonds, a lui aussi son opinion sur le millésime: « ce n’est pas si extraordinaire partout, mais il y a des chefs d’oeuvres exceptionnels. C’est un millésime avec une richesse naturelle…il fallait être un sacré bon viticulteur pour rendre le millésime harmonieux et équilibré. Ce n’est pas le cas de tout le monde et là était la clé ».

Cité et Primeurs 103

Emmanuel Cruse a tenu à dédier cette soirée du Ban du Millésime à Paul Pontallier, le directeur de château Margaux, disparu fin mars, un oenologue qui justement savait faire de grands vins.

Le millésime 2015 pourrait bien relancer le système des primeurs à Bordeaux

Le 2015 est sur toutes les lèvres…La planète entière est venue le déguster, déjà de nombreux importateurs et négociants sont sur les rangs…reste à connaître le prix. Celui-ci devra être raisonnable pour relancer l’attrait de l’achat en primeurs, sinon le système pourrait s’essouffler… voire disparaître.

Saint-Emilion et ses nombreuses dégustations en primeurs © JPS

Saint-Emilion et ses nombreuses dégustations en primeurs © JPS

A Saint-Emilion, comme dans toutes les appellations du bordelais, on ne parle que de lui.  A la Grappe, le rendez-vous très prisé depuis 16 ans des vins des propriétés que conseille Stéphane Derenoncourt, nous avons croisé l’un des champions de l’achat en primeurs : Michel-Jack Chasseuil, le plus grand collectionneur de vins au monde. Celui-ci nous confie qu’elle est loin l’époque où il achetait en francs et parfois 3 à 4 fois moins cher par rapport au prix en livrable: « je pense que cela ne va pas s’éterniser d’autant plus avec la disparition de Robert Parker qui était là pour mettre des notes, des points et faire en sorte qu’il y ait une marge bénéficiaire. » 

Michel Chasseuil, le plus grand collectionneur de vins au monde © JPS

Michel Chasseuil, le plus grand collectionneur de vins au monde © JPS

Lui a pu bénéficier de ces envolées des prix pour vendre quelques bouteilles pour pouvoir s’en acheter d’autres et constituer ce qu’il appelle mle « Louvre du Vin » dans les Deux-Sèvres, une cave magistrale unique au monde.

Mais l’effet spéculatif de ces dernières années avec notamment l’envolée des 2009 et surtout des 2010 a fait du mal à Bordeaux. Bordeaux qui a descendu le prix de ses millésimes moins intenses sur les 2011, 2012 et surtout le 2013 (certains considèrent pas suffisamment). Aussi le système des primeurs s’est alors grippé, des négociants ne réalisant correctement leur campagne notamment sur le 2013.

Emilie Gervoson, de Larrivet Haut-Brion © JPS

Emilie Gervoson, de Larrivet Haut-Brion © JPS

La spéculation avait surtout touché une infime partie des vins de Bordeaux, quelque 50 marques connues: « la hausse des prix, elle n’est finalement que par rapport à un tout petit pourcentage de châteaux de Bordeaux, 5 % pour lesquels il y a un prix très élevé et où l’on dit que c’est devenu un produit de luxe. Mais il en reste encore 95% où les prix sont raisonnables. De 2011 à 2013, on est revenu à une gamme de prix qui correspond aux prix du marché. Je pense que c’est intéressant de perpétuer ces primeurs et de faire déguster à partir du moment où ce sont des personnes qui s’y connaissent et qui viennent déguster les vins, »explique Emilie Gervoson propriétaire du château Larrivet Haut-Brion.

Les vins vendus en primeurs s’étaient généralisés au fil du temps à Bordeaux. Mais avec les millésimes quelque peu en retrait, l’effet primeurs s’était essoufflé, il fallait dès lors une nouvelle dynamique que le 2015 semble apporter:

Stéphane Derenoncourt, organisateur de la dégustation La Grappe à Saint-Emilion © JPS

Stéphane Derenoncourt, organisateur de la dégustation La Grappe à Saint-Emilion © JPS

« C’est un système qui s’était ouvert à des crus un peu moins connus, je dirais. Aujourd’hui, cela se resserre un peu car les budgets demandés pour acheter les 50 étiquettes dont on parle en primeurs sont colossaux puisque les prix se sont vraiment envolés », commente Stéphane Derenoncourt consultant en vins. « Il n’en demeure pas moins que l’événement de la présnentation du millésime, c’est devenu un petit festival à Bordeaux et notamment à Saint-Emilion. »

Cité et Primeurs 045

Une analyse juste puisque ces 74 vins présentés à la Grappe à La Gaffelière ont attiré le double de visiteurs qu’il y a deux ans. On sent bien que cette année les étrangers sont prêts à acheter…(ou pas fonction du prix) : « la plupart des étrangers sont partants, ça dépendra des problèmes économiques, des prix qu’on va faire, que Bordeaux va faire, mais pour l’instant la plupart des clients que l’on a rencontrés sont très optimistes, »selon Guillaume Cottin de la Vinothèque de Bordeaux et négociant de Dubos Frères.

Les primeurs ne sont donc pas enterrés à Bordeaux. Pas encore. Une place d’autant plus convoitée par la planète vin que de nombreux opérateurs ou wineries américaines, australiennes ou italiennes cherchent de plus en plus à être commercialisées par le négoce et la place de Bordeaux.

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Guillaume Decaix, Eric Delwarde et Corine Berge