08 Jan

L’aérodrome de Limoges-Feytiat

Aérodrome Limoges-Feytiat 005-20 - vue aérienne - Photothèque Paul Colmar

Aérodrome Limoges-Feytiat - Parachutisme - CERPCO 100-4 - (1962) - Photothèque Paul Colmar

Aérodrome Limoges-Feytiat 001-4 - aérogare et avion - Photothèque Paul Colmar

(c) Photothèque Paul Colmar

De 1933 à 1974, l’aérodrome de Limoges-Feytiat, qui se situait à l’emplacement actuel du Golf municipal St-Lazare à Limoges, a connu le développement de l’aviation. Maryse Bastié, Fernand Malinvaud et bien d’autres, furent de l’aventure. En 1936, l’Aviation Populaire a ouvert les portes du loisir aérien à de nombreux jeunes de toutes conditions. A partir de 1946, l’aviation de loisir a connu ses heures de gloire. Toutes les disciplines sportives y étaient représentées : le vol moteur et le tourisme aérien, le vol à voile, l’aéromodélisme et le parachutisme. A l’occasion de grandes fêtes aériennes, les as locaux et les aviateurs français parmi les plus illustres ont émerveillé les foules. Le dimanche, le public montait « au terrain » à pied, à vélo, en tramway puis en trolley, pour voir évoluer les aviateurs. En 1967, le développement de l’Aviation Limousine vit ses efforts récompensés avec la création de la première compagnie aérienne régionale, AIR LIMOUSIN.

03 Jan

L’alimentation, les marchés et les mortalités à Limoges au XIIIème siècle (D’après les Chroniques de Saint-Martial)

 

Les céréales demeurent la base de l’alimentation des Limougeauds, en particulier le seigle et le froment. On boit du vin, élaboré pour la messe mais également consommé par les moines. Ainsi, à Saint Martial, lors des anniversaires ou des grandes fêtes, le cellérier distribue le vin pur, le reste du temps, il a l’autorisation de le mouiller (il y a deux cellériers : celui de la cuisine pour la nourriture et celui du vin). En raison des restrictions des nombreux jours de maigre dans l’année, le poisson occupe une grande place dans le régime alimentaire. On les pêche dans les nombreux cours d’eau et étangs régulièrement empoissonnés. On consomme également de la volaille, des œufs et de la viande (il y a un marché à la viande à Limoges). Le sel est utilisé pour conserver la viande de porc. Parmi les fruits que l’on mange : les pommes, les raisins, les prunes, mais aussi les oranges, dont le prix est élevé car elles sont importées. Il est vraisemblable que l’on déguste aussi des laitages.

Il y a des foires et des marchés à Limoges. Au centre du cloître de Saint Martial (« la clautre »), on peut acheter des fruits, du blé, de menues denrées. Place des bancs sont disposés les étaux des bouchers ; la volaille et le gibier sont vendus à la porte Poulaillère ; le marché aux poissons se situe à la porte Poissonnière puis devant l’église Saint Pierre. Les deux rues les plus fréquentées et commerçantes sont la rue du Clocher et celle des Taules, où s’alignent banquiers et changeurs.

Malheureusement, il y a à cette époque un nombre relativement important de crises alimentaires, dues à des accidents climatiques et à de mauvaises récoltes. En 1235, la pénurie alimentaire fut si grande que « les hommes mangeaient de l’herbe comme les animaux. » La famine fut aggravée par la peste avec gonflement et inflammation de la peau. A Saint-Martial, 22 moines (soit le quart de l’effectif) moururent.

23 Déc

A l’abri des remparts

        

 

Au Moyen Âge, la fortification joue un rôle psychologique important : à la tombée du jour, le pont-levis relevé et les portes fermées, la ville est complètement isolée du monde extérieur. En même temps qu’une impression de sécurité, le sentiment d’une unité communautaire naît de cet isolement. L’enceinte protège : celle du Château de Limoges a 12 mètres de haut et 2 mètres de large, avec mâchicoulis et chemin de ronde ; les fossés, larges de 20 mètres, étaient à sec en haut de la ville, pleins d’eau et d’immondices dans le bas. Jusqu’en 1373 existent huit portes : la porte Montmailler est la plus ancienne ; elle se trouve à l’extrémité de la rue des Combes ; de là part le faubourg Montmailler qui conduit au Mont Jovis et se prolonge par la route de Poitiers et des pays du nord de la France. La porte des Arènes donne accès au faubourg des Arènes qui longe l’ancien amphithéâtre gallo-romain et se prolonge par la route de Saintes ; elle dispose d’un important service de guet. De la porte Manigne part le faubourg du même nom qui rejoint le faubourg du Pont-Saint-Martial et conduit, par le pont, à la route du Bas-Limousin et du Quercy. La porte Boucherie est tournée vers la Cité où conduit le faubourg du même nom. Il existait quatre autres portes qui furent murées après 1373 pour des raisons de sécurité : la porte Mireboeuf, la porte Vieille-Monnaie, la porte Pissevache et la porte Lansecot ou Saint-Esprit.

