Maquette d’Augustoritum, Musée des Beaux-Arts de Limoges
Longtemps, les historiens ont cru au développement d’une bourgade antérieure à la cité gallo-romaine, Ritu ou Rita – le gué de la Vienne, à 500 mètres en aval du pont Saint-Martial, à l’emplacement appelé La Roche-au-Gô. Selon les archéologues, il y eut une occupation humaine sur les lieux, depuis le Néolithique, pratiquant des activités agricoles, mais sans doute rien d’importance : une ferme ou un groupement de fermes sur le plateau des Basses-Palisses, un habitat diffus. A la Renaissance, et parfois plus tard, les origines de Limoges se parèrent d’atours merveilleux et les mythes fondateurs purent prospérer ; ainsi Monsieur Boisse, ancien conservateur de la Ville de Limoges, rappela-t-il en ces termes une ancienne tradition : « Lemovix était un prince Phrygien, plein de courage, débonnaire, clément, aimant la justice […] marchant d’exploits en exploits, le hasard le conduisit sur le plateau où est assise notre Cité ; cette situation, l’eau limpide de la Vienne qui le bornait, et dont le méandre découpait les bords, le décidèrent à jeter dans ce lieu, les fondements d’une nouvelle patrie. Il réalisa ce projet l’an 3682 de la création du monde. Les premiers batimens agglomérés prirent le nom de Lemovix, dont on a fait Limoges ».
En fait, ce sont les Romains qui, vers 10 avant J.C., s’installèrent sur ce site répondant aux principes énoncés par l’architecte Vitruve pour l’implantation des villes. Les conquérants trouvaient là une grande rivière, la plaisante Vienne, – prenant sa source sur le plateau de Millevaches et se jetant dans la Loire –, un replat ensoleillé et protégé du froid sur la rive droite (le sol fut aménagé en étages de terrasses), et le fameux gué qui donna en partie son nom à la nouvelle ville : Augustoritum, le gué d’Auguste, dénomination attestée par exemple par Ptolémée dans sa Géographie au IIème siècle. Augustoritum était enfin sur la voie voulue par Agrippa – ami de l’empereur, gouverneur des Gaules en 39-38 – pour relier Lugdunum (Lyon), capitale des Trois Gaules, à Mediolanum Santonum (Saintes), capitale de la province d’Aquitaine. Le site était aussi traversé par un vieil itinéraire remontant à l’Âge de Fer, pour le transport des métaux et du vin, reliant les territoires celtes du Nord-Ouest aux colonies de la Provincia. Cette fondation urbaine permit de progressivement marginaliser économiquement et politiquement l’oppidum de Villejoubert, l’occupant romain étant aidé dans cette entreprise par les nouvelles élites gallo-romaines ralliées à sa cause. Une inscription visible au Musée des Beaux-Arts de Limoges, sur la pierre de dédicace d’une fontaine publique en granit, mentionne deux des possibles acteurs de la création d’Augustoritum : Dumnorix et son fils Postumus, vergobret (haut magistrat chez les Celtes) – qui adopta un nom romain. Un socle de statue cite également un Tiberius Taurius Taurianus, fils du duovir Taurianus Silvanus, et lui-même duovir, qui a rendu des bienfaits à la ville et à qui la Civitas Lemovicum a dressé cette statue. C’est le signe que les élites de la cité se comportent désormais en véritables romains : titre de duovir, utilisation des trois noms romains traditionnels (tria nomina).
[à suivre …]