La Cité a quant à elle cinq portes : la porte Panet, à l’extrémité de la rue du même nom, qui ouvre sur le port du Naveix ; la porte du Rouveix ou du Chêne, au sud de la cathédrale ; la porte Saint-Maurice, la porte Escudière, la porte Traboreu, toutes les trois en face du Château. L’abbaye de la Règle est entourée de murailles. Il existe autour de la Cité des remparts et des fossés.

Entre le Château et la Cité s’étendent des faubourgs, les « barris ». Le roi avait pourtant décidé de faire détruire ces constructions qui, depuis la renaissance urbaine, enserraient les remparts, arrêtaient la vue de ceux qui les gardaient, et facilitaient l’approche des assaillants ; mais – c’est compréhensible – il s’était heurté à d’inévitables résistances, malgré les promesses de dédommagement convenable. C’est probablement ce qui explique la présence de maisons entre Cité et Château. En 1370, la destruction par l’Anglais démontra que le roi avait raison de vouloir les supprimer. Il y avait là des maisons, des jardins, des vignes et des vergers.

De temps à autre, des revues d’armes avaient lieu à Limoges, comme dans d’autres villes – par exemple au « creux des Arènes ». Il s’agissait d’inspecter les hommes et leurs armements.

On imagine bien à quoi ressemblait le Château, avec sa variété de population (qui aime se revendiquer « bourgeoise »), de quartiers, de rues et de ruelles, ses places (celle des bancs charniers était la plus importante, avec sa trentaine d’étals, et le pilori au sud), ses étangs près de la motte, ses fontaines, ses multiples cris et bruits, ses sons de cloches. Les maisons (« meygos ») avec parfois leurs jardins. Les différents métiers exercés : bouchers, boulangers, couteliers, ceinturiers, charpentiers, argentiers, maçons, manouvriers, couturiers, forgerons, orfèvres, émailleurs, juponiers, coiffeurs, fromagers, drapiers, cordonniers, cubertiers, valets… et puis les clercs, les chanoines, les notaires, écrivains publics et même, à la fin du Moyen Âge, un imprimeur, Jean Berton. Parmi la production locale des tisserands : la limogiature – une étoffe de luxe rayée soit d’or soit de rouge, vendue en partie à l’extérieur du Limousin. Il y a tous les petits marchands, aussi, comme Mariota Ourissona, vendeuse de châtaignes. Dans cette ville, les pauvres assistés s’occupent de l’entretien des vergers. Les consuls doivent agir pour le bien en écartant le mal, la haine, la malveillance et le favoritisme. Ils ont la garde de la ville, des droits de justice et police. Ils veillent à la conservation des finances publiques, protègent les veuves et les orphelins. Ils ont à s’occuper du bon état de la forteresse et des armes communes, du pavement des rues, de l’entretien des étangs, de l’installation des bancs sur les places et aux carrefours, de la plantation d’arbres et de la bonne qualité des produits fabriqués et vendus au Château. Ils doivent rendre des comptes à la fin de leur consulat.

L’affluence des pèlerins vers l’abbaye attire les marchands. Une colonie vénitienne établit très tôt un entrepôt dans la ville, que l’on imagine très odoriférant : les commerçants de la Sérénissime vendaient le poivre et les épices du Levant à travers toute l’Europe occidentale. Les clous de girofle, la noix de muscade, la cannelle imprégnaient les viandes et les poissons dans la plupart des recettes ; sans doute pour masquer la salinité de ces produits – le sel étant le conservateur – mais surtout parce que leur attractivité gustative et imaginaire était fort prisée par ceux qui avaient les moyens de les acheter.

Limoges, qui occupe un site de carrefour, est un important lieu de commerce et sa bourgeoisie marchande y tient une place influente et enviée. Les bourgeois sont propriétaires immobiliers et fonciers, placent leur argent, font prospérer leur patrimoine, font des dons à l’Eglise, pratiquent la charité.

Le noyau urbanisé du pont Saint-Martial s’est développé sur la rive droite de la Vienne, de part et d’autre d’un axe qui relie le Château au pont. D’un côté, vers le sud, il y a le chemin de Solignac, de l’autre, la « granda rua deu Pot ». Des maisons ont été construites, avec leurs solars, leurs jardins et leurs vergers, parfois fleuris de rosiers odorants, comme ceux de la Cossana, une propriétaire du XVème siècle – la fleur, venue d’Orient, avait été cultivée dans les monastères puis dans les résidences aristocratiques, avant d’apparaître dans les jardins des particuliers où, selon Albert le Grand, « elle excite l’admiration ». On rencontre des manouvriers et des prêtres parmi la population ; tanneurs et corroyeurs sont installés le long de la Vienne.

Les frères des Ordres mendiants se sont installés à Limoges : ils œuvrent pour la défense de la foi, luttent contre l’hérésie et leur prédication progresse avec l’urbanisation, le public étant plus nombreux – ils interviennent ainsi à l’emplacement des anciennes arènes, où une foire se déroule le 30 juin. Sous leur influence grandissante, les limougeaudes cachent leurs cheveux sous un chaperon. Le franciscain Saint Antoine de Padoue lui-même, excellent prédicateur, enseigne quelque temps dans la ville où il est custode.

Quant à la famille, qui compte environ sept personnes (parents et enfants vivants), elle est soumise à l’autorité du mari et père. Des dynasties bourgeoises se créent à la fin du Moyen Âge. La langue parlée et écrite, en dehors de l’Eglise, est l’occitan.

 

18 Déc

Automne 1370 : le sac de la Cité … et Montaigne

 

Le 24 août 1370, vers neuf heures du matin, l’évêque et les consuls de la Cité abandonnent l’Angleterre et jurent fidélité au roi de France, devant le maréchal de Sancerre, son représentant – accueilli ensuite par les habitants et des manifestations d’allégresse. On crie « Montjoie et Saint-Denis » du haut du portail et des murs au passage de la bannière royale. Quelques chevaliers et quatre-vingt hommes d’armes s’installent à demeure. Le Château est alors encore fidèle aux Anglais. Un mois plus tard, le prince de Galles attaque la Cité. Le célèbre chroniqueur Jean Froissart a fait la relation vive du sac de la ville, avec toutefois quelque exagération : le prince de Galles, nous dit-il, « fut très courroucé […] Quand la plus grande partie de ses gens fut arrivée, on compta 1 200 lances, chevaliers et écuyers, 1 000 archers et 3 000 hommes de pied […] Avec le prince étaient ses deux frères, le duc de Lancastre, le comte de Cambridge et le comte de Pembroke qu’on appelait aussi leur frère […] Pendant près d’un mois, le prince de Galles assiégea la Cité de Limoges [puis, les mineurs firent leur œuvre et les Anglais entrèrent dans la ville] tout prêts à mal faire et courir la ville pour tuer hommes, femmes et enfants comme on leur avait commandé. Là, il y eut grand-pitié ; car hommes, femmes et enfants se jetaient à genoux devant le prince et criaient : « Grâce, noble sire, grâce !… » Mais il était si enflammé d’ardeur qu’il n’entendait pas, que personne n’était écouté, mais tous mis à l’épée, quand on les trouvait et rencontrait, ceux qui n’étaient pas coupables ; et je ne sais comment il n’avait pas pitié de ces pauvres gens qui n’étaient pas capables de trahison […] Il n’est si dur cœur se trouvant alors à Limoges et qui se souvînt de Dieu, qui ne pleurât tendrement de la grande infortune qui y était, car plus de 3 000 personnes, hommes, femmes et enfants furent tués et décapités pendant cette journée. Dieu en ait les âmes, car ils furent bien martyrs ! […] toute la Cité de Limoges fut parcourue, pillée et dévastée sans délai, puis brûlée entièrement et mise à destruction ; et puis repartirent les Anglais en emmenant leur butin et leurs prisonniers. »

Pour sa part, La Chronique de Saint-Martial évoque la mise à mort de 3 00 habitants, ce qui semble plus plausible. Les habitants du Château apportèrent tant bien que mal leur aide à ceux de la Cité, qui étaient parfois leurs parents ou amis et en 1378, un concile réuni à Paris accorda 40 jours d’indulgence à qui ferait des dons pour restaurer la cathédrale. La Cité ruinée servit un temps de repaire à des bandes de brigands, avant que les habitants du Château y mettent bon ordre.

Michel de Montaigne ouvre ses Essais par un épisode du sac qu’il tire de Froissart. Celui où Edouard, prince de Galles, « aperçut trois gentilshommes français qui, avec une hardiesse incroyable – écrit le penseur –, soutenaient seuls l’assaut de son armée victorieuse. La vue et la considération d’un courage aussi remarquable émoussa d’abord la pointe de sa colère, et il commença par ces trois-là à faire miséricorde à tous les autres habitants de la ville. » Le philosophe prend ce prétexte (et d’autres) pour réfléchir à propos du fait que « par divers moyens on arrive à pareille fin ».

01 Déc

Limoges au Moyen Âge: Une bourgeoisie active dans la lutte pour les libertés urbaines

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Jean Fayen, Totius Lemovici et confinium provinciarum […] novissima et fidissima descriptio, Tours, Maurice Bouguereau, 1594, Carte originale publiée par Bouguereau dans Le Theatre francois

BNF, Cartes et Plans, Ge D 15 016

 

Face à la Cité dont sont maîtres les évêques, le Château profite du rayonnement de l’abbaye et de l’essor du commerce. Surtout, ses bourgeois – burgenses ou homines castrum lemovicum – manœuvrent fort habilement et avec âpreté pour conquérir de nouveaux droits, profitant notamment des rivalités entre le vicomte de Limoges, Adémar V, qui conteste l’autorité anglaise, alors que le duché d’Aquitaine est passé sous le contrôle de l’Angleterre suite au mariage d’Aliénor avec Henri II Plantagenêt. En 1171 (?), d’après Geoffroy de Vigeois, le jeune Richard Cœur de Lion, nouveau duc d’Aquitaine, après une entrée processionnelle devant la foule en liesse, où il est accompagné par sa mère, reçoit à la cathédrale (« église matrice du Limousin ») la bénédiction de l’évêque de Limoges, une belle tunique de soie et une relique précieuse mais sans doute apparue pour « la cause » : l’anneau de sainte Valérie, signe d’une union mystique entre le prince et la Cité, le culte de la sainte ayant été redynamisé depuis une dizaine d’années. Suivent diverses festivités : tournois et banquets. L’Eglise limougeaude légitimant ainsi la Cité comme le lieu du couronnement ducal – Reims étant celui du sacre royal. Mais, progressivement, l’opposition entre le duc et les Limousins grandit et le Château se retrouve au cœur des affrontements. En 1183, Henri II en fait raser l’enceinte et démantèle le pont Saint-Martial pour châtier les habitants indociles. En 1199, faisant face à une coalition entre Philippe-Auguste, le comte d’Angoulême et le vicomte de Limoges, Richard Cœur de Lion est mortellement blessé (vraisemblablement par Pierre Basile) d’un carreau d’arbalète à Châlus-Chabrol, ce qui inspira nombre de chroniqueurs médiévaux puis Walter Scott dans Ivanhoé. Il rend son dernier souffle dans les bras de sa mère Aliénor.

Malgré les désagréments, les bourgeois de Limoges – dont le vicomte a besoin pour assurer la défense de ses positions – se voient reconnaître des droits politiques par celui-ci et par l’abbé. De 1212 à 1260, ils établissent progressivement leurs coutumes, fixent l’organisation de leur institution consulaire – avec l’élection annuelle de huit (puis douze) consuls élus par les quartiers de la ville, assistés par le Conseil des Prud’hommes de l’Hôpital. Les consuls ont pour attributions la possession et l’entretien coûteux de l’enceinte et du guet, celui de la voierie, des aqueducs, des fontaines et des égouts, de la police, le contrôle des activités commerciales. Ils mettent aussi progressivement la main sur la justice, au détriment des seigneurs locaux. Malgré le soutien du roi d’Angleterre Henri III Plantagenêt qui confirme leurs franchises, les consuls se retrouvent face à l’hostilité vicomtale qui dégénère en une guerre – dite de la Vicomté – qui dure longtemps, de 1260 à 1276, alternant les combats et les trêves, les appels au roi de France ou au Parlement. Celle-ci ravage et épuise la commune et ses alentours (les vendangeurs se joignent aux bourgeois car leurs vignes subissent des dégâts). Parmi les victimes, on compte des femmes, des enfants, des clercs ; les vicomtins – dont le siège est à Aixe – se battent à cheval, les bourgeois à pied, parfois au son de tambours et trompettes : c’est un conflit violent. Après la mort du vicomte Guy VI, c’est sa veuve Marguerite de Bourgogne qui poursuit l’affrontement, aidée par Gérard de Maumont, détesté par les bourgeois, conseiller de Philippe III, futur ambassadeur puis chapelain du pape, qui reçut le château de Châlus-Chabrol pour services rendus avant d’acquérir celui de Châlucet haut. En 1276, alors que la commune est épuisée, une sentence, confirmée un an plus tard par le roi de France Philippe III, prive les consuls et les bourgeois de nombre de leurs droits au profit de la vicomtesse.

Il existe également un consulat dans la Cité de l’évêque, que l’on connaît mal, faute de sources. J’ai déjà montré qu’en 1307, un contrat de pariage fut signé entre le roi de France Philippe IV le Bel et l’évêque Raynaud de La Porte, à l’occasion d’un conflit entre les consuls de la Cité et ceux de Saint-Léonard-de-Noblat et l’évêque : celui-ci prive les bourgeois de tout droit sur la justice des villes, mais permet au souverain d’en récupérer la moitié et de faire habilement progresser son influence.

C’est la guerre de Cent Ans qui permet finalement aux consuls de Limoges de faire à nouveau reconnaître leurs pouvoirs, par Edouard III d’Angleterre, d’abord – suite au Traité de Brétigny qui place Limoges sous souveraineté anglaise en 1365 –  puis, suite à leur ralliement, par Charles V de France en 1371. Ils redeviennent ainsi les maîtres de leur ville, jusqu’au règne de Louis XI qui l’amoindrira au profit de la Couronne et de ses officiers. Les charges consulaires se transmettent de génération en génération, comme la richesse économique ; en sont écartés le peuple et les bourgeois modestes.

 

23 Nov

L’abbaye Saint-Martial (3)

sponsa-sponsus

Limoges fut aussi un centre majeur de création musicale, les moines entreprenant dès le début du Xème siècle des recherches à propos de l’office liturgique, y intercalant des passages n’en faisant pas partie, d’abord des vocalises, agrémentées ensuite de paroles, puis des tropes, de véritables pièces polyphoniques chantées, composant aussi des séquences (textes rimés) et contribuant aux débuts de l’organum. Les œuvres dites de l’Ecole de Saint-Martial sont contemporaines de l’apogée de l’architecture romane. Au XIème siècle y fut composé le Sponsus, drame liturgique bilingue en occitan et en latin, mettant en scène la parabole biblique des vierges folles et vierges sages (Matthieu, XXV, 1-13), considéré comme la première œuvre dramatique rédigée en occitan mais aussi comme l’ancêtre de nos opéras et oratorios classiques. C’est du mot trope que vient celui de troubadour et il n’est pas anodin que l’on compte nombre de Limousins parmi les plus grands troubadours. Des liens existèrent entre les moines musiciens de Limoges et les poètes profanes inventeurs de la fin’amor. Le premier troubadour connu, Guillaume IX, est duc d’Aquitaine, c’est le grand-père d’Aliénor, elle-même élevée dans l’amour de la littérature et de la musique, amie et mécène des troubadours, épouse d’Henri II Plantagenêt, et l’on a dit les connexions qui existaient entre ces familles et Limoges.

Il y eut même du théâtre puisque l’on a mention, en mai 1290 et juin 1302 au moins de représentations de miracles dans le cimetière de Saint-Martial, près de la croix en pierre – les auteurs étant cadurciens.

On doit donc envisager l’abbaye Saint-Martial de Limoges et ses parages comme un centre culturel majeur de l’Europe occidentale médiévale, imaginer ses diverses activités créatrices, mais aussi les rencontres, les recherches, les disputes, des différents artistes et artisans, qu’ils soient religieux ou laïcs : copistes, enlumineurs, orfèvres, émailleurs, sculpteurs, moines musiciens et troubadours. Ce lieu se doublait bien sur d’une école, où l’on apprenait certes à lire et à écrire, mais également à chanter.

 

13 Nov

La gare de Limoges-Bénédictins parmi les plus belles du monde…

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(c) L. Bourdelas

Le magazine Vanity fair vient de classer la gare de Limoges-Bénédictins comme l’une des plus belles du monde.

Grâce à la mobilisation des élus locaux, la Compagnie ferroviaire privée du Paris-Orléans est chargée de l’exploitation de la ligne reliant Limoges à la capitale. En 1856, le premier service voyageurs est ouvert entre la ville et Argenton-sur-Creuse. Deux ans après, la première gare en dur est achevée, œuvre de Pierre Louis Renaud – deux tours carrées flanquent le bâtiment central en pierre, orné de sculptures. L’emplacement choisi pour la nouvelle infrastructure est celui occupé par la Maison-Dieu (une léproserie) jouxtant un ancien monastère bénédictin. Non loin, l’ancien Champ de mars occupé par le 9e Régiment de Chasseurs, transformé par la suite en champ de foire et lieu d’expositions diverses, se mue en Champ de Juillet (en hommage aux Trois Glorieuses) en octobre 1831. En 1858, le paysagiste Eugène Bühler est chargé de le réaménager complètement afin de permettre la création d’une promenade publique – le quartier évolue encore dans les années qui suivent. De la gare d’Orléans – tel qu’on l’appelle alors – jusqu’à Paris, il faut compter douze heures de trajet. De plus en plus fréquentée, le trafic s’intensifiant, la gare est agrandie en 1891 et divers aménagements réalisés jusqu’au début du XXème siècle.

La décision de création de la ligne Limoges – Angoulême fut décidée en 1845, mais le lancement des études n’eut lieu qu’en 1853. Le premier train arriva en gare des Charentes (dans le faubourg Montjovis) le 26 avril 1875, et la gare fut reliée à la gare des Bénédictins en 1894. La Compagnie des Charentes y avait installé dépôt de locomotives et gare à marchandises.

Dès 1908, le ministre des Travaux Publics, Louis Barthou, juge la gare existante indigne d’une ville comme Limoges et juste après l’armistice de 1918, la ville de Limoges et la Compagnie du Paris-Orléans signent l’accord de construction d’une nouvelle gare, en surélévation au-dessus des voies, faite de béton, d’acier et de calcaire, confiée à l’architecte Roger Gonthier (1884-1978), associé à l’ingénieur-en-chef Jullien. Les travaux, financés par la municipalité, le conseil général et la Compagnie du Paris-Orléans, complétés par le réaménagement du Champ de Juillet, durent de 1924 à 1929 – elle est inaugurée le 2 juillet, après avoir essuyé bien des critiques. Son campanile haut de 57 mètres surplombe la ville (et lui donne l’heure avec ses quatre horloges aux chiffres romains) ; les vitraux de Francis Chigot (1879-1960), décorés de châtaignes, de feuilles de chênes et de glands, la parent et éclairent un hall de près de 4 000 m2 ; la coupole de 26 mètres de haut (surmontée par un magnifique dôme) lui confère un aspect de cathédrale industrielle vouée aux transports modernes ; enfin, diverses statues d’Henri-Frédéric Varenne (1860-1933) y célèbrent les provinces desservies par la Compagnie (Limousin, Bretagne, Touraine et Gascogne), l’émail, la porcelaine, l’agriculture, et le commerce. Si certains virent dans la gare, au moment de son inauguration, avec quelque exagération, un « bloc de saindoux que les charcutiers exposent dans les vitrines à Noël », Limoges-Bénédictins est devenue emblématique de la ville, avec ses cuivres vert-de-grisés et les Limougeauds y sont attachés, à tel point que lors de l’incendie de 1998, beaucoup vinrent sur place. L’auteur de ces lignes – qui a financé ses études en étant contrôleur à la S.N.C.F. – n’est pas loin de penser que c’est bien l’une des plus belles gares de France, si ce n’est du monde, en effet ; il en veut pour preuve que Chanel l’a choisie en 2009 pour servir de décor à la publicité pour son célèbre N° 5, avec la comédienne Audrey Tautou. Auparavant, les jeunes cheminots cégétistes de mai 68 avaient orné le campanile d’un drapeau rouge de 5 x 4 mètres, et l’image était devenue le symbole des événements dans la ville.

06 Nov

La foire du livre de nos voisins brivistes…

DanieleSallenave

Daniele Sallenave, présidente de la 34ème édition

Echanges avec mon ami Jérôme Leroy, notamment publié par la prestigieuse Série Noire de Gallimard, et avec la grande historienne Mona Ozouf… Non, cette année, je ne pourrai pas les rencontrer: je ne serai pas à Brive mais à… Paris. Je croiserai donc le fameux « Train du livre » qui conduit les auteurs vers « Cholesterol City », pour reprendre l’expression d’Erik Orsenna – si mes informations sont exactes. Si je fais une entorse sur ce blog consacré à l’histoire limougeaude, c’est parce que cette « foire du livre » (attention! L’éditeur René Rogerie évoquait la Fête des ânes à propos de ce type de manifestation!) est bien entrée dans l’histoire, celle du « riant portail du Midi ».

J’aurais bien aimé m’entretenir avec Mona Ozouf, car elle est lauréate 2015 du Prix de la langue française qui récompense une personnalité du monde littéraire, artistique ou scientifique dont l’oeuvre a contribué de façon importante à illustrer la qualité et la beauté de la langue française. Il est doté de 10.000 € par la Ville de Brive. Le jury est composé d’Académiciens français, d’Académiciens Goncourt, d’écrivains et de journalistes. C’est un prix largement mérité par l’historienne dont la lecture provoque toujours un intense plaisir littéraire et intellectuel. Je vous conseille particulièrement sa Composition française. Une autre dimension donc que certains autres invité(e)s, comme Christine Angot, dont on se souvient qu’en 2008, elle avait livré le récit sans intérêt littéraire de sa rencontre avec Doc Gynéco (un rappeur oublié) justement à la Foire de Brive. Comme quoi, cette Foire du livre de Brive, c’est un peu La Samaritaine: on y trouve de tout! C’est sans doute ce qui fait son succès, chaque début de septembre.

Elle fut créée en 1973 et son existence est intimement lié à « L’Ecole de Brive », dont le romancier Jacques Peuchmaurd fut le parrain: « Moi, plutôt que groupe, plutôt qu’école, je dis bande… Un groupe uni par l’amitié, qui fait leur force, et elle est considérable… A l’origine, il y a donc un pays, la Corrèze, et une ville, Brive. Des paysans et des citadins… mais Creusois ou Corréziens c’est pareil: nous sommes tous des Limousins, de la nation gauloise des Lémovices – des pas commodes, selon César. » En 73, donc, c’est la rencontre entre lui, Michel Peyramaure et Claude Michelet, une équipe à laquelle vient se joindre un peu plus tard Denis Tillinac, puis Christian Signol et Gilbert Bordes. Peuchmaurd précisa la philosophie de sa bande: « … on festoie: on boit, on rit, on déconne (nous sommes très doués). On n’est plus seul! » La suite, on la connaît: c’est un immense succès commercial. » En 1998, le facétieux Pierre Marcelle ironisait dans Libération: « Solidement implantés dans le paysage socioculturel de Jacques Chirac et de Patrick Sébastien, ils sont la FNSEA d’une industrie agriculturelle que les Goncourt viennent désormais honorer chaque premier dimanche de novembre, à la veille de la remise de leur propre trophée. Les sous-préfets des lettres parisiennes applaudissant à la remise du Grand prix littéraire de la Corne d’or limousine, c’est beau comme la scènes des comices dans Madame Bovary… ». S. Coyault-Dublanchet notant par ailleurs: « Quant à Pierre Michon, Pierre Bergounioux ou Richard Millet, en leur province même – le Limousin – ils tiennent à afficher leur distance à l’égard de la très locale « Ecole de Brive ». Il n’empêche, on a déjà croisé l’ami Bergounioux à la Foire du Brive, éprouvant beaucoup de plaisir à écouter magnifiquement disserter ce grand écrivain corrézien – l’un des plus grands écrivains français.

Le temps sera clément, cette année encore, pour aller se presser à la foule dans les allées de la Foire, mais aussi se prélasser sur une terrasse. Ne pas oublier d’aller faire un petit tour à la librairie de livres anciens Livresse de Frédérick Bazin, 14 bis rue Elie Breuil, qui accueillera Vénus Khoury-Ghata, l’une des grands poètes de notre temps, dont l’écriture est illuminée par son Liban natal, souvenirs heureux, teintés de désespoir et de chagrin, la Guerre et la Mort étant passés par là… Connue  et reconnue pour son travail romanesque, elle se considère avant tout comme poète. Diane de Bournazel sera également présente. Ce sera samedi 7 novembre 2015, à partir de 17h.

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